Уильям Шекспир

La Tempête


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la brillante incurie qui se fait remarquer dans la composition, confirment tout à fait cette conjecture. M. Holt, l'un des commentateurs de Shakspeare, a pensé que le mariage sur lequel le poëte verse tant de bénédictions, par la bouche de Junon et de Cérès, pourrait bien être celui du comte d'Essex, qui épousa en 1611 lady Frances Howard, ou plutôt termina en cette année son mariage, contracté dès l'année 1606, mais dont les voyages du comte, et probablement la jeunesse des contractants, avaient jusqu'alors retardé la consommation. Cette dernière circonstance paraît même assez clairement indiquée dans la scène où l'on insiste principalement sur la continence qu'ont promis de garder les jeunes époux jusqu'au parfait accomplissement de toutes les cérémonies nécessaires. Ne serait-il pas possible de supposer que, composée en 1611 pour le mariage du comte d'Essex, cette pièce ne fut représentée à Londres que l'année suivante?

      PERSONNAGES

      ALONZO, roi de Naples.

      SÉBASTIEN, frère d'Alonzo.

      PROSPERO, duc légitime de Milan.

      ANTONIO, son frère, usurpateur du duché de Milan.

      FERDINAND, fils du roi de Naples.

      GONZALO, vieux et fidèle conseiller du roi de Naples.

      ADRIAN, FRANCISCO, seigneurs napolitains.

      CALIBAN, sauvage abject et difforme.

      TRINCULO, bouffon.

      STEPHANO, sommelier ivre.

      LE MAÎTRE du vaisseau, LE BOSSEMAN et des MATELOTS.

      MIRANDA, fille de Prospero.

      ARIEL, génie aérien.

      IRIS, CÉRÈS, JUNON, NYMPHES, MOISSONNEURS, génies employés dans le ballet.

      AUTRES génies soumis à Prospero.

      La scène représente d'abord la mer et un vaisseau, puis une île inhabitée.

      ACTE PREMIER

      SCÈNE I

      Sur un vaisseau en mer. Une tempête mêlée de tonnerre et d'éclairs.

      (Entrent le maître et le bosseman.)

      LE MAÎTRE. – Bosseman?

      LE BOSSEMAN. – Me voici, maître. Où en sommes-nous?

      LE MAÎTRE. – Bon, parlez aux matelots. – Manoeuvrez rondement, ou nous courons à terre. De l'entrain! de l'entrain!

      LE BOSSEMAN. – Allons, mes enfants! courage, courage, mes enfants! vivement, vivement, vivement! Ferlez le hunier. – Attention au sifflet du maître. – Souffle, tempête, jusqu'à en crever si tu peux.

      (Entrent Alonzo, Sébastien, Antonio, Ferdinand, Gonzalo et plusieurs autres.)

      ALONZO. – Cher bosseman, je vous en prie, ne négligez rien. Où est le maître? Montrez-vous des hommes.

      LE BOSSEMAN. – Restez en bas, je vous prie.

      ANTONIO. – Bosseman, où est le maître?

      LE BOSSEMAN. – Ne l'entendez-vous pas? Vous troublez la manoeuvre. Restez dans vos cabines, vous aidez la tempête.

      GONZALO. – Voyons, mon cher, un peu de patience.

      LE BOSSEMAN. – Quand la mer en aura. Hors d'ici! – Les vagues se soucient bien de la qualité de roi. En bas! Silence! laissez-nous tranquilles.

      GONZALO. – Fort bien! cependant n'oublie pas qui tu as à bord.

      LE BOSSEMAN. – Personne qui me soit plus cher que moi-même. Vous êtes un conseiller: si vous pouvez imposer silence à ces éléments, et rétablir le calme à l'instant, nous ne remuerons plus un seul cordage; usez de votre autorité. Si vous ne le pouvez, rendez grâces d'avoir vécu si longtemps, et allez dans votre cabine vous préparer aux mauvaises chances du moment, s'il faut en passer par là. – Courage, mes enfants! – Hors de mon chemin, vous dis-je.

