si nous calculons depuis Josué jusqu'à Samuel, nous trouvons bien réellement.. 450 ans.
Ici nous avons la preuve matérielle que l'auteur inconnu des Actes des Apôtres n'a pas eu d'autres monuments ni d'autres documents que les nôtres; mais son calcul n'en est pas moins erroné, en ce qu'il ne compte rien pour Josué, ni pour les Vieillards, ni pour Samgar, dont les temps réunis exigent au moins 30 ans et feraient… 480 ans. Or, si cet auteur s'est trompé, dans le premier calcul, nous avons droit de conclure qu'il n'a pas plus d'autorité dans celui sur Saül…; et nous avons démontré plus haut qu'à cet égard il est en erreur positive. Son calcul total, pris depuis Moïse jusqu'à la fondation du temple, en excluant Josué, les
La seconde autorité contradictoire aux résultats des Juges et de Josué, est celle du rédacteur des Rois, qui résumant le temps écoulé depuis la sortie d'Égypte jusqu'à la fondation du temple par Salomon, dit que cet intervalle fut de… 480 ans. Cette autorité est d'autant plus grave, que, selon l'opinion commune et raisonnable, la rédaction des Rois fut faite peu après le retour de la captivité, et que l'auteur quelconque eut à cette époque plus de moyens de s'éclairer qu'aucun autre écrivain postérieur:
Cependant, en n'admettant avec le texte hébreu que deux ans pour Saül; en tenant pour nuls Moïse, Josué, les Vieillards et Samuel, nous avons..... 495 ans.
auxquels on ne peut refuser de joindre les 40 de Moïse, total..... 535
Il y a excès de 55..... sur ses 480.
Il faut donc que le rédacteur des Rois ait tiré son calcul d'une autre source, ou qu'il ait fait des réductions sur les nombres de notre liste; et en effet nous en trouvons une saillante exprimée formellement par le Livre des Juges; l'auteur, rapportant le message de Jephté au roi des Ammonites; cite ces propres paroles de leur dialogue; Jephté dit18:
«Pourquoi attaquez-vous Israël? le roi répond: Parce qu'Israël revenant d'Égypte, a usurpé mes terres depuis l'Arnon jusqu'au Jourdain.
«Eh! pourquoi, reprit Jephté, n'avez-vous pas fait cette réclamation depuis 300 ans?» Il y avait donc 300 ans écoulés: depuis la dernière année de Moïse jusqu'à la première de Jephté; et si la citation est exacte, Jephté a dû être mieux instruit du fait qu'on ne l'a été depuis. Néanmoins la liste des Juges présente 319 ans, et toujours avec l'omission du temps de Josué et des Vieillards, ce qui donne un total de 349. Or, l'on ne saurait dire que Jephté ait compté 300 en nombres ronds, quand il y a un excès de 49; ce surplus a donc été réduit d'une manière quelconque. Pour opérer cette réduction, les chronologistes disent, «que les 12 tribus du peuple Hébreu étant répandues et comme dispersées en deçà et au delà du Jourdain, aux frontières de peuples divers, une même judicature, une même servitude n'a pas eu lieu simultanément pour toutes; mais que les temps de divers juges et de diverses servitudes ont couru parallèlement, et que par erreur ils ont été comptés doubles.»
Cette explication est admissible; elle trouve même sa preuve dans le texte du chapitre 4; car il y est dit qu'après la mort d'Aod, le peuple retomba en servitude: or comme il est impossible qu'Aod ait jugé, c'est-à-dire, gouverné 80 ans, il est très-probable que la servitude indiquée fut celle que subit la Galilée de la part de Iabin, roi de Hatsour, dont le temps aura couru dans les 80. Mais cette solution admise, il reste encore un excès de 29 ans sur les 300 de Jephté.
