aussi importante, le corps législatif doit s'imposer la loi d'examiner, je ne dis pas avec scrupule, mais avec cette attention réfléchie que s'impose tout juge Ce n'est point l'ajournement que je propose, c'est au contraire le premier article du projet de décret. J'ai entendu dire qu'il fallait déterminer les peines à infliger aux ecclésiastiques qui, par leur discours ou leurs écrits, excitent le peuple à la révolte. Un pareil décret serait du plus grand danger pour la liberté publique; il serait contraire à tous les principes. On ne peut exercer de rigueur contre personne pour des discours, on ne peut infliger aucune peine pour des écrits... (Il s'élève dos murmures.) Rien n'est si vague que les mots de discours, écrits excitant à la révolte. Il est impossible que l'assemblée décrète que des discours, tenus par un citoyen quelconque, puissent être l'objet d'une procédure criminelle. Il n'y a point ici de distinction à faire entre un ecclésiastique et un autre citoyen. Il est absurde de vouloir porter contre les ecclésiastiques une loi qu'on n'a pas encore osé porter contre tous les citoyens. Des considérations particulières ne doivent jamais l'emporter sur les principes de la justice et de la liberté. Un ecclésiastique est un citoyen; et aucun citoyen ne peut être soumis à des peines pour ses discours; et il est absurde de faire une loi uniquement dirigée contre les discours des ecclésiastiques... J'entends des murmures, et je ne fais qu'exposer l'opinion des membres qui sont les plus zélés partisans de la liberté, et ils appuieraient eux-mêmes mes observations, s'il n'était pas question des affaires ecclésiastiques (Applaudissements du côté droit. Murmures de la gauche. M. Dumetz: Je demande que l'opinant soit rappelé à l'ordre, comme ayant outragé l'assemblée. Ce n'est pas la liberté qu'il défend: il semble qu'il ait formé le dessein d'insulter le corps-législatif.) Je demande, comme je l'ai déjà souvent proposé, et comme l'assemblée l'a décrété, qu'une loi qui tient à la liberté des écrits et des opinions, ne soit portée qu'après une discussion générale et approfondie des principes et qu'elle ne porte pas sur une classe particulière. Je demande ensuite qu'il n'y ait point de jugement sur le fond, avant que la municipalité de Douai ait été entendue.
Maximilien Robespierre (1758-1794), Discours prononcé à l'Assemblée constituante le 6 avril 1791 (6 avril 1791)
(Opinion de Robespierre sur l'organisation ministérielle.)
Il est impossible d'être assez préparé pour examiner ce projet, qu'on présente à l'improviste. (Plusieurs voix: Il est presenté depuis deux mois.) Je suis effrayé de ce projet, et plus encore de la précipitation avec laquelle... (On murmure.) Je le dis avec l'effroi que m'inspire l'esprit qui, depuis quelque temps, préside à vos délibérations. (Les murmures augmentent; on crie: A l'ordre.) Mais je ne m'effraie pas de cette manière d'étouffer la voix de ceux qui veulent dire la vérité. Pourquoi vient-on nous présenter ici des projets à l'improviste? On compte bien s'appuyer sur un motif qui produira toujours un très grand effet; on vous dira qu'il faut accélérer vos travaux. (Un très grand nombre de voix: Oui, oui.) Autant il est vrai qu'il faut accélérer vos travaux, autant il est criminel de présenter à l'improviste, et sur ce prétexte, un projet de décret qui tend à détruire les bases de la liberté. Le caractère de ce projet, caractère imprimé dans chaque ligne, est d'anéantir la liberté et les principes constitutionnels établis par les précédents décrets, eu donnant aux ministres un pouvoir immense. Voilà l'instruction essentielle que je présente à l'assemblée nationale.
Maximilien Robespierre (1758-1794), Discours prononcé à l'Assemblée constituante le 7 avril 1791 (7 avril 1791)
(Robespierre prit une seconde fois la parole sur la même matière que la séance du 6 avril.)
J'ai à faire une proposition simple, qui ne peut être adoptée que dans ce moment. Un philosophe dont vous honorez les principes, disait que pour inspirer plus de respect et de confiance, le législateur devait s'isoler de son ouvrage. C'est l'application de cette maxime que je veux vous proposer, et je fais la motion qu'aucun membre de cette assemblée ne puisse être porté au ministère pendant les quatre années qui suivront cette session.
