Чарльз Диккенс

Le magasin d'antiquités, Tome II


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ses raisons pour se taire.

      «Dieu me garde, dit-elle, de scruter les affaires de mes pratiques; ce ne sont pas mes affaires d'ailleurs, et j'en ai bien assez comme ça. C'est une simple question polie que je voulais faire, et certainement la question méritait une réponse polie. Ce n'est pas que je sois contrariée, oh! point du tout, mais j'eusse mieux aimé que vous m'eussiez dit tout de suite qu'il ne vous convenait pas d'être plus communicatif; au moins c'eût été clair et net. Cependant, je n'ai nullement sujet d'être blessée de votre réserve. Vous savez ce que vous avez à faire, et vous avez bien le droit de dire ce qu'il vous plaît, personne ne peut vous le contester, personne. Oh! mon Dieu, non.

      – Je vous affirme, ma bonne dame, répondit le brave maître d'école, que je vous ai dit l'exacte vérité. Comme j'espère être sauvé dans l'autre monde, je vous ai dit la vérité.

      – Eh bien alors, je crois que vous parlez sérieusement, dit l'hôtesse reprenant sa bonne humeur, et je regrette de vous avoir tourmenté. Mais, vous savez, la curiosité est le défaut de notre sexe. Voilà l'affaire.»

      L'hôtelier se gratta la tête, comme s'il pensait que l'autre sexe n'était pas non plus à l'abri de ce défaut; mais il n'eut pas le temps de donner carrière à la sienne, le maître d'école ayant repris ainsi la parole:

      «Vous m'interrogeriez durant six heures de suite, que je ne vous en voudrais pas pour cela, et je vous répondrais aussi patiemment que le mérite la bonté que vous avez montrée ce soir. En attendant, veuillez avoir bien soin d'elle demain matin, et faites-moi savoir de bonne heure comment elle va; il est entendu que je payerai pour nous trois.»

      On se sépara donc en d'excellents termes, surtout d'après l'effet de ces dernières paroles; le maître d'école alla se mettre au lit, tandis que l'aubergiste et sa femme en faisaient autant.

      Le rapport du matin fut que l'enfant allait mieux, mais qu'elle était extrêmement faible, qu'il lui faudrait au moins un jour de repos et une alimentation prudente avant qu'elle pût continuer son voyage. Le maître d'école reçut cette communication avec une parfaite tranquillité, disant qu'il avait bien un jour, deux jours même à consacrer à Nelly, et qu'il attendrait. Comme la malade devait se lever le soir, il se promit de lui faire visite dans sa chambre à une heure fixée, et, sortant avec son livre, il ne revint qu'à l'heure dite.

      Nelly ne put s'empêcher de pleurer quand ils furent seuls ensemble. De son côté, à la vue de ce visage pâle, de ces traits bouleversés, le pauvre maître d'école versa lui-même quelques larmes tout en prouvant, par d'excellentes raisons tirées de la philosophie, que c'était un véritable enfantillage, et que rien n'était plus facile que de s'en empêcher, quand on voulait.

      «Ce qui me rend malheureuse, même au milieu de vos bontés, dit l'enfant, c'est de penser que nous pouvons être une charge pour vous. Comment vous remercier? Si je ne vous avais pas rencontré si loin de votre maison, je serais morte; et lui, il serait resté seul.

      – Ne parlons pas de mort, dit le maître d'école; et quant à une charge, sachez que j'ai fait fortune depuis la nuit que vous avez passée dans mon cottage.

      – Vraiment? s'écria l'enfant avec joie.

      – Oh! oui, répondit son ami. J'ai été nommé clerc et maître d'école d'un village loin d'ici, et bien plus loin encore de mon ancien séjour, comme vous pouvez le supposer; j'aurai huit cent soixante-quinze francs par an!.. Huit cent soixante-quinze francs!

      – Oh, que j'en suis contente! dit l'enfant; que j'en suis contente!

      – Je me rends actuellement à ma nouvelle résidence, reprit le maître d'école. On m'a alloué des frais de diligence… des frais de diligence sur l'impériale pour toute ma route. Dieu merci, l'on ne me refuse rien. Mais, comme l'époque où je suis attendu dans mon nouveau domicile me laisse un ample loisir, je me suis déterminé à faire le voyage à pied. Quel bonheur que j'aie eu cette idée!

      – Et nous donc, quel bonheur pour nous!

