Вальтер Скотт

Ivanhoe. 3. Le retour du croisé


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le chevalier noir, que quelqu'un de nous, admis dans le château, par n'importe quel moyen, prît connaissance de la situation des assiégés. Il me semble que, puisqu'ils demandent qu'on leur envoie un confesseur, ce saint ermite pourrait en même temps qu'il exercerait son pieux ministère, nous procurer les renseignemens que nous désirons».

      «Que la peste te crève, toi et ton avis, s'écria le bon ermite: je te dis, sire chevalier fainéant, que lorsque j'ôte mon froc de moine, je laisse avec lui ma prêtrise, ma sainteté et mon latin, et que sitôt que je suis vêtu de mon justaucorps vert, j'aime mieux tuer une vingtaine de cerfs, que de confesser un chrétien.»

      «Je crains, dit le chevalier noir, je crains grandement qu'il n'y en ait pas un parmi vous qui veuille prendre sur lui de se charger du caractère et du rôle de confesseur.» Ils se regardèrent tous, et sortirent silencieux.

      «Je vois, dit Wamba, après une courte pause, je vois que le fou doit être fou jusqu'au bout, et qu'il risque sa tête dans une aventure devant laquelle ont tremblé les sages. Apprenez donc, mes chers cousins et compatriotes, qu'avant de porter l'habit bariolé, j'ai porté la robe brune, et que j'allais me faire moine, état pour lequel j'avais été élevé, quand je m'aperçus que j'avais assez d'esprit pour être un fou. Je ne doute nullement qu'à l'aide du froc du bon ermite et surtout de la sainteté et de la science cousues dans son capuchon, je ne sois propre à porter toutes les consolations humaines et divines à notre digne maître Cedric et à ses compagnons d'infortune.»

      «Crois-tu qu'il ait assez de sens? dit le chevalier noir en s'adressant à Gurth.» – «Je ne sais, dit Gurth, mais s'il ne réussit pas, ce sera la première fois qu'il aura manqué d'esprit quand il veut mettre sa folie à profit.» – «Allons, vite le froc, mon bon ami, dit le chevalier, et que ton maître nous envoie un détail fidèle de l'état du château. Ils doivent être peu nombreux, et il y a cinq à parier contre un qu'une attaque aussi prompte que hardie le réduirait sur-le-champ. Mais le temps presse, pars.» – «En attendant, dit Locksley, nous serrerons la place de si près, qu'il n'en sortira pas une mouche pour porter des nouvelles. Ainsi, mon bon ami, continua-t-il s'adressant à Wamba, tu peux assurer ces tyrans que quelle que soit la violence exercée par eux sur leurs prisonniers, les représailles que nous en tirerons sur leurs propres personnes leur coûteront bien au delà.»

      «Pax vobiscum! dit Wamba, qui déjà était tout emmitouflé de son travestissement religieux. En parlant ainsi il imita la solennelle et imposante démarche d'un moine, et partit pour exécuter sa mission.

      CHAPITRE XXVI

      «Le cheval le plus ardent sera parfois tout de glace et le plus lourd tout de feu; parfois le moine jouera le rôle de fou et le fou le rôle de moine.»

Vieille ballade.

      Lorsque Wamba, couvert du froc de l'ermite, son capuchon sur la tête et une corde nouée autour de ses reins, se présenta à la grande porte du château de Front-de-Boeuf, la sentinelle lui demanda son nom et ce qu'il voulait.

      «Pax vobiscum! répondit le fou, je suis un pauvre frère de l'ordre de Saint-François qui vient ici remplir son ministère auprès des malheureux prisonniers détenus dans ce château.» – «Tu es un moine bien hardi, riposta la sentinelle, de venir ici où, sauf notre ivrogne de chapelain, un coq de ton plumage n'a pas chanté depuis vingt ans.» – «Néanmoins, je te prie de m'annoncer au maître du château, répondit le prétendu moine; sois persuadé que ma visite lui sera agréable, et que le coq chantera d'une manière à ce que tout le château l'entende.» – «Grand merci, dit la sentinelle; mais si je suis réprimandé d'avoir quitté mon poste pour t'annoncer, attends toi à ce que j'essaierai si la robe grise d'un moine est à l'épreuve d'une flèche à plume d'oie grise.»

