Darwin Charles

Observations Géologiques sur les Îles Volcaniques Explorées par l'Expédition du «Beagle»


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ations Géologiques sur les Îles Volcaniques Explorées par l'Expédition du «Beagle» / Et Notes sur la Géologie de l'Australie et du Cap de Bonne-Espérance

      AVANT-PROPOS DU TRADUCTEUR

      L'oeuvre de Darwin comprend, outre ses travaux biologiques, trois ouvrages consacrés spécialement à la géologie. Ils ont paru sous le titre général de Géologie du Voyage du Beagle1 et forment comme une trilogie embrassant l'étude des constructions coralliennes, des îles volcaniques et de la géologie de l'Amérique méridionale. De ces publications, la seule qui ait été traduite en français est celle sur les îles coralliennes, étude magistrale où se sont révélées pour la première fois la grandeur de conception, la puissance et la pénétration de cet incomparable observateur2.

      Je me suis proposé de compléter la traduction des oeuvres géologiques de Darwin et je publie aujourd'hui ses Observations sur les îles volcaniques, qui seront suivies par ses études sur la géologie de l'Amérique du Sud. Ces ouvrages, qui ont paru en 1844 et 1846, constituent un ensemble avec le Journal d'un Naturaliste, dont ils développent les passages essentiels sous une forme plus technique. Ces pages, moins descriptives et pittoresques de facture, réclamées telles en quelque sorte par les sujets plus spéciaux dont elles traitent, n'ont pas, quoique d'une portée assez haute cependant pour consacrer, à elles seules, la réputation de l'Auteur, attiré l'attention générale comme l'ont fait son attachant Journal d'un Naturaliste et son livre sur la Structure et la Distribution des îles coralliennes. D'autre part, ces recherches géologiques sont de Darwin avant le Darwinisme: elles ont précédé de près de quinze ans l'Origine des espèces et ses travaux biologiques qui marquent une date dans l'histoire des sciences.

      Ces oeuvres révélatrices dévoilaient la nature organique sous un jour où elle avait été à peine entrevue; il en découlait des conclusions d'une si considérable portée dans tous les ordres d'idées, elles ébranlaient si profondément les préjugés et l'erreur, elles projetaient de si vives clartés sur tant de problèmes restés insolubles, que durant la dernière moitié du XIXe siècle aucune conception ne s'imposa davantage à la pensée, n'y laissa une impression plus profonde et ne suscita des controverses plus passionnées. On comprend qu'au milieu du déchaînement d'injures et de sarcasmes qui accueillirent l'idée de l'évolution telle que la formulait le Maître, dans l'ardeur de la courageuse défense dont elle fut l'objet et dans le triomphe final de la théorie évolutionniste, on perdit peut-être trop de vue le rôle prépondérant que Darwin a joué comme l'un des fondateurs des sciences géologiques. Les recherches du début de sa carrière furent comme noyées dans la gloire de ses plus récentes découvertes.

      Cependant ces études et ces travaux géologiques ont eu une influence directrice sur la pensée du naturaliste anglais, et peut-être n'est-il pas hors de propos, en présentant cette traduction, d'insister sur ce fait. On peut dire, en effet, que les recherches géologiques auxquelles ce savant s'est livré avant d'aborder la publication de l'Origine des espèces l'avaient admirablement préparé à la conception de l'oeuvre capitale qu'il devait édifier. Il est incontestable que c'est dans la connaissance du monde inorganique et de son développement, dans l'observation immédiate des phénomènes géologiques, dans l'application constante des principes de l'école de Hutton et de Lyell dont il fut un des premiers adeptes, qu'on peut voir, sinon le point de départ et l'orientation de ses théories biologiques, du moins une des bases sur lesquelles il les établit.

      C'est du reste ce qu'il déclare lui-même, avec cette noble modestie qui a caractérisé toute son existence, quand il écrit en tête de son Journal, dans sa dédicace à Lyell, que le mérite principal de ses oeuvres a sa source dans l'étude qu'il a faite des Principes de Géologie. C'est là qu'il a pu puiser, en effet, cette notion des causes actuelles, fondamentale pour sa doctrine, suivre leur action dans les périodes anciennes et rattacher l'un à l'autre les phénomènes dont la terre fut le théâtre. C'est à la lumière nouvelle que ce livre avait faite dans son esprit qu'il a pu embrasser, comme nul autre avant lui, l'immense durée des temps géologiques et de la succession des faunes et des flores. Or, ces considérations constituent quelques-unes des pierres angulaires du grandiose édifice qu'est le Darwinisme.

