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N’ALLEZ JAMAIS CHEZ
LE DENTISTE LE LUNDI
Ana Escudero
Belén Escudero
Première édition: julliet 2019
© Ana Escudero Canosa
© Belén Escudero Canosa
© Cécile Torrents
© N'allez jamais chez le dentiste le lundi
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Images de couverture: licence Creative Commons
Origine des images: Pixabay
Auteurs des images originales: Mysticsartdesign, martaposemuckel.
Épisode 1 — Le début
— Peter, n’oublie pas qu’aujourd’hui tu dois amener Alexis chez le dentiste. Peter, malgré un manque d’envie évident, hocha docilement la tête.
—Et n’oublie pas non plus de passer au supermarché acheter la nourriture pour Sultan, continua Vivian.
Peter lança un regard au concerné : le chien se prélassait, collé à la cheminée, complètement immobile. Seules ses oreilles remuèrent en entendant le mot « nourriture ».
— Et toi, Vivian, tu vas où ? demanda Peter, même s’il savait déjà pertinemment la réponse.
— Tu sais bien que j’ai des affaires à régler, des dettes à couvrir. D’ailleurs, quand vas-tu me rembourser tout l’argent que tu me dois encore ? Les années passent et les intérêts grimpent…
— Mais tout n’était pas déjà réglé ? demanda Peter.
— Pourquoi nous sommes nous mariés déjà ?
— Oui, ce n’était pas le pacte ?
— Honnêtement ? Je ne m’en souviens pas. Comprends-moi, le stress du mariage m’a forcé à dire des choses que je ne pensais pas…
Peter se souvient que ce jour-là, tout avait été très rapide, il avait cru qu’ils allaient le tuer. Vivian se leva de la chaise, s’approcha de Peter et l’embrassa avant d’aller embrasser son fils, qui jouait avec Sultan, lui tirant gentiment les oreilles.
— A plus tard, dit-elle en partant, et ne rentre pas tard, Peter. Je ne pourrai pas changer l’heure du rendez-vous encore une fois.
Peter regarda sa femme partir sans regret, elle était d’un tempérament tyrannique et cela commençait à lui coûter de vivre avec tant de règles. Cela allait contre sa nature.
— Alexis, va t’habiller et n’oublie pas de prendre un sweat. Maman te grondera si tu abîmes ton déguisement. Après le dentiste, on ira où tu veux.
— D’accord papa. Où je veux… pour de vrai ?
— Oui, n’importe où.
Pour Peter, une visite chez le dentiste méritait bien une récompense. Vingt minutes après, les deux sortaient, suivis de près par Sultan. Le cabinet du dentiste n’était pas à côté ; il fallait marcher plus d’une demi-heure si bien que Peter décida :
— On va prendre le bus, ça te va Alexis ?
— Oui, mais… et Sultan ?
— Sultan vient avec nous, ne t’inquiète pas.
Alexis resta pensif, il y avait quelque chose qui clochait, mais il décida de suivre son père. Les trois marchèrent jusqu’à l’arrêt de bus. Peter et Alexis devant, et Sultan, à l’arrière, paraissant plus se laisser tirer que marcher par lui-même. Quand ils arrivèrent, Peter remarqua qu’il y avait déjà quelques personnes qui attendaient le bus.— Je n’aime pas rester debout, dit-il, viens Alexis, on va se mettre parmi les premiers.
Au loin, une voiture doubla alors adroitement le bus qui arrivait. Le feu rouge arrêta le bus un instant et donna le temps au véhicule d’arriver jusqu’à Peter. La voiture s’arrêta et le conducteur klaxonna plusieurs fois. Tout le monde l’observait. Sultan aboya joyeusement et Alexis applaudit tandis que Peter regardait, effrayé, le conducteur.— Salut, vous montez ? proposa le Créancier.— Pas la peine, on peut parfaitement prendre le bus, répondit Peter brusquement.
Le bus avança à nouveau et plusieurs personnes lui firent signe de s’arrêter. Peter prit par la main son fils et appela Sultan, tout en se dirigeant vers le bus dans l’intention d’y monter. Mais Sultan ne bougeait pas, il s’était confortablement couché sur le siège arrière de la voiture.
— Papa, regarde Sultan! Il est monté dans la voiture du Créancier! commenta Alexis, pointant du doigt l’évidence.
Peter se retourna pour le voir par lui-même. Pendant ce temps, le bus s’était arrêté et les gens commençaient déjà à y entrer, certains se bousculant même, ayant dans l’idée de monter les premiers pour avoir un siège libre.
Le Créancier attendait, se roulant une cigarette, appuyé sur le capot, que Peter se décide.
— Si tu réfléchis trop, vous allez arriver en retard à votre rendez-vous, dit-il.
— Bon je monte, mais c’est moi qui conduis.
Le Créancier rit, comme lui seul savait le faire, d’un rire mystérieux et sombre qui fit frémir Peter jusqu’au plus profond de son être.
— Je suis sur le point d’avoir mon permis de conduire, protesta-t-il sans mentionner que c’était son vingtième essai.
Le Créancier rit à nouveau - si le son qui sortait de sa gorge pouvait être appelé rire.
— Allez, monte. Regarde, ton fils est déjà à côté de Sultan.
— Papa, monte, ou maman va nous gronder, renchérit Alexis
Il monta donc à la suite du Créancier qui mit le moteur en route.
— Je vous dépose où ? demanda-t-il.
— 150 rue del Arribista.
— Et qu’est-ce que vous allez faire là-bas ?
— Tu le sais déjà… on va chez le dentiste.
— Moi ? Comment veux-tu que je le sache, petit frère ?
— Je crois que tu te fais vieux. L’ Alzheimer te joue des tours.
— Très drôle petit frère! C’est que tu aimerais bien que je perde la mémoire.
— Je m’inquiète pour toi… ça fait un paquet d’années qu’on se connaît. Quel âge as-tu déjà ?
— Je dirais quarante deux.
— C’est tout ? Tu sembles plus vieux. Le travail que tu fais te vieillit, commenta Peter. Regarde-moi, je viens tout juste d’avoir trente ans et regarde le teint que j’ai, conclut-il.
— Mais oui, tu es encore un enfant, frérot. Enfin, ce serait mieux qu’on se mette en route ou ta femme nous engueulera tous les deux.
Il tourna alors le volant pour s’introduire dans la circulation.
A mesure qu’il se rapprochait de leur destination, Peter devenait de plus en plus nerveux. Pendant ce temps, Alexis observait les voitures à travers la vitre.
— Tonton, j’ai une question. Comment tu t’appelles pour de vrai ? Créancier ? Tonton ? Mon papa t’appelle toujours en disant « celui-là » ou d’autres mots que maman ne veut pas que je répète à voix haute.
— Ahahaha, se mit à rire le Créancier, tu peux m’appeler Créancier, comme tout le monde.
— D’accord oncle Créancier.
— Pourquoi vas-tu voir le dentiste, Alexis ?
— Ma maman dit que c’est parce que je mange trop de bonbons. Elle dit aussi que c’est la faute à papa.
— Quel âge as-tu ?
Alexis leva ses mains et tendit en l’air six doigts.
— Six ans! s’exclama