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La vita Italiana nel Risorgimento (1831-1846), parte III


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la nature même

      Sous le dais de la nuit se recueille et s'endort.

      Vois: la mousse a pour nous tapissé la vallée;

      Le pampre s'y recourbe en replis tortueux,

      Et l'haleine de l'onde à l'oranger mêlée

      De ses fleurs qu'elle effeuille embaume mes cheveux.

      A la molle clarté de la voûte sereine,

      Nous chanterons ensemble assis sous le jasmin

      Jusqu'à l'heure où la lune, en glissant vers Misène,

      Se perd en pâlissant dans les feux du matin.

      D'ailleurs Lamartine, comme Châteaubriand, rapporta de l'Italie autre chose que des impressions, il en rapporta une doctrine; il y avait découvert pour son compte ce néant de l'homme que Châteaubriand y avait seulement approfondi. Trop jeune pendant la Révolution française pour en avoir, comme son prédécesseur, ressenti directement la secousse, c'est en contemplant du sein de toutes les joies de la vie les ruines de l'antiquité qu'il avait appris que tout change, tout passe, que nous passons nous mêmes «hélas, sans laisser plus de trace que cette barque où nous glissons sur cette mer où tout s'efface.» Il y avait encore appris, ou plutôt il s'y était enseigné à lui-même par un commentaire vivant du Tasse qui avait été le premier en date de ses poètes préférés, sans doute aussi par une réminiscence de Pétrarque, un nouveau style d'amour. Un a dit en France, et avec raison, que dès avant lui, la poésie spirituellement, sèchement galante qui n'avait que trop fleuri chez nous au XVIIIe siècle n'y régnait déjà plus, que l'amour commençait à y être une passion sincère et, par moments, mélancolique. Mais ce qu'on n'avait pas encore entendu chez nous, c'était l'hymne religieux de l'amour: c'était, non pas l'amour platonique, mais l'amour gravement, pieusement exalté, reconnaissant à la bonté divine qui prête un instant la beauté à la terre pour en sécher les larmes, mais qui la rappellera bientôt à lui pour nous empêcher d'oublier qu'après tout le ciel seul ignore les pleurs. Or ici Lamartine ne procède d'aucun Français, pas même d'André Chénier dont les vers les plus touchants demeurent païens. Certes nos classiques avaient admirablement dépeint les orages du cœur; mais pour eux, la religion était une chose, l'amour en était une autre, et ces deux ordres d'idées n'avaient rien à voir entre eux: dans la tradition française, Dieu ne connaissait que le devoir, il ordonnait la continence aux célibataires, la fidélité aux époux: quant à l'amour honnête, il le permettait, mais il ne s'en occupait pas. Lamartine au contraire procède de l'amant de Laure et du chantre de Tancrède. Il ne les imite pas; il est moins homme de lettres qu'eux dans le bon comme dans le mauvais sens; son élocution est moins travaillée; la nature lui offre autre chose qu'un pré fleuri, une claire fontaine et un chœur d'oiseaux saluant le mois d'avril.

      Mais, pour les avoir relus sous le ciel qui les a inspirés, pour avoir respiré le bonheur qu'exhale la terre dont les habitants appellent tout ce qui enchante grazia di Dio, il a, comme eux et plus expressément encore, monté la poésie amoureuse sur le ton des cantiques.

      Celui qui, le cœur plein de délire et de flamme,

      A cette heure d'amour, sous cet astre enchanté,

      Sentirait tout à coup le rêve de son âme

      S'animer sous les traits d'une chaste beauté,

      Celui qui, sur la mousse, au pied du sycomore,

      Au murmure des eaux, sous un dais de saphirs,

      Assis à ses genoux de l'une à l'autre aurore

      N'aurait pour lui parler que l'accent des soupirs,

      Celui qui, respirant son haleine adorée,

      Sentirait ses cheveux soulevés par les vents,

      Caresser en passant sa paupière effleurée,

      Ou rouler sur son front leurs anneaux ondoyants,

      Celui qui, suspendant les heures fugitives,

      Fixant avec l'amour son âme en ce beau lieu,

      Oublierait que le temps coule encor sur ces rives,

      Serait-il un mortel ou serait-il un dieu?

