Аристофан

Aristophane; Traduction nouvelle, tome second


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Toi, va au plus vite remplir d'ailes tous les paniers d'osier et toutes les corbeilles; que Manès m'apporte ici les ailes, et moi je recevrai les arrivants.

LE CHOEUR

      Avant peu on pourra saluer cette ville du nom de populeuse.

PISTHÉTÆROS

      Pourvu que la Fortune soit favorable.

LE CHOEUR

      Les coeurs sont épris de ma cité.

PISTHÉTÆROS, à l'Esclave

      Apporte donc vite.

LE CHOEUR

      Que manque-t-il à cette ville pour en rendre le séjour agréable à l'homme? La Sagesse, l'Amour, les divines Kharites, le doux visage de l'aimable Paix.

PISTHÉTÆROS

      Quelle lenteur à servir! Tu ne peux donc pas te presser davantage?

LE CHOEUR

      Qu'on apporte vite un panier d'ailes! Et toi, presse-le de nouveau, en le frappant, comme je fais: il est tout à fait lent comme un âne.

PISTHÉTÆROS

      Oui, Manès est un paresseux.

LE CHOEUR

      Toi d'abord, mets ces ailes en ordre: les musicales ensemble, puis les prophétiques, et enfin les marines. Ensuite, d'une façon intelligente, tu verras à donner à chaque homme les plumes qui lui conviennent.

PISTHÉTÆROS, à Manès

      Par les crécerelles! je ne supporterai plus de te voir ainsi paresseux et lent!

UN PARRICIDE

      Que ne suis-je l'aigle qui plane dans les airs, pour voler au-dessus des flots d'azur de la plaine stérile!

PISTHÉTÆROS

      Le messager n'était point, à ce qu'il semble, un faux messager. Voici un homme qui s'avance en chantant des aigles.

LE PARRICIDE

      Ah! il n'est rien de plus doux que de voler. Moi, j'aime les lois des oiseaux: j'ai l'ornithomanie, et je vole, et je veux habiter parmi vous, et je suis passionné pour vos lois.

PISTHÉTÆROS

      Quelles lois? Car les oiseaux ont beaucoup de lois.

LE PARRICIDE

      Toutes; mais surtout celle qui trouve beau chez les oiseaux d'étrangler et de mordre son père.

PISTHÉTÆROS

      En effet, de par Zeus! nous regardons comme tout à fait brave de battre son père, quand on n'est encore que poussin.

LE PARRICIDE

      Voilà pourquoi je viens habiter ici, parce que je désire étrangler mon père et avoir tout son bien.

PISTHÉTÆROS

      Mais il y a aussi chez nous autres oiseaux une loi antique, inscrite sur les colonnes des cigognes: «Quand le père cigogne a nourri ses petits, et qu'il les a mis en état de voler, les petits, à leur tour, doivent nourrir leur père.»

LE PARRICIDE

      De par Zeus! j'ai fait une jolie affaire en venant ici, s'il me faut encore nourrir mon père!

PISTHÉTÆROS

      Pas du tout; puisque tu es venu ici, mon cher, avec tant d'empressement, je vais t'emplumer comme un oiseau orphelin. Et d'ailleurs, jeune homme, je ne te donnerai pas un mauvais conseil, mais un bon, que j'ai reçu jadis, étant enfant: «Ne frappe pas ton père.» Puis, d'une main prends cette aile, de l'autre ces ergots: figure-toi que tu as une crête de coq, monte la garde, fais la guerre, vis de ta solde, et laisse vivre ton père… Seulement, puisque tu as l'humeur belliqueuse, prends ton vol vers la Thrakè, et combats.

LE PARRICIDE

      Par Dionysos! je trouve que tu parles bien, et je t'obéirai.

PISTHÉTÆROS

      Tu agiras sensément, j'en prends Zeus à témoin.

KINÉSIAS

      Je prends l'essor vers l'Olympos sur mes ailes légères: dans mon vol je parcours, l'une après l'autre, les routes de la mélodie.

