étais en fait de rimes. J'espère que vous prospérez, et que vos auteurs sont en bon état. D'après ce que j'ai entendu dire, je suppose que votre haras s'est augmenté. – Bertram doit être un bon cheval. Le faites-vous courir aux premières courses? j'espère que vous remporterez le prix.
»Votre à jamais, etc.»
LETTRE CCXLIV
Diodati, près Genève, 29 juillet 1816.
«Vous souvenez-vous d'un livre (les Lettres de Mathieson), que vous m'avez prêté, que j'ai encore et que j'espère bien rendre à votre bibliothèque? Eh bien, j'ai rencontré, à Coppet et ailleurs, ce même Bonstetten, à qui j'ai prêté, pendant quelques jours, la traduction des épîtres de son correspondant. Tout le souvenir qu'il a conservé de Gray, c'est qu'il était, de tous les poètes du monde, le plus mélancolique, et celui qui avait le plus l'air d'un gentilhomme. Bonstetten, lui-même, est un beau vieillard fort gai et très-estimé de ses compatriotes. C'est aussi un littérateur de quelque réputation, et tous ses amis ont la manie de lui adresser des volumes de lettres, Mathieson, Muller l'historien, etc., etc. – Il est souvent à Coppet, où je l'ai rencontré plusieurs fois. Tout le monde s'y porte bien, excepté Racca, qui, je suis fâché de le dire, paraît être en très-mauvaise santé. Schlegel est dans toute sa force, et Madame aussi brillante que jamais.
»Je suis venu ici par les Pays-Bas, la route du Rhin, et Bâle, Berne, Morat et Lausanne. – J'ai fait le tour du lac par eau, et je vais à Chamouny au premier beau tems. – Mais, en vérité, nous avons depuis peu de si épais brouillards, des tems si sombres et si couverts, qu'on dirait que Castlereagh est aussi chargé des affaires étrangères du royaume du ciel. Je n'ai besoin de vous rien dire de ce pays, puisque vous l'avez déjà parcouru. Je ne songe pas à l'Italie avant septembre. J'ai lu Glenarvon, et j'ai lu aussi l'Adolphe de Benjamin Constant, et sa préface où il nie la réalité de ses personnages. Cet ouvrage, qui laisse une impression pénible, représente pourtant très-bien les conséquences de ne pas être amoureux, ce qui est peut-être l'état du monde le plus désagréable, après celui de l'être pour tout de bon. Je doute cependant que de tels liens, pour me servir de son expression, se terminent aussi malheureusement que ceux de son héros et de son héroïne.
»Il y a un troisième chant de Childe Harold, plus long qu'aucun des deux autres, qui est suivi de quelques autres bagatelles, – entr'autres une histoire sur le château de Chillon. Je n'attends qu'une bonne occasion de les transmettre au grand Murray qui, j'espère, est dans un état florissant. Où est Moore? – Pourquoi ne voyage-t-il pas? – faites-lui mes amitiés, et assurez tous mes amis de ma parfaite considération et de mon souvenir, et en particulier lord et lady Holland, et votre duchesse de Sommerset.
»P. S. Je vous envoie un fac simile. – C'est un billet de Bonstetten. – Je pense que vous serez bien aise de voir l'écriture du correspondant de Gray.»
LETTRE CCXLV
Diodati, 29 sept. 1816.
«Je suis très-flatté de la bonne opinion que M. Gifford a prise du manuscrit, et je le serai bien plus encore, s'il répond à votre attente, et justifie sa bienveillance. Il m'a plu aussi à moi-même, mais cela ne doit compter pour rien. Les sensations, sous l'influence desquelles j'en ai écrit la plus grande partie, ne doivent pas m'être enviées. Quant au prix, je n'en ai fixé aucun, mais j'ai laissé M. Kinnaird, M. Shelley et vous, arranger tout cela. Bien certainement ils feront de leur mieux, et pour vous, je sais bien que vous n'élèverez aucune difficulté. Cependant, je suis tombé parfaitement d'accord avec M. Shelley, que les dernières 500 livres sterling ne seraient que conditionnelles, et je désire pour moi-même, qu'il soit ajouté que le paiement n'en aura lieu que dans le cas où vous vendrez un certain nombre d'exemplaires, qui doit être fixé par vous-même. J'espère que cela est honnête. Dans toute affaire de ce genre, il y a des risques à courir, et jusqu'à ce qu'ils soient passés de façon ou d'autre, je ne voudrais pas y ajouter, particulièrement dans des tems comme ceux-ci, et surtout rappelez-vous bien, je vous prie, que je ne pourrais faire aucune perte qui m'affligeât autant que de vous en occasionner une dans une affaire que vous auriez faite avec moi.