      Et nous, aux doux penchants de ces verts Elysées,

      Sur ces bords où l'Amour eût caché son Eden,

      Au murmure plaintif des vagues apaisées,

      Aux rayons endormis de l'astre élyséen;

      Sous ce ciel où la vie, où le bonheur abonde,

      Sur ces rives que l'œil se plaît à parcourir,

      Nous avons respiré cet air d'un autre monde,

      Elvire!.. et cependant on dit qu'il faut mourir.

      Lisez superficiellement les Méditations, vous vous demanderez pourquoi telle ou telle pièce porte pour titre un site napolitain: vous n'y trouverez point de ces descriptions qui mettent les objets sous les yeux; Lamartine regarde beaucoup moins que Victor Hugo, mais il sent davantage; livrez-vous à lui et les émotions qu'il éveillera en vous ranimeront celles que deux de vos poètes vous ont jadis données. Le tour n'est plus le même: il y a déjà un orateur caché sous le poète des Méditations: mais l'accent révèle la parenté du cœur.

      De même, cherchez à reconnaître le site de l'abbaye de Vallombrosa dans la pièce où Lamartine l'a chantée: vous n'y réussirez pas. Mais il fallait peut-être la splendeur d'une contrée où la solitude fait à peine sentir son poids, où presque partout, dès qu'on s'élève au-dessus du sol des villes, on aperçoit les deux spectacles les plus sublimes, le mer et la montagne, pour découvrir à un jeune Français déjà répandu dans les salons parisiens les trésors cachés de la vie monastique, cette joie mystérieuse que le vulgaire admire sans la comprendre, pour lui faire goûter ce plaisir du recueillement qui ne suffit point pour vivre parmi le monde, mais qui suffit pour vivre avec le ciel et avec soi-même.

      Mais en comprenant, en aimant l'Italie, aurait-il méconnu, dédaigné les Italiens?

      Messieurs, une opinion assez répandue de ce côté des Alpes veut que la sympathie de la France pour l'Italie date de 1859, ou même qu'à cette date encore un seul homme, le chef de la nation, il est vrai, ait véritablement souhaité la délivrance de votre nation. Ce qui est exact, c'est que pour que l'Italie entraînât la France avec elle, il fallait qu'elle eût eu le temps de donner à la masse de notre nation la preuve palpable, éclatante de sa volonté et de son héroïsme. Il fallait que le belliqueux Piémont, le premier prêt pour la lutte, eût osé affronter l'Autriche, il fallait que les bourgeois de Milan après une lutte de cinq jours eussent chassé leur garnison, que la jeunesse universitaire, professeurs en tête, se fût fait écraser à Curtatone et à Montanara, il fallait que le grand Manin eût prouvé une fois de plus qu'un homme peut quelque temps tenir tête à un empire, et qu'enfin les plus illustres débris de cette mémorable année, conduits par un instinct sûr, fussent venus porter chez nous le spectacle de leur courageuse pauvreté et de leurs indomptables espérances. Mais, dès l'instant où l'on sut en France que ce n'étaient pas seulement un Pellico, un Confalonieri qui voulaient au prix de ses jours la liberté de l'Italie, dès l'instant où il fut manifeste que toute la nation était disposée à mourir pour son indépendance, la France, qui respirait pourtant à peine de la sanglante guerre de Crimée, fut acquise à votre cause; il put y avoir quelque inquiétude chez certains politiques, mais les ennemis les plus irréconciliables de Napoléon III, les ouvriers de Paris qu'il avait fallu massacrer en décembre 1851 pour leur imposer le coup d'Etat, l'applaudirent avec transport à son départ pour l'armée. Jusque là au contraire, le gros de la nation avait attendu. Rien en effet n'était plus difficile pour un Français de la génération de 1830 que de comprendre pourquoi les révolutions de Naples, de Piémont, des Romagnes avaient été si vite comprimées. Figurez-vous un pays uni, centralisé depuis des siècles, ayant l'habitude de penser, d'agir en commun, et même, depuis cinquante ans, de se lever tout entier à la voix d'une ville qui formait comme les Etats Genéraux en permanence de la nation; figurez-vous ce peuple qui, grâce à cette union, a brisé un trône séculaire,