PISTHÉTÆROS

      Voilà une occupation qui réclame une cargaison d'ailes.

KINÉSIAS

      D'un esprit et d'un corps intrépides, j'en cherche une nouvelle.

PISTHÉTÆROS

      Nous saluons Kinésias, l'homme-tilleul. Pourquoi venir ici, clopin-clopant, sur ton pied bot?

KINÉSIAS

      Je veux devenir oiseau, mélodieux rossignol.

PISTHÉTÆROS

      Assez de mélodies; dis-moi ce que tu demandes.

KINÉSIAS

      Par toi muni d'ailes, je veux m'élever au-dessus des airs, et tirer des nuées des préludes vaporeux et neigeux.

PISTHÉTÆROS

      Le moyen de tirer des préludes des nuées?

KINÉSIAS

      C'est d'elles que dépend notre art. Les dithyrambes sont aériens, ténébreux, sombrement azurés, emportés sur des ailes. Écoute, tu le sauras tout de suite.

PISTHÉTÆROS

      Non, pas moi.

KINÉSIAS

      Si, toi, par Hèraklès! Je parcours pour toi tous les espaces aériens, sous la forme des oiseaux ailés qui fendent l'éther avec leur long col.

PISTHÉTÆROS

      Hôop!

KINÉSIAS

      Puissé-je planer au-dessus des mers, emporté par le souffle des vents!

PISTHÉTÆROS

      Par Zeus! je vais mettre un terme à ce souffle.

KINÉSIAS

      Et tantôt suivant les sentiers de Notos, tantôt approchant mon corps de Boréas, fendre le sillon sans rivages de l'éther!–Tu as inventé, vieillard, des procédés gracieux et habiles.

PISTHÉTÆROS

      Quoi! Tu n'es pas content de fendre l'air?

KINÉSIAS

      C'est ainsi que tu traites un poète cyclique que s'arrachent constamment les tribus?

PISTHÉTÆROS

      Veux-tu, en restant chez nous, organiser pour la tribu Kékropide un choeur d'oiseaux légers comme Léotrophidès?

KINÉSIAS

      Tu te moques de moi, c'est évident. Toutefois, je ne cesserai point, sache-le, que je n'aie des ailes pour voler à travers les airs.

UN SYKOPHANTE

      Quels sont ces oiseaux indigents, au plumage bigarré? Dis-le-moi, hirondelle aux ailes étendues et tachetées.

PISTHÉTÆROS

      Le fléau qui surgit n'est pas mince: voici quelqu'un qui vient ici en fredonnant.

LE SYKOPHANTE

      Hirondelle aux ailes étendues et tachetées, je t'appelle une seconde fois.

PISTHÉTÆROS

      C'est à son manteau qu'il m'a l'air de chanter un skolie; il semble avoir besoin du retour des hirondelles.

LE SYKOPHANTE

      Où est celui qui donne des ailes aux arrivants?

PISTHÉTÆROS

      Le voici; mais il faut dire pour quel usage.

LE SYKOPHANTE

      Des ailes, il me faut des ailes: ne m'en demande pas davantage.

PISTHÉTÆROS

      Est-ce que tu as l'idée de voler droit à Pellènè?

LE SYKOPHANTE

      Non, de par Zeus! Je suis huissier près les îles, sykophante…

PISTHÉTÆROS

      Heureux métier!

LE SYKOPHANTE

      Et dénicheur de procès. J'ai donc besoin de prendre des ailes pour rôder autour des villes et faire des assignations.

PISTHÉTÆROS

      Avec des ailes, assigneras-tu plus adroitement?

LE SYKOPHANTE

      Non, de par Zeus! mais c'est afin que les voleurs ne me molestent pas: avec les grues je reviendrai de là-bas, lesté d'un grand nombre de procès.

PISTHÉTÆROS

      Quoi! c'est donc là ton métier? Dis-moi, jeune comme tu es, tu dénonces les étrangers?

LE SYKOPHANTE

      Que ferais-je? Je n'ai pas appris à bêcher.

PISTHÉTÆROS

      Mais