On a dit également que Samson ne fut point un juge général19, mais un héros local dont les exploits eurent pour théâtre le pays des Philistins; que par conséquent l'oppression des Philistins pendant 40 ans, englobe les 20 de Samson, et que peut-être elle fut la même qui durait encore au temps d'Héli. Alors ces 40 ans engloberaient 3 sommes qui séparément en donnent 100; et si l'on retirait les 60 en excès, plus les 20 de Iabin, on aurait 80 ans à soustraire de 56520, ce qui produirait 485 ans, très-voisins des 480 de la Chronique des Rois; mais il faudra restituer les 12 ans de Samuel, les 20 de Saül, ce qui ajoute 32 à 485—517; et de plus, rien ne prouve que les 40 ans des Philistins soient identiques à la judicature d'Héli: au contraire, une lecture attentive du texte indique à la fois fracture de récit, et lacune de faits entre Abdon et Héli. Cette lacune, au lieu d'être restituée, se trouve confirmée par l'incohérence du Livre des Juges avec celui de Samuel, qui devrait en faire suite, et dont le début n'a aucune liaison avec ce qui précède..... Desvignoles21 convient expressément que le dernier verset de l'histoire de Samson fait la clôture réelle du Livre des Juges; car, ajoute-t-il, «la plupart des savants reconnaissent, avec l'historien Josèphe (Ant. Jud., lib. V, cap. 12), que les cinq derniers chapitres des Juges, qui traitent des anecdotes de Michas, du lévite d'Ephraïm et de la guerre de Benjamin, doivent être rapportés au temps qui suivit immédiatement Josué:» sur quoi nous observons que si l'anecdote de Michas et des 600 hommes de Dan se place à cette époque, comme il est plausible par quelques circonstances, il faut aussi y reporter l'histoire de Samson qui s'y lie par un trait que nous citerons. Il serait trop long de présenter l'analyse entière du Livre des Juges; mais tout lecteur qui voudra l'examiner avec attention, se convaincra, comme nous, que cette compilation est un assemblage incohérent de quatre morceaux parfaitement distincts.
Le premier morceau, qui s'étend depuis le chapitre 1er jusques et compris le chapitre 16, est proprement l'histoire des Juges. Cet historique est si mal ordonné, si confus, que débutant par ces mots, Après la mort de Josué, etc., l'auteur répète sans raison l'anecdote de Caleb, qui arriva du vivant de ce juge; puis il introduit, dans le chapitre 2, une assemblée générale présidée par Josué; puis encore, copiant presque mot à mot les versets 28, 29, 30 et 31 du chapitre dernier de Josué, il entre en matière sur les Juges, comme s'il ne faisait que commencer.
Le second morceau débutant par ces mots: «En ce temps-là il y eut un homme d'Éphraïm nommé Michas, etc.,» comprend les chapitres 17 et 18, et contient l'anecdote du lévite enlevé par 600 hommes de la tribu de Dan, qui allèrent s'établir à Laïs: or cette anecdote n'a de liaison apparente avec le temps d'aucun juge; seulement, comme il est dit que ces 600 hommes émigrèrent du canton d'Estaol et de Saraa, par la raison qu'ils n'avaient reçu aucun lot dans le partage général des terres, l'on a droit d'inférer, comme l'a fait l'historien Josèphe, que leur aventure arriva peu de temps après la mort de Josué; et alors ce morceau se trouve très-mal placé à la fin des Juges, chap. 17 et 18.
Le troisième morceau est l'anecdote du lévite d'Ephraïm, dont l'outrage à Gebaa devint la cause d'une guerre civile, dans laquelle la tribu de Benjamin se fit exterminer22 presque entière pour soutenir le crime atroce commis par six de ses membres. Or cette anecdote, qui n'a aucune date, ne se lie pas plus avec l'histoire des Juges que celle de Ruth qui la suit.
Enfin le quatrième morceau est l'histoire de Samson, dont l'époque n'est point indiquée: seulement, comme il est dit, chapitre 18, verset dernier, que Samson commença d'être saisi de l'esprit de Dieu, lorsqu'il était au camp de la tribu de Dan, entre Estaol et Saraa; ce rapport avec l'anecdote des 600 hommes de la tribu de Dan (second morceau), autorise à placer Samson peu de temps après la mort de Josué; ce qui est très-différent de l'opinion vulgaire. Or, nous le répétons, tout lecteur impartial qui scrutera avec soin ces divers récits, vagues, décousus, et sans date, reconnaîtra que leurs auteurs ont été divers; que très-probablement ils n'ont été ni témoins, ni contemporains des faits, mais qu'ils les ont rédigés après coup sur des traditions populaires; qu'à une époque plus tardive, un compilateur également inconnu recueillit ces morceaux, et en fit l'assemblage confus que l'on nomme Livre des Juges. Une note insérée dans l'histoire du prêtre Michas et des 600 hommes de Dan, indique que