Морис Леблан

L'Affaire du Collier de la Reine


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pour qu’il soit impossible de le déplacer sans faire beaucoup de bruit.

      – Et sur quoi donne cette fenêtre ?

      – Sur une courette intérieure.

      – Et vous avez encore un étage au-dessus de celui-là ?

      – Deux, mais au niveau de celui des domestiques, la courette est protégée par une grille à petites mailles. C’est pourquoi nous avons si peu de jour.

      D’ailleurs, quand on eut écarté le bahut, on constata que la fenêtre était close, ce qui n’aurait pas été, si quelqu’un avait pénétré du dehors.

      – À moins, observa le comte, que ce quelqu’un ne soit sorti par notre chambre.

      – Auquel cas, vous n’auriez pas trouvé le verrou de cette chambre poussé.

      Le commissaire réfléchit un instant, puis se tournant vers la comtesse :

      – Savait-on dans votre entourage, madame, que vous deviez porter ce collier hier soir ?

      – Certes, je ne m’en suis pas cachée. Mais personne ne savait que nous l’enfermions dans ce cabinet.

      – Personne ?

      – Personne… À moins que…

      – Je vous en prie, madame, précisez. C’est là un point des plus importants.

      Elle dit à son mari :

      – Je songeais à Henriette.

      – Henriette ? Elle ignore ce détail comme les autres.

      – En es-tu certain ?

      – Quelle est cette dame ? interrogea M. Valorbe.

      – Une amie de couvent, qui s’est fâchée avec sa famille pour épouser une sorte d’ouvrier. À la mort de son mari, je l’ai recueillie avec son fils et leur ai meublé un appartement dans cet hôtel.

      Et elle ajouta avec embarras :

      – Elle me rend quelques services. Elle est très adroite de ses mains.

      – À quel étage habite-t-elle ?

      – Au nôtre, pas loin du reste… à l’extrémité de ce couloir… Et même, j’y pense… la fenêtre de sa cuisine…

      – Ouvre sur cette courette, n’est-ce pas ?

      – Oui, juste en face de la nôtre.

      Un léger silence suivit cette déclaration.

      Puis M. Valorbe demanda qu’on le conduisît auprès d’Henriette.

      Ils la trouvèrent en train de coudre, tandis que son fils Raoul, un bambin de six à sept ans, lisait à ses côtés. Assez étonné de voir le misérable appartement qu’on avait meublé pour elle, et qui se composait au total d’une pièce sans cheminée et d’un réduit servant de cuisine, le commissaire la questionna. Elle parut bouleversée en apprenant le vol commis. La veille au soir, elle avait elle-même habillé la comtesse et fixé le collier autour de son cou.

      – Seigneur Dieu ! s’écria-t-elle, qui m’aurait jamais dit ?

      – Et vous n’avez aucune idée ? Pas le moindre doute ? Il est possible que le coupable ait passé par votre chambre.

      Elle rit de bon cœur, sans même imaginer qu’on pouvait l’effleurer d’un soupçon :

      – Mais je ne l’ai pas quittée, ma chambre ! Je ne sors jamais, moi. Et puis ; vous n’avez donc pas vu ?

      Elle ouvrit la fenêtre du réduit.

      – Tenez, il y a bien trois mètres jusqu’au rebord opposé.

      – Qui vous a dit que nous envisagions l’hypothèse d’un vol effectué par là ?

      – Mais… le collier n’était-il pas dans le cabinet ?

      – Comment le savez-vous ?

      – Dame ! J’ai toujours su qu’on l’y mettait la nuit… on en a parlé devant moi…

      Sa figure, encore jeune, mais que les chagrins avaient flétrie, marquait une grande douceur et de la résignation. Cependant elle eut soudain, dans le silence, une expression d’angoisse, comme si un danger l’eût menacée. Elle attira son fils contre elle. L’enfant lui prit la main et l’embrassa tendrement.

      – Je ne suppose pas, dit M. de Dreux au commissaire, quand ils furent seuls, – je ne suppose pas que vous la soupçonniez ? Je réponds d’elle. C’est l’honnêteté même.

      – Oh ! Je suis tout à fait de votre avis, affirma M. Valorbe. C’est tout au plus si j’avais pensé à une complicité inconsciente. Mais je reconnais que cette explication doit être abandonnée, d’autant qu’elle ne résout nullement le problème, auquel nous nous heurtons.

      Le commissaire ne poussa pas plus avant cette enquête, que le juge d’instruction reprit et compléta les jours suivants. On interrogea les domestiques, on vérifia l’état du verrou, on fit des expériences sur la fermeture et sur l’ouverture de la fenêtre du cabinet, on explora la courette de haut en bas… Tout fut inutile. Le verrou était intact. La fenêtre ne pouvait s’ouvrir ni se fermer du dehors.

      Plus spécialement, les recherches visèrent Henriette, car, malgré tout, on en revenait toujours de ce côté. On fouilla sa vie minutieusement, et il fut constaté que, depuis trois ans, elle n’était sortie que quatre fois de l’hôtel, et les quatre fois pour des courses que l’on put déterminer. En réalité, elle servait de femme de chambre et de couturière à Mme de Dreux, qui se montrait à son égard d’une rigueur dont tous les domestiques témoignèrent en confidence.

      – D’ailleurs, disait le juge d’instruction, qui, au bout d’une semaine, aboutit aux mêmes conclusions que le commissaire, en admettant que nous connaissions le coupable, et nous n’en sommes pas là, nous n’en saurions pas davantage sur la manière dont le vol a été commis. Nous sommes barrés à droite et à gauche par deux obstacles : une porte et une fenêtre fermées. Le mystère est double ! Comment a-t-on pu s’introduire, et comment, ce qui était beaucoup plus difficile, a-t-on pu s’échapper en laissant derrière soi une porte close au verrou et une fenêtre fermée ?

      Au bout de quatre mois d’investigations, l’idée secrète du juge était celle-ci : M. et Mme de Dreux, pressés par des besoins d’argent, avaient vendu le Collier de la Reine. Il classa l’affaire.

      Le vol du précieux bijou porta aux Dreux-Soubise un coup dont ils gardèrent longtemps la marque. Leur crédit n’étant plus soutenu par la sorte de réserve que constituait un tel trésor, ils se trouvèrent en face de créanciers plus exigeants et de prêteurs moins favorables. Ils durent couper dans le vif, aliéner, hypothéquer. Bref, c’eût été la ruine si deux gros héritages de parents éloignés ne les avaient sauvés.

      Ils souffrirent aussi dans leur orgueil, comme s’ils avaient perdu un quartier de noblesse. Et, chose bizarre, ce fut à son ancienne amie de pension que la comtesse s’en prit. Elle ressentait contre elle une véritable rancune et l’accusait ouvertement. On la relégua d’abord à l’étage des domestiques, puis on la congédia du jour au lendemain.

      Et la vie coula, sans événements notables. Ils voyagèrent beaucoup.

      Un seul fait doit être relevé au cours de cette époque. Quelques mois après le départ d’Henriette, la comtesse reçut d’elle une lettre qui la remplit d’étonnement :

      « Madame,

      « Je ne sais comment vous remercier. Car c’est bien vous, n’est-ce pas, qui m’avez envoyé cela ? Ce ne peut être que vous. Personne autre ne connaît ma retraite au fond de ce petit village. Si je me trompe, excusez-moi et retenez du moins l’expression de ma reconnaissance pour vos bontés passées… »

      Que voulait-elle dire ? Les bontés