Уильям Шекспир

La vie et la mort du roi Richard III


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l'imaginer.

      CLARENCE. – Je sais qu'il ne plaît à aucun de nous.

      GLOCESTER. – Allez, votre emprisonnement ne sera pas long: je vous en délivrerai, ou je prendrai votre place. En attendant, tâchez d'avoir patience.

      CLARENCE. – Il le faut bien. Adieu.

(Clarence sort avec Brakenbury et les gardes.)

      GLOCESTER. – Va, suis ton chemin, par lequel tu ne repasseras jamais, simple et crédule Clarence. Je t'aime tant, que dans peu j'enverrai ton âme dans le ciel, si le ciel veut en recevoir le présent de ma main. Mais qui s'approche? C'est Hastings, tout nouvellement élargi.

(Entre Hastings.)

      HASTINGS. – Bonjour, mon gracieux lord.

      GLOCESTER. – Bonjour, mon digne lord chambellan. Je me félicite de vous voir rendu au grand air. Comment Votre Seigneurie a-t-elle supporté son emprisonnement?

      HASTINGS. – Avec patience, mon noble lord, comme il faut que fassent les prisonniers. Mais j'espère vivre, milord, pour remercier les auteurs de mon emprisonnement.

      GLOCESTER. – Oh! sans doute, sans doute; et Clarence l'espère bien aussi: car ceux qui se sont montrés vos ennemis sont aussi les siens, et ils ont réussi contre lui, comme contre vous.

      HASTINGS. – C'est pitié que l'aigle soit mis en cage, tandis que les vautours et les étourneaux pillent en liberté.

      GLOCESTER. – Quelles nouvelles du dehors?

      HASTINGS. – Il n'y a rien au dehors d'aussi fâcheux que ce qui se passe ici. – Le roi est en mauvais état, faible, mélancolique, et ses médecins en sont fort inquiets.

      GLOCESTER. – Oui, par saint Paul; voilà une nouvelle bien fâcheuse en effet! oh! il a suivi longtemps un mauvais régime; et il a par trop épuisé sa royale personne: cela est triste à penser. Mais quoi, garde-t-il le lit?

      HASTINGS. – Il est au lit.

      GLOCESTER. – Allez-y le premier, et je vais vous suivre. (Hastings sort.) Il ne peut vivre; je l'espère: mais il ne faut pas qu'il meure avant que George ait été dépêché en poste pour le ciel. – Je vais entrer, pour irriter encore plus sa haine contre Clarence par des mensonges armés d'arguments qui aient du poids; et si je n'échoue pas dans mes profondes machinations, Clarence n'a pas un jour de plus à vivre. Cela fait, que Dieu dispose du roi Édouard dans sa miséricorde, et me laisse à mon tour la scène du monde pour m'y démener. – Alors j'épouserai la fille cadette de Warwick… Quoi, après avoir tué son mari et son père? – Le moyen le plus court de donner satisfaction à cette pauvre créature, c'est de devenir son mari et son père; et c'est ce que je veux faire, non pas tant par amour que pour certaine autre vue secrète à laquelle je dois parvenir en l'épousant. – Mais me voilà toujours à courir au marché avant mon cheval. Clarence respire encore, Édouard vit et règne: c'est quand ils n'y seront plus que je pourrai faire le compte de mes bénéfices.

(Il sort.)

      SCÈNE II

Toujours à Londres. – Une rue Entre le convoi du roi Henri VI; son corps est porté dans un cercueil découvert et entouré de troupes avec des hallebardes; LADY ANNE suivant le deuil

      ANNE. – Déposez, déposez ici votre honorable fardeau (si du moins l'honneur peut s'ensevelir dans un cercueil): laissez-moi un moment répandre les pleurs du deuil sur la mort prématurée du vertueux Lancastre. – Pauvre image glacée d'un saint roi! pâles cendres de la maison de Lancastre! restes privés de sang royal, qu'il me soit permis d'adresser à ton ombre la prière d'écouter les lamentations de la pauvre Anne, de la femme de ton Édouard, de ton fils massacré, percé de la même main qui t'a fait ces blessures! Vois; dans ces ouvertures par où ta vie s'est écoulée, je verse le baume inutile de mes pauvres yeux. Oh! maudite soit la main qui a ouvert ces larges plaies! maudit soit le coeur qui en eut le courage! maudit le sang qui fit couler ce sang! Que des calamités plus désastreuses que je n'en peux souhaiter aux serpents, aux aspics, aux crapauds, à tous les reptiles venimeux qui rampent en ce monde tombent sur l'odieux misérable qui, par ta mort, causa notre misère! Si jamais il a un fils, que ce fils, avorton monstrueux, amené avant terme à la lumière du jour, effraye de son aspect hideux et contre nature la mère qui l'attendait pleine d'espérance; et qu'il soit l'héritier du malheur qui accompagne son père! Si jamais il a une épouse, qu'elle devienne, par sa mort, plus misérable encore que je ne le suis par la perte de mon jeune seigneur et par la sienne! – Allons, marchez maintenant vers Chertsey, avec le saint fardeau que vous avez tiré de Saint-Paul, pour l'inhumer en ce lieu. – Et toutes les fois que vous serez fatigués de le porter, reposez-vous, tandis que je ferai entendre mes lamentations sur le corps du roi Henri.