      Tous les naturalistes connaissent les deux chapitres X et XI de l'Origine des Espèces, sur l'insuffisance des données paléontologiques et sur la succession géologique des êtres organisés, où Darwin traite des questions qui mettent en relation ses doctrines avec les données géologiques. L'une des plus hautes autorités contemporaines, Sir Archibald Geikie, les apprécie en ces termes: «Ces chapitres ont provoqué, dans les théories géologiques admises, la révolution la plus profonde qui se soit produite à notre époque»3. Peu d'hommes de science, toutefois, savent quelles études avaient préparé l'Auteur à ces conceptions géniales sur l'histoire de la terre. Pour retrouver la marche de ces études, de cette longue et difficile préparation, il faut remonter aux travaux de Darwin sur la Géologie du Beagle. C'est là qu'on peut apprécier, dans leur expression technique, ces connaissances spéciales sur la nature des roches et sur la structure du globe qui servirent de base à ces généralisations. Quand on a lu et médité ces mémoires, fruit de tant de recherches faites dans un contact direct avec la nature, on comprend comment l'Auteur a pu résoudre ces problèmes fondamentaux avec le savoir et l'autorité incontestée qui le placent au premier rang parmi les initiateurs de la géologie.

      Et ce qui témoigne hautement de la valeur de ces travaux de géologie pure, c'est qu'à côté de tant d'oeuvres de cette époque tombées dans l'oubli ils ont résisté aux attaques du temps. Certes il y a mis son inévitable patine; mais ils demeurent des modèles dont la matière d'un pur métal et la ligne harmonieuse et sévère commandent l'admiration. Ces mémoires témoignent à tous comment une intelligence maîtresse d'elle- même, en possession des connaissances spéciales réclamées par les sujets qu'elle aborde, douée d'une incomparable pénétration, s'entend à scruter la nature, à édifier la synthèse des faits et à la traduire d'une manière claire, concise qui frappe par sa simplicité même. Et pour ceux que leurs études ont préparés à pénétrer le détail de ces oeuvres, qui peuvent se rendre compte des efforts qui accompagnent l'exploration de régions encore vierges, juger des procédés et des méthodes suivis pour atteindre les résultats, se replacer par la pensée au point où en était la science lorsque ces recherches furent faites, saisir le caractère original et neuf des considérations qui devancèrent leur temps et ont servi de point de départ aux généralisations futures, pour ceux-là l'oeuvre géologique de Darwin sera placée parmi celles qui appartiennent à l'histoire de la géologie; ils reliront ces pages avec admiration et fruit.

      Chargé de décrire les matériaux recueillis par l'expédition du Challenger, j'ai été amené à me livrer à une étude attentive de l'oeuvre géologique du naturaliste anglais: ce fut le cas, en particulier, pour ses Observations sur les îles volcaniques. Les savants qui avaient organisé cette célèbre croisière s'étaient assigné la mission d'aller explorer, à un demi-siècle d'intervalle, les îles de l'Atlantique étudiées lors du voyage du Beagle. Le Challenger aborda donc aux principaux points illustrés par les premières recherches de Darwin: les naturalistes de l'expédition, MM. Murray, Moseley, Buchanan et le Dr Maclean, purent se livrer ainsi sur le terrain à la constatation des faits signalés par Darwin et, se guidant par ses mémoires, recueillir aux gisements qu'il avait explorés des séries de roches analogues à celles sur lesquelles avaient porté ses investigations. On me fit l'honneur de me confier ces matériaux, et je les étudiai avec les ressources qu'offraient, au moment où j'abordai ce travail, les procédés modernes de la lithologie4. Je dus, en me livrant à ces recherches, suivre ligne par ligne les divers chapitres des Observations géologiques consacrées aux îles de l'Atlantique, obligé que j'étais de comparer d'une manière suivie les résultats auxquels j'étais conduit avec ceux de Darwin, qui servaient de contrôle à mes constatations. Je ne tardai pas à éprouver une vive admiration pour ce chercheur qui, sans autre appareil que la loupe, sans autre réaction que quelques essais pyrognostiques, plus rarement quelques mesures au goniomètre, parvenait à discerner la nature des agrégats minéralogiques les plus complexes et les plus variés. Ce coup d'oeil qui savait embrasser de si vastes horizons, pénètre ici profondément tous les détails lithologiques. Avec