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CHAPITRE PREMIER
Riley Sweeney sentit une goutte de sueur sur son sourcil. Sa main trembla tandis qu’elle s’essuyait le visage avec un mouchoir. La salle d’audience paraissait soudain étouffante. Son cœur battait la chamade.
Le moment tant attendu était arrivé.
Son partenaire, l’agent spécial Jake Crivaro, s'apprêtait à témoigner au procès de Larry Mullins. Riley observa de l’autre côté de la salle la silhouette trapue de son coéquipier. Son visage tressaillait d’impatience.
Le résultat du procès était incertain, mais elle sentait que le témoignage de Crivaro pouvait tout faire basculer.
Cela faisait un an aujourd’hui qu’il était entré dans la vie de Riley et lui avait permis d’entrer dans le DSC, le Département des Sciences du Comportement. Une victoire judiciaire aujourd’hui serait un bon moyen de fêter l'événement.
Mais quelque chose semblait se tramer. Le procureur général s’était approché de l’avocat de Mullins et ils étaient en grande conversation.
Que se passe-t-il ? se demanda Riley.
Quoi qu’ils se disent, ça ne sentait pas bon.
Finalement, le procureur se tourna vers l’estrade et s’adressa au juge :
– Votre honneur, l’avocat de la défense et moi-même souhaiterions vous parler en privé.
Le juge Tobias Redstone se renfrogna.
D’un coup de maillet, il annonça :
– L’audience est brièvement suspendue le temps que je m’entretienne avec les deux parties.
Toute la salle se leva pendant que l’huissier et les avocats suivaient le Juge Redstone hors de la salle d’audience. Puis un murmure parcourut les jurés et les spectateurs qui se rassirent.
Entouré de gardes, Larry Mullins était toujours assis à la table des accusés. Même s’il avait les mains menottées, il était élégamment habillé d’un costume sur une chemise et une cravate, l’ensemble lui donnant une allure respectable.
Riley savait que son avocat avait fait des pieds et des mains pour que son client n’assiste pas à son procès dans une combinaison orange. Du coup, Mullins ne ressemblait pas à un criminel, il était apprêté, éloquent et avait l’air innocent. Cela semblait fonctionner. Riley sentait que le jury n’était pas convaincu de sa culpabilité.
Voilà pourquoi le témoignage de Crivaro était crucial. S’il y avait bien une personne qui pouvait convaincre le jury que Mullins n’était pas l’homme incompris qu’il prétendait être, c’était bien lui.
En attendant le retour du juge et des avocats, Riley se demanda s’il aurait vraiment l’occasion de témoigner.
Elle ressentit un violent frisson lorsque Mullins la regarda droit dans les yeux, un sourire suffisant s’affichant sur ses traits juvéniles. Puis elle l’observa se tourner vers Crivaro avec la même expression. Ce dernier serra les lèvres et un court instant, Riley eut peur que son partenaire ne traverse la salle pour se jeter sur Mullins.
Ne fais pas ça, pensa-t-elle.
Elle vit Crivaro se détourner et elle comprit qu’il avait du mal à maîtriser sa colère.
Riley espérait seulement pouvoir contenir sa propre rage face à cette expression satisfaite.
Il y avait au moins quelques personnes dans cette salle qui connaissaient la vraie nature de Larry Mullins et qui savaient que c’était un monstre dans l’âme. Riley et Crivaro en faisaient partie. Les autres étaient les parents des deux victimes. Ils étaient assis ensemble et semblaient très inquiets. Ils avaient l’espoir commun de voir Mullins condamné à perpétuité sans remise de peine, ou même à la peine de mort.
Assurément, se dit-elle, le dossier était assez solide pour une condamnation. Elle refit le point dans sa tête.
Larry Mullins exerçait en tant que nounou, ou « nounours », comme il préférait se faire appeler, lorsqu’il fut arrêté pour le meurtre d’Ian Harter, un jeune garçon sous sa garde. Riley et Crivaro avaient été envoyés pour enquêter sur la mort d’Ian. Ils avaient rapidement découvert qu’un autre enfant gardé par Mullins, Nathan Betts, était mort dans les mêmes circonstances dans une autre ville. Les deux garçons étaient morts étouffés, sans aucun doute assassinés.
Mullins avait plaidé non coupable aux deux accusations de meurtre, admettant seulement avoir laissé les deux garçons seuls au moment de leur mort et présentant un semblant de regrets pour sa négligence.
Riley n’avait pas cru une seule seconde que ces deux décès sous la garde de Mullins étaient des coïncidences et encore moins qu’un autre meurtrier inconnu soit encore en cavale. Mais prouver la culpabilité de Mullins sans laisser place au moindre doute était tout autre chose.
Dès le début, le procureur général, Paxton Murawski, avait averti Riley et Crivaro de la difficulté du dossier. Malgré leurs efforts, les agents et la police n’avaient découvert aucune preuve indiquant que Mullins était seul avec les enfants au moment de leur mort.
– Nous devons être prudents, ou ce bâtard va s’en sortir, avait dit Murawski à Riley et Crivaro.
Ni l’une ni l’autre n’avaient vraiment compris ce qu’entendait Murawski par « prudents ». Mais elle avait eu connaissance de tentatives de négociations en coulisses entre l’accusation et la défense. Elle suspectait que la salle allait bientôt en connaître le résultat.
Va-t-il être libéré finalement ? se demanda-t-elle.
Elle frissonna à cette éventualité, et en se rappelant le moment où Crivaro et elle avaient mis Mullins en état d’arrestation.
Lorsque Riley lui avait passé les menottes et lu ses droits, il avait tourné la tête et lui avait adressé un sourire diabolique. L’expression de son visage était en elle-même une confession.
– Bonne chance, avait-il dit, sachant pertinemment qu’il serait difficile de le faire condamner.
Riley serra les dents au souvenir de ces paroles.
Bonne chance !
Elle ne se souvenait pas avoir déjà été aussi furieuse qu’en cet instant. Elle avait eu tellement envie de tuer Mullins que sa main s’était approchée de son arme. Mais Crivaro lui avait mis la main sur l'épaule et lancé un regard d’avertissement, elle avait donc terminé l’arrestation dans les règles.
À présent, Riley se demandait si Larry Mullins serait encore en vie sans l’intervention de Crivaro. Évidemment, elle aurait été accusée de meurtre et aurait pu finir sa vie en prison. Mais cela aurait au moins permis de débarrasser le monde de cet être ignoble.
Riley regrettait presque de ne pas lui avoir tiré dessus.
Au vu de l’expression rageuse de Crivaro, elle devina que ce sentiment était partagé.
L’huissier réapparut et invita Mullins à les rejoindre dans le bureau du juge. Toujours entouré de gardes, l’accusé se leva et le suivit hors de la salle d’audience.
Le cœur de Riley se serra.
Ça ne présage rien de bon, pensa-t-elle.
De longues minutes s’écoulèrent avant le retour de l’huissier qui demanda à l’assemblée de se lever. Le juge Redstone entra, suivi des avocats et de Mullins.
– Les avocats de la défense et le procureur ont conclu un arrangement, annonça-t-il. Si l’accusé accepte de plaider coupable aux deux accusations de meurtre sans préméditation, ce procès ne sera plus nécessaire et l’accusé sera condamné à la peine correspondant à ces accusations.
Riley haleta, comme beaucoup d’autres dans la salle.
Meurtre sans préméditation ?
Cette