(Les porteurs reprennent le corps et se remettent en marche.)(Entre Glocester.)

      GLOCESTER. – Arrêtez, vous qui portez ce corps; posez-le à terre.

      ANNE. – Quel noir magicien évoque ici ce démon, pour venir mettre obstacle aux oeuvres pieuses de la charité?

      GLOCESTER. – Misérables, posez ce corps, vous dis-je; ou, par saint Paul, je fais un corps mort du premier qui me désobéira.

      ANNE. – Milord, rangez-vous, et laissez passer ce cercueil.

      GLOCESTER. – Chien mal-appris! Arrête quand je te l'ordonne: relève ta hallebarde de dessous ma poitrine; ou, par saint Paul, je t'étends à terre d'un seul coup, et je te foule sous mes pieds, malotru, pour punir ton audace.

(Les porteurs déposent le corps.)

      ANNE. – Quoi! vous tremblez? vous avez peur? – Hélas! je ne vous blâme point. Vous êtes des mortels, et les yeux des mortels ne peuvent soutenir la vue du démon… Eloigne-toi, effroyable ministre des enfers! – Tu n'avais de pouvoir que sur son corps mortel: tu ne peux en avoir sur son âme; ainsi, va-t'en.

      GLOCESTER. – Douce sainte, au nom de la charité, point tant d'imprécations.

      ANNE. – Horrible démon, au nom de Dieu, loin d'ici, et laisse-nous en paix. Tu as établi ton enfer sur cette heureuse terre que tu as remplie de cris de malédiction, et de profondes exclamations de douleur. Si tu te plais à contempler tes odieux forfaits, regarde cet échantillon de tes assassinats. Oh! voyez, voyez! les blessures de Henri mort rouvrent leurs bouches glacées, et saignent de nouveau. Rougis, rougis de honte, masse odieuse de difformités: car c'est ta présence qui fait sortir le sang de ces vides et froides veines qui ne contenaient plus de sang. C'est ton forfait inhumain et contre nature qui provoque ce déluge contre nature. – O Dieu, qui formas ce sang, venge sa mort! Terre qui bois ce sang, venge sa mort! Ciel, d'un trait de ta foudre frappe à mort le meurtrier; ou bien ouvre ton soin, ô terre, et dévore-le à l'instant comme tu engloutis le sang de ce bon roi, qu'a assassiné son bras conduit par l'enfer.

      GLOCESTER. – Madame, vous ignorez les règles de la charité, qui rend le bien pour le mal, et bénit ceux qui nous maudissent.

      ANNE. – Scélérat, tu ne connais aucune loi, ni divine ni humaine: il n'est point de bête si féroce qui ne sente quelque atteinte de pitié.

      GLOCESTER. – Je n'en sens aucune, preuve que je ne suis point une de ces bêtes.

      ANNE. – O prodige! entendre le diable dire la vérité!

      GLOCESTER. – Il est encore plus prodigieux de voir un ange se mettre ainsi en colère. – Souffrez, divine perfection entre les femmes, que je puisse me justifier en détail de ces crimes supposés.

      ANNE. – Souffre plutôt, monstre d'infection entre tous les hommes, que, pour ces crimes bien connus, je maudisse en détail ta personne maudite.

      GLOCESTER. – Toi, qui es trop belle pour que des noms puissent exprimer ta beauté, accorde-moi avec patience quelques instants pour m'excuser.

      ANNE. – Toi qui es plus odieux que le coeur ne peut le concevoir, il n'est pour toi d'autre excuse admissible que d'aller te pendre.

      GLOCESTER. – Par un pareil désespoir je m'accuserais moi-même.

      ANNE. – Et c'est par le désespoir que tu pourrais t'excuser, en faisant