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qui équivaut à la peste dans les préjugés contagionistes de la médecine espagnole. Un riche médecin, qui, pour la modique rétribution de 45 francs, daigna venir nous faire une visite, déclara pourtant que ce n'était rien, et n'ordonna rien. Nous l'avions surnommé Malvavisco, à cause de sa prescription unique.

      Un autre médecin vint obligeamment à notre secours; mais la pharmacie de Palma était dans un tel dénûment que nous ne pûmes nous procurer que des drogues détestables. D'ailleurs, la maladie devait être aggravée par des causes qu'aucune science et aucun dévouement ne pouvaient combattre efficacement.

      Un matin, que nous étions livrés à des craintes sérieuses sur la durée de ces pluies et de ces souffrances qui étaient liées les unes aux autres, nous reçûmes une lettre du farouche Gomez, qui nous déclarait, dans le style espagnol, que nous tenions une personne, laquelle tenait une maladie qui portait la contagion dans ses foyers, et menaçait par anticipation les jours de sa famille; en vertu de quoi il nous priait de déguerpir de son palais dans le plus bref délai possible.

      Ce n'était pas un grand regret pour nous, car nous ne pouvions plus rester là sans crainte d'être noyés dans nos chambres; mais notre malade n'était pas en état d'être transporté sans danger, surtout avec les moyens de transport qu'on a à Majorque, et le temps qu'il faisait. Et puis la difficulté était de savoir où nous irions; car le bruit de notre phtisie s'était répandu instantanément, et nous ne devions plus espérer de trouver un gîte nulle part, fût-ce à prix d'or, fût-ce pour une nuit. Nous savions bien que les personnes obligeantes qui nous en feraient l'offre n'étaient pas elles mêmes à l'abri du préjugé, et que d'ailleurs nous attirerions sur elles, en les approchant, la réprobation qui pesait sur nous. Sans l'hospitalité du consul de France, qui fit des miracles pour nous recueillir tous sous son toit, nous étions menacés de camper dans quelque caverne comme des Bohémiens véritables.

      Un autre miracle se fit, et nous trouvâmes un asile pour l'hiver. Il y avait à la chartreuse de Valldemosa un Espagnol réfugié qui s'était caché là pour je ne sais quel motif politique. En allant visiter la chartreuse, nous avions été frappés de la distinction de ses manières, de la beauté mélancolique de sa femme, et de l'ameublement rustique et pourtant confortable de leur cellule. La poésie de cette chartreuse m'avait tourné la tête. Il se trouva que le couple mystérieux voulut quitter précipitamment le pays, et qu'il fut aussi charmé de nous céder son mobilier et sa cellule que nous l'étions d'en faire l'acquisition. Pour la modique somme de mille francs, nous eûmes donc un ménage complet, mais tel que nous eussions pu nous le procurer en France pour cent écus, tant les objets de première nécessité sont rares, coûteux, et difficiles à rassembler à Majorque.

      Comme nous passâmes alors quatre jours à Palma, quoique j'y aie peu quitté cette fois la cheminée que le consul avait le bonheur de posséder (le déluge continuant toujours), je ferai ici une lacune à mon récit pour décrire un peu la capitale de Majorque. M. Laurens, qui vint l'explorer et en dessiner les plus beaux aspects l'année suivante, sera le cicérone que je présenterai maintenant au lecteur, comme plus compétent que moi sur l'archéologie.

      DEUXIÈME PARTIE

      I

      Quoique Majorque ait été occupée pendant quatre cents ans par les Maures, elle a gardé peu de traces réelles de leur séjour. Il ne reste d'eux à Palma qu'une petite salle de bains.

      Des Romains, il ne reste rien, et des Carthaginois, quelques débris seulement vers l'ancienne capitale Alcadia, et la tradition de la naissance d'Annibal, que M. Grasset de Saint-Sauveur attribue à l'outrecuidance majorquine, quoique ce fait ne soit pas dénué de vraisemblance.6

      Mais le goût mauresque s'est perpétué dans les moindres constructions, et il était nécessaire que M. Laurens redressât toutes les erreurs archéologiques de ses devanciers, pour que les voyageurs ignorants comme moi ne crussent pas retrouver à chaque pas d'authentiques vestiges de l'architecture arabe.

      «Je n'ai point vu dans Palma, dit M. Laurens, de maisons dont la date parût fort ancienne. Les plus intéressantes par leur architecture et leur antiquité appartenaient toutes au commencement du seizième siècle; mais l'art gracieux et brillant de cette époque ne s'y montre pas sous la même forme qu'en France.

      «Ces maisons n'ont au-dessus du rez-de-chaussée qu'un étage et un grenier très bas.7 L'entrée, dans la rue, consiste en une porte à plein cintre, sans aucun ornement; mais la dimension et le grand nombre de pierres disposées en longs rayons lui donnent une grande physionomie. Le jour pénètre dans les grandes salles du premier étage à travers de hautes fenêtres divisées par des colonnes excessivement effilées, qui leur donnent une apparence entièrement arabe.

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      1

      «La seule chose qui captiva mon attention sur ce rivage fut une masure couleur d'ocre foncé et entourée d'une haie de cactus. C'était le castillo de Soller. A peine avais-je arrêté les lignes de mon dessin, que je vis fondre sur moi quatre individus montrant une mine à faire peur, ou plutôt à faire rire. J'étais coupable de lever, contrairement aux lois du royaume, le plan d'une forteresse. Elle devint à l'instant une prison pour moi.

      «J'étais trop loin d'avoir de l'éloquence dans la langue espagnole pour démontrer à ces gens l'absurdité de leur procédé. Il fallut recourir à la protection du consul français de Soller, et, quel que fût son empressement, je n'en restai pas moins captif pendant trois mortelles heures, gardé par le señor Sei-Dedos, gouverneur du fort, véritable dragon des Hespérides. La tentation me prenait quelquefois de jeter à la mer, du haut de son bastion, ce dragon risible et son accoutrement militaire; mais sa mine désarmait toujours ma colère. Si j'avais eu le talent de Charlet, j'aurais passé mon temps à étudier mon gouverneur, excellent modèle de caricature. Au reste, je lui pardonnais son dévouement trop aveugle au salut de l'État. Il était bien naturel que ce pauvre homme, n'ayant d'autre distraction que celle de fumer son cigare en regardant la mer, profitât de l'occasion que je lui offrais de varier ses occupations. Je revins donc à Soller, riant de bon coeur d'avoir été pris pour un ennemi de la patrie et de la constitution» (Souvenirs d'un voyage d'art à l'île de Majorque, par J. – B. Laurens.)

      2

      «Medida por el ayre. Cada milla de mil pasos geometricos y un paso de 5 pies geometricos.» (Miguel de Vargas, Descriciones de las islas Pilisusas y Baleares. Madrid, 1787.)

      3

      Cette huile est si infecte qu'on peut dire que dans l'île de Majorque, maisons, habitants, voitures, et jusqu'à l'air des champs, tout est imprégné de sa puanteur. Comme elle entre dans la composition de tous les mets, chaque maison la voit fumer deux ou trois fois par jour, et les murailles en sont imbibées. En pleine campagne, si vous êtes égaré, vous n'avez qu'à ouvrir les narines; et, si une odeur d'h