      GONZALO. – Ce drôle me rassure singulièrement. Il n'a rien d'un homme destiné à se noyer; tout son air est celui d'un gibier de potence. Bon Destin, tiens ferme pour la potence, et que la corde qui lui est réservée nous serve de câble, car le nôtre ne nous est pas bon à grand' chose. S'il n'est pas né pour être pendu, notre sort est pitoyable.

      (Ils sortent.)

      (Rentre le bosseman.)

      LE BOSSEMAN. – Amenez le mât de hune. Allons, plus bas, plus bas. Mettez à la cape sous la grande voile risée. (Un cri se fait entendre dans le corps du vaisseau.) Maudits soient leurs hurlements! Leur voix domine la tempête et la manoeuvre. (Entrent Sébastien, Antonio et Gonzalo.) – Encore! que faites-vous ici? Faut-il tout laisser là et se noyer? Avez-vous envie de couler bas?

      SÉBASTIEN. – La peste soit de tes poumons, braillard, blasphémateur, mauvais chien!

      LE BOSSEMAN. – Manoeuvrez donc vous-même.

      ANTONIO. – Puisses-tu être pendu, maudit roquet! Puisses-tu être pendu, vilain drôle, insolent criard! Nous avons moins peur d'être noyés que toi.

      GONZALO. – Je garantis qu'il ne sera pas noyé, le vaisseau fût-il mince comme une coquille de noix, et ouvert comme la porte d'une dévergondée2.

      LE BOSSEMAN. – Serrez le vent! serrez le vent! Prenons deux basses voiles et élevons-nous en mer. Au large!

      (Entrent des matelots mouillés.)

      LES MATELOTS. – Tout est perdu. – En prières! en prières! Tout est perdu.

      (Ils sortent.)

      LE BOSSEMAN. – Quoi! faut-il que nos bouches soient glacées par la mort?

      GONZALO. – Le roi et le prince en prières! Imitons-les, car leur sort est le nôtre.

      SÉBASTIEN. – Ma patience est à bout.

      ANTONIO. – Nous périssons par la trahison de ces ivrognes. Ce bandit au gosier énorme, je voudrais le voir noyé et roulé par dix marées.

      GONZALO. – Il n'en sera pas moins pendu, quoique chaque goutte d'eau jure le contraire et bâille de toute sa largeur pour l'avaler.

      (Bruit confus au dedans du navire.)

      DES VOIX. – Miséricorde! nous sombrons, nous sombrons… Adieu, ma femme et mes enfants. Mon frère, adieu. Nous sombrons, nous sombrons, nous sombrons.

      ANTONIO. – Allons tous périr avec le roi.

      (Il sort.)

      SÉBASTIEN. – Allons prendre congé de lui.

      (Il sort.)

      GONZALO. – Que je donnerais de bon coeur en ce moment mille lieues de mer pour un acre de terre aride, ajoncs ou bruyère, n'importe. – Les décrets d'en haut soient accomplis! Mais, au vrai, j'aurais mieux aimé mourir à sec.

      (Il sort.)

      SCÈNE II

      (La partie de l'île qui est devant la grotte de Prospero.)

      PROSPERO ET MIRANDA entrent.

      MIRANDA. – Si c'est vous, mon bien-aimé père, qui par votre art faites mugir ainsi les eaux en tumulte, apaisez-les. Il semble que le ciel serait prêt à verser de la poix enflammée, si la mer, s'élançant à la face du firmament, n'allait en éteindre les feux. Oh! j'ai souffert avec ceux que je voyais souffrir! Un brave vaisseau, qui sans doute renfermait de nobles créatures, brisé tout en pièces! Oh! leur cri a frappé mon coeur. Pauvres gens! ils ont péri. Si j'avais été quelque puissant dieu, j'aurais voulu précipiter la mer dans les gouffres de la terre, avant qu'elle eût ainsi englouti ce beau vaisseau et tous ceux qui le montaient.

      PROSPERO. – Recueillez vos sens, calmez votre effroi; dites à votre coeur compatissant qu'il n'est arrivé aucun mal.

      MIRANDA. – O jour de malheur!

      PROSPERO.