Paul Feval

La Louve


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       Paul Féval

      La Louve

      Publié par Good Press, 2021

       [email protected]

      EAN 4064066330422

       PREMIÈRE PARTIE LA SAINT-JEAN

       I L’APPARITION

       II LE JEUNE MONSIEUR CÉSAR

       III LE CIERGE DE LA SAINT-JEAN

       IV GAGEURE PERDUE

       V LA TOUR DE L’OUEST

       VI LE MESSAGE

       VII LE SALON D’HONNEUR

       VIII LE BERCEAU

       IX DIEU ET TA MÈRE!

       DEUXIÈME PARTIE LA SORCIÈRE

       I LE PONT-JOLI

       II TRIUMFÉMINAT

       III LA COURTE-PAILLE

       IV REPAS SUR L’HERBE

       V RENSEIGNEMENTS

       VI LE NOEL

       VII RAOUL ET CÉLESTE

       VI PASSÉ, PRÉSENT, AVENIR

       IX LE BIVOUAC DES LOUPS

       X PARIS A VUE DE LOUP

       XI L’INTÉRIEUR DU MOULIN

       LA SAINT-JEAN

       Table des matières

       L’APPARITION

       Table des matières

      Le soleil égayait déjà les bouquets de verdure, étagés au versant de la colline: vieux charmes au troncs difformes et noueux; grands bouleaux élancés hardiment et portant avec fierté leur tremblante couronne de feuillage, chênes robustes, châtaigniers arrondissant en voûte leurs branches touffues. Çà et là, au-dessus du couvert épais et solide comme un dôme, montaient des colonnettes de fumée qui se tordaient en spirales légères, bleuies par les rayons du levant.

      Ce n’était pas la vapeur opaque et lourde que respirent à présent les cheminées de nos usines; c’était le souffle timide de l’industrie en bas âge: chaque colonnette de fumée marquait la place d’une loge couverte en chaume, humble fabrique de ces sabots roses, recourbés à la chinoise, ventrus comme des vaisseaux de haut bord, qui sont la gloire de la forêt de Rennes.

      Le comte de Rohan-Polduc, Notre Monsieur, comme on l’appelait dans les les loges, disait que son manoir avait été bâti au IXe siècle de l’ère chrétienne par St Guéhéneuc, dit aussi St Winoch et St Guy, cadet de la maison ducale de Bretagne, comte de Porhoët, vicomte de Rennes et premier auteur du nom de Rohan. Si le bon gentilhomme se trompait, ce n’était pas de beaucoup, car le manoir semblait vieux comme le monde, avec ses tourelles étroites entassées confusément, son petit donjon tapissé de giroflées et ses poivrières aux toits pointus comme des bonnets de magicien. Les ardoises de la toiture, blanches de lichen, laissaient croitre partout la joubarbe et la mousse qui pendait, longue comme une chevelure. Les murs, faits de blocs de granit, étaient vigoureux encore, mais, sous le noir manteau de lierre qui les enveloppait, on découvrait les rides du vieillard et les blessures du soldat: les crevasses, injures du temps; les brèches, cicatrices glorieuses de la sape et de la mine.

      Un fossé large et qui avait dû être profond, au temps où le manoir gardait des prétentions au titre de forteresse, faisait le tour des bâtiments; il conservait juste assez d’eau pour servir aux ébats d’une troupe nombreuse d’oies et de canards. On avait cependant comblé la portion des douves qui faisait face à l’avenue, de sorte que les maîtres, les serviteurs et les troupeaux pouvaient entrer de plain pied dans le pâtis, situé en avant du saut-de-loup. Le saut-de-loup lui-même se traversait à l’aide d’un petit pont rustique aboutissant à une large brèche pratiquée dans le rempart.

      Cette brèche avait son histoire.

      En1670, alors que le roi Louis XIV et le comte de Rohan-Polduc étaient jeunes tous les deux, le gentilhomme breton avait eu fantaisie de faire la guerre au plus puissant monarque de l’Europe. Rohan avait en lui du levain protestant comme presque tous ceux de sa race; le sang ducal coulait dans ses veines et son chartrier contenait plus de vieux parchemins qu’il n’en fallait pour établir ses droits au trône de Bretagne. Louis XIV, qui avait des Rohan tant et plus à sa cour de Paris: Rohan-Soubise, Rohan-Guéménée, Rohan-Rochefort, et même ces Rohan-Chabot dont l’épopée comique prêta si bien à rire aux gazetiers du dix-septième siècle, Louis XIV ne se douta peut-être jamais qu’au fin fond de la forêt de Rennes il y avait un prince mal peigné qui prétendait lui disputer une portion de son royaume.

      C’était le temps où madame la marquise de Sévigné, la charmante Bretonne, raillait avec tant d’esprit et si peu de patriotisme les pauvres sauvages Bretons. On aurait entendu de fiers éclats de rire à Versailles, si quelque prophète s’était avisé de prédire que le premier coup de tonnerre lointain annonçant la révolution à venir gronderait dans ce ciel brumeux, et que le premier couplet de la chanson «patriote» serait chanté par ces gentilshommes à crinières incultes et à mains calleuses, bons à la charrue comme à l’épée, pour qui la marquise tout aimable gardait ses plus dédaigneux sourires.

      Elle était loin encore la révolution française. Honoré d’Albert, duc de Chaulnes, frère cadet du connétable de Luynes, gouverneur de la province de Bretagne et l’homme le plus gros de son siècle, envoya deux compagnies contre les paysans de Polduc, qui s’étaient