Bianca Blythe

Il Suffira D'Un Duc


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Et vous avez raison, dit Daisy.

      Margaret dévisagea son amie. Pour quelque raison, Daisy continuait à sourire et à hocher la tête, comme si elles avaient une conversation normale, comme si son amie ignorait complètement le fait que chaque mot qu’elle prononçait était une absurdité

      — Personne ne désire épouser une écossaise dont le père fait du commerce. Quand les gens bavardent, ils s’étonnent que j’aie réellement été invitée.

      — C’est parce que votre père est très riche.

      — Je sais, mais—

      — Tout va bien se passer, dit Daisy en secouant la tête.

      Margaret envisagea de lui dire que chacun de ces mots était absurde. Naturellement, tout n’allait pas bien se passer. Les hommes n’étaient pas connus pour s’extasier sur les frisottis des cheveux trop épais ou sur le manque d’une silhouette élancée.

      — Les hommes n’ont pas envie de me courtiser.

      — Précisément, sourit Daisy avec enthousiasme. C’est pourquoi vous devrez rapidement faire progresser votre position sociale.

      Margaret la regarda soupçonneusement. Daisy parlait avec désinvolture de quelque chose d’impossible. Si Margaret avait été capable de faire progresser rapidement sa position sociale, l’argent de Papa y serait parvenu.

      — Vous avez seulement besoin d’un peu d’aide, dit Daisy songeusement.

      — Les mères sont supposées aider, dit Margaret.

      — Eh bien, oui. Mais la vôtre est un peu trop enthousiaste dans l’accomplissement de ses devoirs. Mais peut-être…

      Daisy se tut, puis un sourire joua sur ses lèvres.

      Margaret se raidit tandis que le sourire de Daisy continuait à s’agrandir, indiquant toutes sortes de mauvais présages. Seules des idées réellement absurdes pourraient faire s’étirer les lèvres de Daisy dans de telles proportions ou pétiller ses yeux avec autant de prémonitions.

      Daisy se pencha vers l’avant.

      — Il y a quelqu’un d’autre qui peut vous aider.

      — J’espère que vous n’allez pas me proposer votre mère.

      — Ne dites pas n’importe quoi. Elle ne serait pas suffisamment motivée.

      — Mais qui le serait ?

      — Le duc de Jevington.

      Margaret fut interloquée.

      Elle ouvrit la bouche pour parler, mais les mots lui échappèrent. Ils semblaient avoir fui devant l’absurdité de la déclaration de Daisy. Finalement, elle secoua la tête.

      — C’est vrai, dit Daisy en se redressant en arrière avec assurance.

      — Vous ne l’avez pas rencontré. Il ne m’aiderait pas.

      — Il vous a probablement été extrêmement reconnaissant de ne pas être restée dans ses appartements. Vous pourriez être en train de faire des préparatifs pour devenir duchesse. Au lieu de cela, vous êtes ici. Un endroit nettement moins noble, dit Daisy en souriant avec ironie.

      La maison de Daisy avait beau se trouver dans un quartier agréable, l’intérieur manquait du luxe présent chez d’autres amies de Margaret. Aucun buste romain n’était perché sur les buffets, et aucune déesse grecque ne les contemplait depuis des plafonds peints avec recherche. La maison de Daisy semblait… confortable. Après tout, ses parents avaient consacré du temps à la conduire de station thermale en station thermale dans l’espoir de la guérir de sa claudication. Aucun de leurs efforts n’avaient donné de résultat, malgré les caisses bien remplies de son père et son enthousiasme à dépenser de l’argent. Ces caisses étaient à présent moins pleines, reflétant malheureusement de façon similaire un moral moins gai, et la mère de Daisy n’était pas attelée à la tâche de le cajoler pour obtenir un budget généreux pour des tentures ou pour vanter les mérites d’un ameublement renouvelé, avec la même vigueur que d’autres femmes de la haute société.

      — Je ne peux pas lui demander de me trouver un mari, dit Margaret sans prendre l’idée au sérieux.

      — Le duc de Jevington n’a pas la réputation d’être cruel.

      — Il n’a pas non plus celle d’être déraisonnable.

      Daisy ne se raidit pas. À la place, elle retira son réticule de son bureau, l’ouvrit, et glissa une pièce dans la main de Margaret.

      — Mes parents insistent pour que je la garde en cas d’urgence. Jameson vous aidera à trouver un fiacre. Et demain, vous rendrez visite au duc et lui parlerez de votre situation.

      Malgré le trajet sans heurts de la calèche, à présent que Londres était plongée dans la nuit et libérée de la plus grande partie de ses fiacres, charrettes et passants, Margaret rentra chez elle sur ses gardes, tout en réfléchissant aux paroles de son amie.

      Enfin, le fiacre s’arrêta devant la résidence familiale. Margaret regarda fixement l’immeuble menaçant qui se profilait plus haut que les immeubles avoisinants, comme si la taille pouvait indiquer la majesté. Sa famille n’avait emménagé là que récemment, et le bâtiment lui semblait aussi étranger que tout le reste dans la capitale.

      Elle devrait peut-être simplement dire au cocher de faire demi-tour et aller passer la nuit chez Daisy.

      Mais ce n’était pas une solution définitive.

      Ce n’était pas la première fois que Margaret souhaitait être chez elle – vraiment chez elle. Tout avait été plus simple avant que les affaires de Papa ne prennent leur essor.

      Le cocher ouvrit la porte, et Margaret sortit du fiacre. Son cœur frémit, même si marcher jusqu’à la porte était un acte qu’elle avait accompli à maintes reprises auparavant, même si, normalement, elle était accompagnée par sa mère ou par une bonne.

      Cependant, il n’y avait aucune raison de tergiverser.

      Elle leva la main vers le heurtoir et frappa, se demandant si le majordome aurait abandonné son poste, étant donné l’heure tardive.

      Elle n’eut pas besoin de s’inquiéter.

      La porte s’ouvrit immédiatement. Au lieu de l’expression solennelle du majordome, sa mère apparut.

      — Ma chère enfant ! s’écria Maman avec un cri perçant, enveloppant Margaret dans ses bras.

      Maman ne la serrait pas dans ses bras, d’habitude. Les embrassades étaient réservées aux petits enfants, pas aux filles dont on craignait qu’elles ne terminent célibataires.

      — J’étais si inquiète, clama Maman d’une voix aiguë.

      Margaret se demanda si elle devait lui rappeler qu’elle n’aurait pas été aussi inquiète si elle n’avait pas pris la décision de la ligoter au lit du duc.

      Lily trottina vers elle, agitant la queue, inconsciente de ce que cette soirée avait de différent de toutes les autres. Margaret s’accroupit et caressa la fourrure pâle de sa chienne.

      — Ah, vous voilà, dit Papa.

      Même si la lumière se reflétait sur son pince-nez comme à l’ordinaire, Margaret vit les rides amicales autour de ses yeux, même si Papa affichait moins d’émotions que sa mère.

      — Jeune fille, vous auriez dû rentrer à la maison avec votre mère, dit Papa comme s’il se souvenait que le moment était propice à une démonstration d’autorité parentale, même si ces occasions étaient rares. Pourquoi diable avez-vous été séparée d’elle ?

      Maman regarda Margaret avec nervosité.