В начале было Слово. Учебно-методическое пособие по богословскому переводу (французский язык)
le texte hébraïque que traduit en français la TOB2, la Bible de Jérusalem, Segond3… Ce qui pose problème, car ce sont les seules Bibles complètes dans nos langues modernes les plus courantes et peu sont capables de lire couramment la Septante en grec ancien ou en slavon. Et, de plus, comment assumer le fait que, pour la majorité des orthodoxes, seule la Septante est la Bible chrétienne authentique au détriment du texte hébreu…
Y a-t-il vraiment deux blocs? La Septante « sainte» et cette autre que nous sommes obligés de lire, puisque c’est la seule Bible complète traduite en français et celle dont tout le monde se sert?
PARTIE 2
Essayons de nuancer les différences et de montrer ce que chacune peut apporter.
Rappel historique
À la fin du 1er siècle de notre ère en Palestine, lors de la reconstruction du Judaïsme après la destruction du Temple en 70, les docteurs juifs vont choisir et stabiliser un type de texte biblique. Plus tard, du 6e au 9e siècle, les Massorètes4 en fixeront la lecture et le sens définitif en mettant en place un système de vocalisation et de ponctuation (d’après un usage oral ancien que les Massorètes ont voulu préserver). C’est pourquoi, à l’époque moderne, il sera appelé le Texte Massorétique (TM). Mais le texte du 1er siècle, encore consonantique, n’est pas exactement la forme textuelle hébraïque qui avait été traduite en grec à partir du 3e siècle av. J.-C: la Septante (LXX), dont on a pu noter les différences, les écarts d’avec le texte hébreu standard, ce texte reçu par la Synagogue au 1er siècle, le futur TM. De là viennent toutes nos difficultés!
1. La Septante et ses versions révisées
On sait également que la Septante fut très tôt révisée, dès avant notre ère. Puis, alors qu’elle était en faveur chez les Juifs de langue grecque, elle devint suspecte auprès des autorités juives palestiniennes pour plusieurs raisons: le mauvais état du texte causés par la transmission manuscrite; une hellénisation supposée de la Bible hébraïque lors de son passage à la langue grecque; peut-être aussi à cause du renouveau des études bibliques hébraïques de l’époque (la LXX contenait en plus des livres bibliques postérieurs à l’ère prophétique); mais cette méfiance fut surtout favorisée par l’utilisation doctrinale qu’en faisait la jeune Église chrétienne. Le Judaïsme dut se défendre. Donc, pour rendre le texte grec plus conforme au texte hébreu d’usage officiel, des lettrés juifs de langue grecque furent chargés de réviser le texte traduit et de l’aligner sur l’hébreu officiel. Les réviseurs les mieux connus sont ceux des 1er et 2e siècles: je les cite chronologiquement: Théodotion, Aquila, Symmaque.
Les Pères grecs et latins connaissaient les versions grecques révisées et s’en sont servis pour leur doctrine, mais ils les ont aussi critiquées quand celles-ci s’opposaient à la tradition chrétienne. Car, en même temps, les réviseurs avaient retraduit autrement certains mots grecs de la LXX pour en limiter la portée messianique chrétienne. Par exemple, Aquila remplace «christos» (oint) par «eleimmenos»; « parthenos», vierge (cf. Is 7,14 cité par Matthieu 1,23), fut retraduit par « neanis», jeune fille, par Aquila et Theodotion, une traduction plus proche de l’almah hébraïque correspondante. Certains Pères comme Irénée ou Justin exprimeront leur mécontentement. Irénée fustige les deux réviseurs: « Elle n’est donc pas vraie, la version de certains traducteurs qui osent traduire ainsi l’Écriture […] détruisant […] l’économie divine et réduisant à néant le témoignage des prophètes, qui est l’œuvre de Dieu» (Contre les hérésies, III, 21, 1). Justin s’élève à l’égard de « ceux qui ne reconnaissent point exacte la traduction (des) soixante-dix vieillards […] et (qui) essayent de faire eux-mêmes leur traduction […] dénaturant les interprétations des anciens» (Dialogue avec Thryphon, §71 et 84).