Maximilien Robespierre (1758-1794), Discours prononcé à l'Assemblée constituante les 27 et 28 avril 1791 (27 avril 1791)
(La garde nationale avait été improvisée au 14 juillet 1789 sous le nom de garde bourgeoise. Son organisation première était très-imparfaite. Plusieurs décrets provisoires, rendus par l'Assemblée constituante, ne statuaient qu'incomplètement sur la formation et sur le service de la garde nationale, et laissaient désirer une organisation définitive. L'Assemblée ayant ordonné à ses comités de lui présenter un projet d'organisation, Rabaut-Saint-Etienne, rapporteur, donna lecture d'un projet, qui n'admettait dans les gardes nationales que les citoyens actifs. Robespierre prit la parole pour combattre le projet des comités.)
Une constitution militaire et nationale est la plus difficile de toutes les entreprises; car si elle n'est pas le plus ferme appui de la liberté, elle devient le plus dangereux instrument du despotisme. Avant tout il faut rechercher le véritable objet de l'organisation de la garde nationale: est-elle établie pour repousser les ennemis du dehors? Non; vous avez pour cela une armée formidable... Il est certain que partout où la puissance du chef d'une force militaire considérable existe sans contrepoids, le peuple n'est pas libre. Ce contrepoids quel est-il? Les gardes nationales. D'après ce principe fondamental, il faut organiser la garde nationale de manière que le pouvoir exécutif ne puisse abuser de la force immense qui lui est confiée, ni la garde nationale opprimer la liberté publique et le pouvoir exécutif. Ces deux points de vue doivent nous servir de guide dans la question qui nous occupe. Sous ce premier point de vue il faut organiser la garde nationale de sorte qu'aucune de ses parties ne puisse dépendre du pouvoir exécutif. Le prince et ses agents ne doivent donc pas nommer les chefs. Les chefs des troupes de ligne ne doivent donc pas devenir chefs des gardes nationales; le roi ne doit donc ni récompenser ni punir les gardes nationales.
Sous le second point de vue, il faut reconnaître comme principe général la nécessité d'empêcher que les gardes nationales ne forment un corps, et n'adoptent un esprit particulier qui serait un esprit de corps, et qui menacerait bientôt, soit la liberté publique, soit les autorités constitutionnelles. Pour y parvenir, on doit adopter toutes les mesures qui tendront à confondre la fonction de soldat avec celle de citoyen, diminuer autant qu'il sera possible le nombre des officiers, ne les nommer que pour un temps très-limité, ne pas étendre le commandement à plus d'un district, et établir que la marque extérieure des grades ne sera portée que pendant le temps du service. Ces décorations ne sont accordées que pour le service public, et non pour satisfaire un ridicule orgueil. Ces distinctions extérieures, qui autrefois poursuivaient partout les fonctionnaires publics, excitaient la vanité des uns, produisaient l'humiliation des autres, avilissaient le peuple, enhardissaient ses tyrans, détruisaient ainsi l'énergie publique, et corrompaient le caractère national. Défenseurs de la liberté! vous ne regrettez pas ces hochets du despotisme; votre dévoûment, votre courage, vos succès, la cause sacrée pour laquelle vous êtes armés, voilà votre gloire, voilà vos ornements. (On applaudit.) Pour parvenir à confondre le citoyen et le soldat, il reste encore une disposition à prendre. Elle est une obligation réelle, l'équité, l'égalité la réclament... (Ou entend un peu de bruit dans quelques parties de la salle. Montlausier: Ce que dit M. Robespierre, vaut sans doute la peine d'être écouté: ainsi, Messieurs qui causez, silence. On applaudit.) Tous les citoyens doivent être admis à remplir les fonctions de garde nationale. Ceux qui n'ont pas de facultés déterminées; ceux qui ne paient pas de certaines contributions, sont-ils esclaves? sont-ils étrangers aux autres citoyens? sont-ils sans intérêts dans la chose publique? Tous ils ont contribué à l'élection des membres de l'Assemblée nationale; ils vous ont donné des droits à exercer pour eux; vous en ont-ils donné contre eux? Ils ne l'ont pas voulu; ils ne l'ont pas pu; ils ne l'ont pas fait. Sont-ils citoyens? Je rougis d'avoir à faire cette question. Ils jouissent du droit de cité. Voulez-vous jouir seuls du droit de vous défendre et de les défendre. Reconnaissez donc et décrétez que tous les citoyens domiciliés ont le droit d'être