en rafale rapide. Ensuite, ce fut le silence. “Alan,” chuchota-t-il dans l’oreillette. “La voie est libre ?”
“Pas encore,” fut sa réponse. Une salve de tirs automatiques fendit l’air, suivis par deux coups émanant du Glock. “La voie est libre. Retrouve-moi de l’autre côté.”
Zéro resta dos au mur en avançant rapidement, le contreplaqué rugueux frottant contre son gilet tactique. Il distingua un mouvement furtif au-dessus de lui, depuis le toit plat de la structure. Un seul coup bien placé à la tête élimina la menace.
Il atteignit l’angle et s’arrêta, prenant une profonde inspiration avant de se montrer. Alors qu’il faisait le tour, Ruger levé, il se retrouva nez-à-nez avec Reidigger.
“J’en ai trois,” lui dit Zéro.
“Deux de mon côté,” grommela Alan. “Ce qui veut dire…”
Zéro n’eut pas le temps de crier un avertissement en voyant une forme humaine apparaître derrière Alan. Il leva son pistolet, juste au-dessus de l’épaule d’Alan, et tira deux fois.
Mais pas assez vite. Alors que Zéro tirait, Alan cria et serra sa jambe.
“Ah, putain !” grogna Reidigger. “Pas encore une fois.”
Zéro grimaça, alors que de brillantes lumières fluorescentes s’allumaient soudain, illuminant tout le terrain d’entraînement intérieur. Des talons claquèrent contre le sol bétonné et, un moment plus tard, Maria Johansson débarqua, bras croisés sur son blazer blanc, sa bouche maquillée faisant la moue.
“Qu’est-ce qui se passe ?” protesta Reidigger. “Pourquoi on s’arrête ?”
“Alan,” gronda Maria, “peut-être que tu devrais suivre tes propres conseils et surveiller tes arrières.”
“Quoi, ça ?” Alan désigna sa cuisse où une balle de paintball verte avait éclaboussé son pantalon. “C’est juste une égratignure.”
Maria haussa le ton. “L’artère fémorale aurait été touchée. Tu serais mort en quatre-vingt-dix secondes.” À l’attention de Zéro, elle ajouta, “Beau travail, Kent. Tu bouges presque comme quand tu étais plus jeune.”
Zéro décocha un sourire à Alan, qui lui fit furtivement un doigt.
L’entrepôt dans lequel ils se trouvaient était une ancienne usine de conditionnement en gros, jusqu’à ce que la CIA la rachète et la transforme en terrain d’entraînement. Le dispositif en lui-même était le produit de l’ingénieur excentrique de l’agence Bixby, qui avait fait de son mieux pour simuler un raid nocturne. La “base” qu’ils avaient pris d’assaut était composée de structures en contreplaqué, tandis que les flashs des canons des armes étaient des stroboscopes placés un peu partout dans les locaux. Les bruits des coups de feu étaient reproduits numériquement et diffusés via des haut-parleurs haute-définition qui faisaient écho dans cet immense espace et donnaient presque l’impression aux oreilles entraînées de Zéro que c’étaient de vrais coups de feu. Les formes humaines n’étaient rien d’autre que des mannequins en gel balistique fixés sur des chariots, tandis que les armes de paintball étaient automatisées, programmées pour tirer quand les capteurs décelaient un mouvement à diverses portées.
La seule chose vraie de l’exercice étaient les balles réelles qu’ils utilisaient, raison pour laquelle Zéro et Reidigger portaient des gilets tactiques pare-balles… Voilà pourquoi ce centre d’entraînement n’était accessible qu’aux agents des Opérations Spéciales, dans lesquelles Zéro se retrouvait à nouveau enrôlé.
Après le fiasco en Belgique, dans lequel ils s’étaient tous les deux confrontés au président russe Aleksandr Kozlovsky et avaient dévoilé le pacte secret qu’il avait avec le président des USA Harris, dire que Zéro et Reidigger s’étaient retrouvés dans le pétrin était un doux euphémisme. Ils étaient devenus des fugitifs internationaux recherchés dans quatre pays pour avoir enfreint plus d’une dizaine de lois. Mais ils avaient eu raison à propos du complot, et il ne semblait pas vraiment justifié pour eux deux qu’ils passent le reste de leurs vies en prison.