Mais il n’en demeure pas moins que les Pères se sont montrés très libres vis-à-vis de ces versions grecques révisées et s’en sont indifféremment servies quand elles pouvaient appuyer leur doctrine.
C’est ce qu’a fait Saint Irénée: il va même mettre ensemble les deux variantes d’un seul texte à l’appui de sa christologie pour démontrer la divinité du Messie.
Il utilise un exemple significatif à cet égard, celui d’Isaïe qui annonce la naissance du Roi Messie, c’est-à-dire du roi israélite et en définitive celle du Christ. Le texte a deux variantes et Saint Irénée va les utiliser l’une et l’autre pour son commentaire.
Le TM dit: « Et son nom est appelé: Merveilleux conseiller, Dieu puissant, Père éternel, Prince de la paix». Ces quatre titres royaux traduisent les capacités du futur roi pour gouverner, faire la guerre et instaurer la paix pour le peuple, dont il est le père. Ces quatre titres du roi davidique sont curieusement « divinisants», même en hébreu.
La LXX ne connaît qu’un seul titre: « Et son nom est appelé l’Ange (= envoyé, messager) du grand Conseil… paix et santé à lui», ce qui traduit une influence royale hellénistique – c’est l’époque de la traduction en grec des prophètes – dans l’expression des qualités de ce futur roi issu de David.
Irénée se sert de l’appellation « Ange du Grand Conseil» pour exprimer que le Fils de Dieu est issu humainement de David: « Un seul et même «Fils de Dieu, Jésus-Christ», annoncé par les prophètes, issu du fruit des entrailles de David, «l’Emmanuel», le Messager du Grand Conseil du Père […] par qui Dieu a fait se lever sur la maison de David le « Soleil levant «… (qui) est aussi Fils de David» (Contre les hérésies, III, 16, 3).
Et, quelques dizaines de pages plus loin, Saint Irénée utilise l’autre variante provenant du grec révisé pour exprimer la nature divine du Christ: « D’une part il est «homme», «sans gloire», «soumis à la souffrance» (cf. Is 53, 2—3) […] D’autre part, il est le «Seigneur Saint», «Admirable», «conseiller […] «Dieu fort»» (Contre les hérésies, III, 19, 2, 3).
Dans sa Démonstration de la prédication apostolique, saint Irénée cite également les deux formes du texte d’Isaïe pour exprimer les deux natures du Christ. « (Isaïe) l’appelle «admirable conseiller» d’abord du Père. C’est par son conseil que le Père fait tout en commun avec lui, comme il est dit […] «faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance» (Gn 1, 27) … mais il est aussi notre conseiller demeurant avec nous, nous donnant des avis, sans nous faire violence comme nous, lui qui est cependant le Dieu fort» (Démonstration de la Prédication apostolique, §55). Il est remarquable que les deux variantes, citées successivement, permettent à Saint Irénée de montrer ici la continuité de l’œuvre du Christ, de la création de l’homme à l’Incarnation.
Origène aussi connaissait ces variantes et les avaient notées en mettant en parallèles texte hébreu, LXX et versions révisées dans ses Hexaples5.
Il montre l’importance de ces variantes: pour lui, « une prophétie qui ne se trouve pas chez les LXX… mais qui figure dans l’hébreu (est) pleine d’enseignement nécessaire, qui peut […] convertir notre âme» (Homélies sur Jérémie 16, 10). S’il existe deux leçons, « il faut à la fois expliquer la leçon ordinaire qui a cours dans les églises et ne pas laisser inexpliquée celle qui vient de l’hébreu» (14,3; 15,5). Il faisait donc des commentaires spirituels sur les variantes elles-mêmes.
Les Pères reconnaissaient donc cette pluralité textuelle: ils citaient la LXX, les versions révisées et accordaient donc une certaine valeur à l’hébreu officiel sous-jacent.
On peut donner un autre exemples: les « non messianismes» de la Septante, c’est-à-dire le coup d’arrêt donné par la tradition grecque à l’interprétation messianique du