Блейк Пирс

Un mauvais pressentiment


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écoute, Princesse Sourire, tu ferais mieux de passer les dernières minutes de ta journée de travail à vérifier le rapport de la police scientifique, pour le dossier Sanders… au lieu de rêver de ton whiskey alors qu’il fait encore jour !

      – Boire la journée ? » Elle fit semblant de se vexer. « C’est acceptable si je commence après 17 heures, M. Hulk. »

      Il allait répliquer quand le téléphone sonna. Keri décrocha avant que Ray ne puisse riposter. Elle lui tira la langue, taquine.

      « Police de Los Angeles, service des personnes disparues. Agent Locke à l’appareil. »

      Ray décrocha son combiné pour écouter, sans intervenir. La femme à l’autre bout de la ligne semblait jeune, fin de la vingtaine ou début de la trentaine. Avant même qu’elle ait expliqué pourquoi elle appelait, Keri sentit l’inquiétude dans sa voix.

      « Je m’appelle Mia Penn. J’habite près de Dell Avenue, dans le quartier de Venice, du côté des canaux. Je m’inquiète pour ma fille, Ashley. Elle aurait du arriver à la maison à trois heures et demie, et elle savait qu’on devait aller à un rendez-vous chez le dentiste à 16h45. Elle m’a envoyé un message juste avant de partir de l’école à 15h mais elle n’est jamais arrivée à la maison, et elle ne répond pas aux appels et aux messages. Ça ne lui ressemble pas ! Elle est très responsable.

      – Mme Penn, Ashley rentre-t-elle à la maison à pied ou en voiture ? demanda Keri.

      – À pied, elle n’a que quinze ans. Elle n’a même pas commencé à préparer le code de la route ! »

      Keri jeta un coup d’œil à Ray. Elle savait ce qu’il allait dire, et elle savait qu’il aurait raison. Mais quelque chose, dans la voix de Mia Penn, l’interpellait. Elle devinait que cette femme ne maîtrisait qu’à grand-peine sa panique, qui bouillonnait sous la surface. Elle voulait demander à Ray de passer outre le protocole habituel, mais elle ne parvenait pas à trouver une bonne justification.

      « Mme Penn, je suis l’agent Ray Sands. Je me joins à la discussion. Je voudrais que vous respiriez calmement et que vous me disiez s’il est déjà arrivé que votre fille arrive en retard à la maison. »

      Mia Penn se hâta de répondre, oubliant de respirer : « Oui, bien sûr » admit-elle, tentant de cacher son exaspération. « Comme je vous ai dit, elle a quinze ans. Mais elle a toujours appelé ou envoyé un message si elle avait plus d’une heure de retard. Et ça n’est jamais arrivé alors que nous avions un rendez-vous prévu ! ».

      Ray répondit sans tenir compte du regard désapprobateur de Keri.

      « Mme Penn, votre fille est mineure. En conséquent, les dispositions sur les personnes portées disparues sont différentes que s’il s’agissait d’un adulte. Nous avons plus de marge pour enquêter. Mais pour être honnête, une adolescente qui ne répond pas aux appels de sa mère et qui n’est pas rentrée deux heures après la sortie des cours, cela ne va pas provoquer une réaction immédiate, comme vous l’espérez. À ce stade, nous ne pouvons pas faire grand-chose. Dans une situation comme celle-ci, le mieux que vous puissiez faire serait de venir au commissariat et faire un rapport. Ça serait une très bonne idée, ça ne coûte rien et ça pourrait accélérer les choses au cas où nous aurions besoin de mobiliser plus de moyens. »

      Il y eut un long silence. Lorsque Mia Penn répondit, sa voix avait un accent tranchant qu’elle n’avait pas auparavant.

      « Et dans combien de temps aurons-nous besoin de mobiliser plus de moyens, Monsieur l’agent ? demanda-t-elle. Est-ce que deux heures de plus suffiront ? Dois-je attendre qu’il fasse nuit ? Qu’elle ne soit pas rentrée demain matin ? Je parie que si c’était… »

      Elle s’interrompit. Quoi qu’elle ait eu l’intention de dire, elle semblait savoir que ce serait contreproductif. Ray s’apprêtait à répondre mais Keri lui fit signe et lui adressa un regard signifiant « laisse-moi faire ».