»Le monologue sur la mort de Shéridan a été composé pour le théâtre, à la requête de M. Kinnaird. J'ai fait de mon mieux; mais lorsque je n'ai pas le choix du sujet, je ne prétends répondre de rien. M. Hobhouse et moi, nous arrivons d'un voyage à travers les lacs et les montagnes. Nous avons été visiter le Grindelwald et la Iungfrau, et nous sommes montés sur le sommet du Wengen. Nous avons vu des torrens de neuf cents pieds de profondeur, et des glaciers de toutes les dimensions. Nous avons entendu le pipeaux des bergers et le bruit des avalanches. – Nous avons vu les nuages s'élever en fumée des vallées au-dessous de nous comme la vapeur de l'océan de l'enfer. – Nous avons parcouru, il y a un mois, Chamouny et tout ce qui en dépend; mais quoique le Mont-Blanc soit plus haut, il n'est pas comparable, pour les effets sauvages à la Iungfrau, aux Eighers, au Shreckhorn et aux glaciers du Mont-Rose.
»Nous partons pour l'Italie la semaine prochaine. La route est, depuis un mois, infestée de brigands, mais il faut en courir la chance, et prendre toutes les précautions qui seront nécessaires.
»P. S. Rappelez-moi particulièrement au souvenir de M. Gifford et dites-lui de ma part tout ce que vous pensez que je puis lui dire. Je suis fâché que le portrait de Philippe n'ait pas plu à M. Maturin; je croyais qu'il passait pour un bon portrait. S'il eût fait le discours sur l'original, peut-être eût-il obtenu plus facilement son pardon du propriétaire, et du peintre du portrait 33.»
Note 33: (retour) Ce passage paraîtra un peu obscur au lecteur, lord Byron y faisant allusion à une circonstance dont il ne donne pas d'autre explication.(Note du Trad.)
LETTRE CCXLVI
Diodati, 30 sept. 1816.
«J'ai répondu hier à vos obligeantes lettres. Aujourd'hui, le monologue est arrivé avec sa page de titre, qui est, à ce que je présume, une publication séparée. – Je vous somme de vouloir bien faire effacer ces mots: «À la requête d'un ami.»
Pressé par la faim, et à la requête d'amis.
À moins qu'il ne vous plaise d'ajouter «par un homme de qualité,» ou «par un homme d'esprit et d'honneur de la ville.» Dites seulement: «Composé pour être récité à Drury-Lane.»
»Demain, je dîne à Coppet. Après-demain, je lève le camp, et je pars pour l'Italie. Ce soir, étant sur le lac, dans mon bateau, avec M. Hobhouse, le mât qui porte la grande voile tomba comme on l'attachait, et me frappa si violemment à la jambe (et à la mauvaise, par malheur), que cela me fit faire une chose fort sotte, c'est-à-dire que je m'évanouis, mais que je m'évanouis complètement. Il faut que cela ait fait tressaillir quelque nerf, car l'os n'a pas souffert, et je m'en ressens à peine. Il y a six heures que cela s'est passé. Il en a coûté à M. Hobhouse quelqu'inquiétude, et une grande quantité d'eau froide pour me faire revenir. La sensation que j'ai éprouvée est très-singulière: cela ne m'était jamais arrivé que deux fois dans ma vie auparavant, l'une par suite d'une blessure que je m'étais faite à la tête, il y a plusieurs années, et l'autre, il y a aussi bien long-tems, pour être tombé dans un grand tas de neige. – On éprouve d'abord une espèce de vertige, puis le néant, puis une perte totale de mémoire. Quand on commence à revenir, ce dernier point ne serait pas le plus désagréable, si l'on ne la retrouvait pas.
»Vous demandez le manuscrit original. M. Davies a la première copie nette que j'en ai faite, et j'ai ici la première composition, que je vous enverrai ou que je vous garderai, puisque vous le souhaitez.
»Quant à votre nouveau projet littéraire, s'il se présente quelque chose qui, dans mon opinion, puisse vous convenir, je vous l'enverrai. En ce moment, il faut que je songe à amasser, m'étant passablement épuisé par l'envoi que je vous ai fait. L'Italie ou la Dalmatie avec un autre été peuvent me remettre à flot. Je n'ai aucun plan et je