      – Oui, oui, dit le maître d'école qui ne tenait pas sur sa chaise, c'est la vérité. Mais vous, où alliez-vous ainsi? D'où venez-vous? Qu'avez-vous fait depuis que vous m'avez quitté? Qu'aviez-vous fait auparavant? Racontez-le-moi, voyons, racontez- le-moi. Je connais peu le monde; et peut-être seriez-vous plus en état de m'en apprendre là-dessus que moi de vous en rien dire; mais je suis la sincérité même, et j'ai des raisons, vous ne l'avez pas oublié, pour vous aimer. Depuis ce temps, il m'a semblé que mon amour pour celui qui est mort s'était transporté sur vous qui vous êtes tenue près de son lit. Si, ajouta-t-il en élevant son regard vers le ciel, c'est cette belle âme que j'ai tant pleurée, qui renaît en vous de ses cendres mortelles, puisse sa paix descendre sur moi en retour de ma tendresse et de ma compassion pour le pauvre enfant!»

      La franche et loyale amitié de l'honnête maître d'école, l'affectueuse chaleur de ses paroles et de ses gestes, l'accent de vérité qui animait son langage et son regard, inspirèrent à Nelly une confiance en lui que n'eussent jamais pu faire naître chez elle les plus subtils artifices de tromperie et de dissimulation. Elle lui confessa tout: qu'ils n'avaient ni ami ni parent; qu'elle avait fui avec le vieillard pour le soustraire à la maison des fous et à toutes les tortures qu'il redoutait; que maintenant elle fuyait de nouveau pour le sauver de lui-même; et qu'elle cherchait un asile dans quelque pays écarté, aux moeurs primitives, où jamais ne se produisît la tentation devant laquelle il avait succombé, où les derniers chagrins, les amertumes qu'elle avait ressentis, ne pussent pas revenir l'éprouver encore.

      Le maître d'école l'avait écoutée avec une profonde surprise. «Une enfant!.. pensait-il. Une enfant! et avoir héroïquement persévéré à travers les épreuves et les périls, en butte à la misère et à la souffrance, soutenue qu'elle était seulement par une forte affection et par la conscience du devoir!.. Et cependant le monde est plein de ces traits d'héroïsme: ai-je besoin d'apprendre que les plus rudes comme les plus nobles épreuves sont celles que n'enregistre aucun souvenir humain, et qui sont supportées jour par jour avec une patience infatigable? Ah! je ne devrais pas être surpris d'entendre l'histoire de cette enfant!»

      Mais ne nous occupons pas de ce qu'il put penser ou dire. Il fut convenu que Nell et son grand-père accompagneraient le maître d'école jusqu'au village où il était attendu, et que ce dernier tâcherait de leur trouver quelque humble occupation qui pût les faire subsister. «Nous sommes sûrs de réussir, dit gaiement le maître d'école. La cause est trop bonne pour n'être pas gagnée.»

      Ils se disposèrent à continuer leur voyage le lendemain soir. Une diligence, qui suivait justement le même chemin, devait s'arrêter à l'auberge pour changer de chevaux; le cocher, moyennant une petite rétribution, donnerait à Nelly une place dans l'intérieur. Le marché fut promptement conclu à l'arrivée de la diligence; puis la voiture repartit avec l'enfant confortablement installée parmi les paquets les moins durs, le grand-père et le maître d'école se mirent à côté du conducteur, tandis que l'hôtesse et tous les braves gens de l'auberge jetaient au vent leurs adieux et leurs souhaits affectueux.

      Quelle douce, fastueuse et commode façon de voyager, que d'être couché à l'intérieur de cette montagne mollement agitée; que d'ouïr le tintement des grelots des chevaux, le claquement du fouet que le cocher fait retentir de temps en temps, le grondement sourd des hautes et larges roues, le frôlement des harnais, l'affectueuse: bonne nuit! des piétons qui dépassent les chevaux, lorsque l'attelage va au petit pas! Le vague, même des idées n'est pas sans charme sous l'épaisse toiture qui semble faite pour protéger la rêverie indolente du voyageur jusqu'au moment où il s'endort! Le sommeil aussi a ses charmes; la tête balancée sur le coussin, le voyageur garde l'idée confuse qu'il avance, qu'il est transporté sans trouble ni fatigue, et perçoit tous ces bruits divers comme la musique d'un rêve qui amuse ses sens. Vient-il à s'éveiller doucement? il se surprend à regarder à travers le rideau à moitié tiré et agité par le vent: son oeil se lève vers le ciel brillant et froid où étincellent des étoiles innombrables, puis s'abaisse sur la lanterne du cocher, faible luminaire qui sautille et se balance, comme le feu follet des marais; sur les côtés de la route, il passe en revue les arbres noirs et sévères; en avant, c'est la route elle-même