      « Écoutez, Mme Penn, c’est de nouveau l’agent Locke. Vous avez dit que vous habitez dans le quartier des canaux de Venice ? C’est sur mon chemin pour rentrer chez moi. Donnez-moi votre adresse email, je vous enverrai le formulaire pour déclarer une disparition. Vous pouvez commencer à le remplir et je m’arrêterai chez vous pour vous aider à le finir et pour le faire traiter plus vite. Ça vous va ?

      – Oui, c’est très bien, agent Locke. Je vous remercie.

      – Pas de problème. Et peut-être qu’Ashley sera rentrée d’ici là et je pourrai lui passer un savon sur la nécessité de répondre aux appels de sa mère. »

      Keri ramassa ses clés et son sac, prête à se rendre chez les Penn. Ray n’avait pas dit un mot. Elle savait qu’il fulminait, mais elle ne voulait pas croiser son regard. S’il croisait son regard, il allait lui faire la leçon, et elle n’en avait aucune envie.

      Mais apparemment, Ray avait bien l’intention de la sermonner :

      « Les canaux de Venice ne sont pas sur ton chemin.

      – C’est juste un petit détour, fit-elle sans le regarder.  Je serai à la maison un peu plus tard que prévu, et alors ? Mon épisode de Scandal peut attendre. »

      Ray se renfonça dans sa chaise.

      « Et alors ? Alors, Keri, ça fait un an que tu es enquêtrice ici. Je suis content de t’avoir pour collègue, et tu as fait du super boulot, même avant d’obtenir ton insigne. Le dossier Gonzales, par exemple – je ne pense pas que j’aurais pu l’élucider tout seul, et pourtant ça fait dix ans que je travaille ici. Tu as un instinct pour ces choses, et c’est pour ça qu’on faisait appel à toi. C’est pour ça que tu as le potentiel pour être une grande enquêtrice.

      – Merci… fit-elle, tout en sachant qu’il n’en avait pas fini.

      – Mais tu as une faiblesse, et elle va te détruire si tu ne la maîtrises pas. Tu dois laisser le système de la police faire son travail. C’est pour ça qu’il existe. 75% de notre travail se résout tout seul dans les vingt-quatre heures, sans notre intervention. Nous devons laisser ces 75% de côté et se concentrer sur les 25% restants. Sinon, on va s’épuiser, et on risquerait de devenir improductifs, ou pire : contreproductifs. Et ce serait trahir les gens qui ont réellement besoin de nous. Notre travail, c’est aussi de choisir quels combats mener et lesquels abandonner.

      – Ray, je ne demande pas qu’on déclenche une alerte enlèvement au niveau national. Je veux juste aider une maman inquiète à remplir un formulaire, et, je t’assure, c’est juste un petit détour pour moi.

      – Et … ? demanda-t-il.

      – Et il y avait quelque chose d’inquiétant dans sa voix. Elle a omis de nous dire quelque chose. C’est pour ça que je veux lui parler face à face. Il se peut que je me trompe, et dans ce cas, je m’en irai. »

      Ray secoua la tête. Il tenta une dernière fois :

      « Combien d’heures est-ce que tu as perdues à enquêter sur ce jeune sans-abri dont tu étais certaine qu’il avait disparu ? Quinze heures ? »

      Keri haussa les épaules.

      « Mieux vaut être trop prudent, murmura-t-elle.

      – Mieux vaut être salariée que d’être virée pour mauvaise utilisation des ressources du département, rétorqua-t-il.

      – Il est 17h passées.

      – Et alors ?

      – Ça veut dire que j’ai fini ma journée de travail. Et cette mère m’attend.

      – On dirait que tes journées de travail ne finissent jamais. Appelle-la, Keri. Dis-lui de t’envoyer par email le formulaire, ou de t’appeler si elle a des questions. Mais tu dois rentrer à la maison. »

      Elle avait atteint les limites de sa patience. « On se voit demain, M. Propre », lui dit-elle avec une tape sur l’épaule.

      Elle