      En achevant cette menace, il quitta la porte du donjon, se présenta dans la grand'salle du château, et y annonça l'extraordinaire nouvelle qu'un moine était dehors, et demandait à être admis. Sa surprise fut grande de recevoir de son maître l'ordre d'introduire sur-le-champ le saint homme; et, par précaution, ayant posté quelques gardes à l'entrée du château, il exécuta sans aucun scrupule la consigne qu'il venait de recevoir. L'audace inconsidérée qui avait poussé Wamba dans cette dangereuse entreprise ne put tenir devant un homme si redoutable et si redouté que Réginald Front-de-Boeuf, il prononça son pax vobiscum auquel il se fiait si fort pour jouer son rôle avec une certaine hésitation et avec moins d'assurance qu'il ne l'avait fait jusqu'à présent; mais Front-de-Boeuf était accoutumé à voir les hommes de tous rangs trembler à sa présence, si bien que le trouble du moine supposé ne lui donna aucun soupçon. «D'où est-tu et d'où viens-tu, mon père?» dit-il. – «Pax vobiscum! réitéra le fou; je suis un pauvre serviteur de saint François, qui, voyageant à travers ces lieux sauvages, suis tombé au milieu de bandits (comme a dit l'Écriture), quidam viator incidit in latrones, lesquels bandits m'ont envoyé dans ce château pour y remplir mon ministère spirituel auprès de deux personnes condamnées par votre honorable justice.»

      «Fort bien, saint père, répliqua Front-de-Boeuf; mais dis-moi, pourrais-tu m'apprendre quel est le nombre de ces bandits.» – «Loyal seigneur, répliqua le Fou, nomen illis Legio, leur nom est Légion.» – «Dis-moi clairement quel est leur nombre, ou, tout prêtre que tu es, ton froc et ton cordon ne te sauveraient pas7.» – «Hélas! repartit le moine supposé, cor meum eructavit, ce qui veut dire que j'étais près de rendre l'âme de peur; mais je présume qu'ils peuvent être cinq cents, tant archers que paysans.» – «Quoi! dit le templier qui entrait au même instant, est-ce que les guêpes se montrent en aussi grand nombre? Il est temps d'étouffer cette maligne engeance.» Alors prenant Front-de-Boeuf à part: «Connais-tu ce prêtre?» – «Il est d'un couvent éloigné, dit Front-de-Boeuf: je ne le connais point.» – «Alors ne lui confie pas ton message de vive voix, repartit le templier; qu'il porte l'injonction directe à la compagnie franche de de Bracy de revenir sans délai au secours de leur maître, et en même temps, afin que ce tondu n'ait aucun soupçon, donne-lui toute liberté d'assister ces pourceaux de Saxons avant qu'ils aillent à la tuerie.» – «C'est ce que je vais faire, dit Front-de-Boeuf, et sur-le-champ il ordonne à un domestique de conduire Wamba à l'appartement où Cedric et Athelstane étaient confinés.

      Cette détention, au lieu d'avoir modéré l'impatience de Cedric, l'avait fait monter à son comble. Il marchait à grands pas dans l'attitude d'un homme qui charge l'ennemi, ou qui, au siége d'une place, monte à l'assaut sur la brèche, tantôt se parlant à lui-même, tantôt s'adressant à Athelstane, qui, avec une fermeté vraiment stoïque, attendait l'issue de cette aventure, digérant pendant ce temps, avec une grande tranquillité, le copieux repas qu'il avait fait à midi, s'inquiétant fort peu de la durée de sa captivité, qui, concluait-il, devait finir comme tous les maux d'ici-bas, au bon plaisir du ciel.

      «Pax vobiscum! dit le fou en entrant; que la bénédiction de saint Dunstan, de saint Denis, de saint Duthuc et de tous les saints, soit sur vous et avec vous.» – «Salvete et vos, répondit Cedric au moine supposé; dans quel dessein es-tu venu ici?» – «C'est pour vous engager à vous préparer à la mort,» répliqua le fou. – «Est-il possible? s'écria Cedric en tressaillant. Quelque hardis scélérats qu'ils soient, ils n'oseront point commettre une atrocité si notoire et si gratuite.» – «Hélas! dit le fou, vouloir les retenir par des sentimens d'humanité! il vaudrait autant essayer d'arrêter avec un fil de soie un cheval qui a pris le mors aux dents. Réfléchissez donc, noble Cedric, et vous, brave Athelstane, aux péchés que vous avez commis dans l'oeuvre de chair; car c'est aujourd'hui que vous allez être appelés devant le tribunal d'en haut.»

      «L'entends-tu, Athelstane, dit Cedric; il nous faut réveiller notre âme de son assoupissement, et nous préparer au dernier acte de notre vie. Il vaut mieux mourir en hommes que de vivre en esclaves8.» – «Je suis prêt, répliqua Athelstane, à subir tout ce qu'est capable d'inventer leur scélératesse, et je marcherai à la mort avec cette tranquillité que j'ai toujours quand je vais dîner.» – «Allons, mon père, préparez-nous à ce voyage,» dit Cedric. – «Attendez encore un instant, bon oncle, répliqua