Aussi, Maria avait tiré toutes les ficelles possibles, se mouillant vraiment pour ses anciens coéquipiers et amis. Ça tenait presque du miracle qu’elle ait réussi à faire passer toute cette histoire pour une opération top-secret sous sa supervision.
Bien sûr, la contrepartie était qu’ils devaient retourner bosser pour la CIA.
Même si Zéro ne comptait pas l’admettre à haute voix, c’était comme un retour à la maison pour lui. Il avait travaillé dur ce dernier mois, se remettant au sport, allant an centre de tir pour s’entraîner tous les jours, boxant et évitant les coups d’opposants ayant presque la moitié de son âge. Le poids qu’il avait pris durant son absence d’un an et demi s’était volatilisé. Il s’améliorait au tir de sa main droite blessée. Maria avait raison, il était presque au même niveau qu’avant.
Alan Reidigger, de son côté, avait résisté au maximum. Il avait passé les quatre dernières années de sa vie sous l’alias d’un mécanicien appelé Mitch, alors que l’agence le croyait mort. Revenir à la CIA était la dernière chose qu’il voulait mais, étant donné le choix entre ça ou un trou à E-6, il avait accepté à contrecœur les conditions de Maria, mais en tant que ressource plutôt qu’agent à part entière, raison pour laquelle Zéro plaisantait en l’appelant “partenaire à mi-temps.” L’implication d’Alan dépendrait des besoins et il fournirait son soutien si nécessaire, aidant également à former des agents plus jeunes.
Mais avant ça, il fallait qu’ils retrouvent tous les deux la forme pour se battre.
Reidigger voulut essuyer la peinture verte sur son pantalon, ce qui ne fit que l’étaler un peu plus sur sa cuisse. “Laisse-moi nettoyer ça, et on s’y remet,” dit-il à Maria.
Elle secoua la tête. “Je ne vais pas passer toute la journée dans ce lieu étouffant à te voir prendre coup après coup. On reprendra après les vacances.”
Alan marmonna, mais acquiesça quand même. Il avait été un excellent agent en son temps. Et même maintenant, il s’avérait être encore vif et apte au combat. Il était rapide, malgré son poids en trop au niveau du ventre. Pourtant, il avait toujours été un aimant à balles. Zéro ne pouvait même pas se rappeler le nombre de fois où Reidigger s‘était fait tirer dessus durant sa carrière, mais ça ne devait pas être loin d’un nombre à deux chiffres, en particulier depuis qu’il avait pris une balle à l’épaule durant leur épopée belge.
Un jeune technicien débarqua avec un chariot en acier à roulettes pour récupérer leurs équipements, tandis que trois autres s’affairaient à remettre en ordre la zone d’entraînement. Zéro dégagea la balle de la chambre du Ruger, retira le chargeur et posa les trois éléments sur le chariot. Puis, il arracha les bandes Velcro de son gilet tactique et le fit passer par-dessus sa tête pour l’enlever, se sentant soudain plus léger de quelques kilos.
“Alors, il y a une chance que tu aies changé d’avis ?” demanda-t-il à Alan. “Pour Thanksgiving. Les filles seraient ravies de te voir.”
“Et ça me ferait plaisir de les voir aussi,” répondit-il, “mais je vais passer mon tour pour cette fois. Je préfère vous laisser vous retrouver en famille.”
Alan ne s’attarda pas sur le sujet, et il n’en avait pas besoin. Les relations de Zéro avec Maya et Sara avaient été plus que tendues depuis un an et demi. Mais cela faisait maintenant plusieurs semaines que Sara était retournée chez lui, depuis qu’il l’avait retrouvée sur une plage en Floride. Maya et lui avaient commencé à se parler de plus en plus par téléphone et elle avait presque sauté dans le premier avion quand elle avait appris ce qui était arrivé à sa petite sœur, mais Zéro l’avait rassurée et convaincue de rester à l’école jusqu’aux vacances. Cette semaine serait la première depuis longtemps où ils allaient tous se retrouver sous le même toit. Et Alan avait raison. Il y avait encore beaucoup de boulot à accomplir pour