Molière Jean Baptiste Poquelin

L'étourdi


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suis confus. Jamais tant d’amour pour le bien,

      Et jamais tant de peine à retirer le sien !

      Les dettes aujourd’hui, quelque soin qu’on emploie,

      Sont comme les enfants, que l’on conçoit en joie,

      Et dont avecque peine on fait l’accouchement.

      L’argent dans une bourse entre agréablement ;

      Mais, le terme venu que nous devons le rendre,

      C’est lors que les douleurs commencent à nous prendre.

      Baste ! ce n’est pas peu que deux mille francs, dus

      Depuis deux ans entiers, me soient enfin rendus ;

      Encore est-ce un bonheur.

      Mascarille (à part les quatre premiers vers.)

      O Dieu ! la belle proie

      A tirer en volant ! Chut, il faut que je voie

      Si je pourrais un peu de près le caresser.

      Je sais bien les discours dont il faut le bercer…

      Je viens de voir, Anselme…

      Anselme

      Et qui ?

      Mascarille

      Votre Nérine.

      Anselme

      Que dit-elle de moi, cette gente assasine[1] ?

      Mascarille

      Pour vous elle est de flamme.

      Anselme

      Elle ?

      Mascarille

      Et vous aime tant,

      Que c’est grande pitié.

      Anselme

      Que tu me rends content !

      Mascarille

      Peu s’en faut que d’amour la pauvrette ne meure.

      Anselme, mon mignon, crie-t-elle à toute heure,

      Quand est-ce que l’hymen unira nos deux coeurs,

      Et que tu daigneras éteindre mes ardeurs ?

      Anselme

      Mais pourquoi jusqu’ici me les avoir celées ?

      Les filles, par ma foi, sont bien dissimulées !

      Mascarille, en effet, qu’en dis-tu ? quoique vieux,

      J’ai de la mine encore assez pour plaire aux yeux.

      Mascarille

      Oui, vraiment, ce visage est encor fort mettable ;

      S’il n’est pas des plus beaux, il est des agréable.

      Anselme

      Si bien donc…?

      Mascarille (veut prendre la bourse.)

      Si bien donc qu’elle est sotte de vous,

      Ne vous regarde plus…

      Anselme

      Quoi ?

      Mascarille

      Que comme un époux,

      Et vous veut…?

      Anselme

      Et me veut…?

      Mascarille

      Et vous veut, quoi qu’il tienne,

      Prendre la bourse…

      Anselme

      La ?

      Mascarille (prend la bourse, et la laisse tomber.)

      La bouche avec la sienne.

      Anselme

      Ah ! je t’entends. Viens cà : lorsque tu la verras,

      Vante-lui mon mérite autant que tu pourras.

      Mascarille

      Laissez-moi faire.

      Anselme

      Adieu.

      Mascarille (à part.)

      Que le ciel vous conduise !

      Anselme (revenant.)

      Ah ! vraiment, je faisais une étrange sottise,

      Et tu pouvais pour toi m’accuser de froideur.

      Je t’engage à servir mon amoureuse ardeur,

      Je reçois par ta bouche une bonne nouvelle,

      Sans du moindre présent récompenser ton zèle !

      Tiens, tu te souviendras…

      Mascarille

      Ah ! non pas, s’il vous plaît.

      Anselme

      Laisse-moi…

      Mascarille

      Point du tout. J’agis sans intérêt.

      Anselme

      Je le sais ; mais pourtant…

      Mascarille

      Non, Anselme, vous dis-je ;

      Je suis homme d’honneur, cela me désoblige.

      Anselme

      Adieu donc, Mascarille.

      Mascarille (à part.)

      O longs discours !

      Anselme (revenant.)

      Je veux

      Régaler par tes mains cet objet de mes voeux ;

      Et je vais te donner de quoi faire pour elle

      L’achat de quelque bague, ou telle bagatelle

      Que tu trouveras bon.

      Mascarille

      Non, laissez votre argent :

      Sans vous mettre en souci, je ferai le présent ;

      Et l’on m’a mis en main une bague à la mode,

      Qu’après vous payerez, si cela l’accommode.

      Anselme

      Soit ; donne-la pour moi : mais surtout fais si bien

      Qu’elle garde toujours l’ardeur de me voir sien.

      Scène VII

      Lélie, Anselme, Mascarille.

      Lélie (ramassant la bourse.)

      A qui la bourse ?

      Anselme

      Ah