Эдвард Бульвер-Литтон

La race future


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comme une bête sauvage. En un instant je fus jeté à terre comme par une commotion électrique, et les dernières images qui flottent devant mon souvenir, avant que je ne perdisse tout à fait connaissance, furent la forme de mon hôte agenouillé près de moi, une main appuyée sur mon front, et la belle figure calme de sa fille, avec ses grands yeux profonds, insondables, fixés attentivement sur les miens.

      VI

      Je demeurai dans cet état inconscient pendant plusieurs jours, et même pendant plusieurs semaines, selon notre manière de mesurer le temps. Quand je revins à moi, j'étais dans une chambre étrange, mon hôte et toute sa famille étaient réunis autour de moi et, à mon extrême étonnement, la fille de mon hôte m'adressa la parole dans ma langue maternelle, avec un léger accent étranger.

      –Comment vous trouvez-vous?—me demanda-t-elle.

      Je fus quelques minutes avant de pouvoir surmonter ma surprise et dire:—

      –Vous savez ma langue?.... Comment?.... Qui êtes-vous?....

      Mon hôte sourit et fit signe à l'un de ses fils qui prit alors sur la table un certain nombre de feuilles minces de métal sur lesquelles étaient tracés différents dessins: une maison, un arbre, un oiseau, un homme, etc.

      Dans ces dessins, je reconnus ma manière. Sous chaque figure était écrit son nom dans ma langue et de ma main; et au-dessous, dans une autre écriture, un mot que je ne pouvais pas lire.

      –C'est ainsi que nous avons commencé,—me dit mon hôte,—et ma fille Zee, qui appartient au Collège des Sages, a été votre professeur et le nôtre.

      Zee plaça alors devant moi d'autres feuilles sur lesquelles étaient écrits de ma main, d'abord des mots, puis des phrases. Sous chaque mot et chaque phrase se trouvaient des caractères étranges tracés par une autre main. Je compris peu à peu, en rassemblant mes idées, qu'on avait ainsi créé un grossier dictionnaire. L'avait-on fait pendant que je dormais?

      –En voilà assez,—dit Zee d'un ton d'autorité.—Reposez-vous et mangez.

      VII

      On m'assigna une chambre dans ce vaste édifice. Elle était meublée d'une façon charmante et fantastique, mais sans cette magnificence de pierres et de métaux précieux, qui ornait les appartements plus publics. Les murs étaient tendus de nattes diverses, faites avec les tiges et les fibres des plantes, et le parquet était couvert de la même façon.

      Le lit n'avait pas de rideaux. Ses supports en fer reposaient sur des boules de cristal. Les couvertures étaient d'une matière fine et blanche, qui ressemblait au coton. Plusieurs tablettes portaient des livres. Un enfoncement, fermé par des rideaux, communiquait avec une volière remplie d'oiseaux chanteurs, dans lesquels je ne reconnus pas une seule des espèces que j'avais vues sur la terre, si ce n'est une jolie espèce de tourterelles, différant cependant des nôtres en ce qu'elle avait sur la tête une huppe de plumes bleuâtres. On avait appris à tous ces oiseaux à chanter des airs réguliers, et ils dépassaient de beaucoup nos bouvreuils savants, qui ne peuvent guère aller au delà de deux morceaux et ne peuvent pas, je crois, chanter en partie. On aurait pu se croire à l'Opéra quand on écoutait les concerts de cette volière. C'étaient des duos, des trios, des quatuors et des chœurs, tous notés et arrangés comme dans nos morceaux de musique. Si je voulais faire taire les oiseaux, je n'avais qu'à tirer un rideau sur la volière, et leur chant cessait dès qu'ils se trouvaient dans l'obscurité. Une autre ouverture servait de fenêtre, sans vitre, mais si l'on touchait un ressort, un volet s'élevait du plancher; il était formé d'une substance moins transparente que le verre, assez cependant pour laisser passer le regard. À cette fenêtre était attaché un balcon, ou plutôt un jardin suspendu, où se trouvaient des plantes gracieuses et des fleurs brillantes. L'appartement et ses dépendances avaient donc un caractère étrange dans ses détails, et pourtant dans son ensemble il rappelait les habitudes de notre luxe moderne; il eût excité l'admiration si on l'avait trouvé attaché à la demeure d'une duchesse anglaise ou au cabinet de travail d'un auteur français à la mode. Avant mon arrivée, c'était la chambre de Zee; elle me l'avait gracieusement cédée.

      Quelques heures après le réveil dont j'ai parlé dans le chapitre précédent, j'étais étendu seul sur ma couche, essayant de fixer mes pensées et mes conjectures sur la nature du peuple au milieu duquel je me trouvais, lorsque mon hôte et sa fille Zee entrèrent dans ma chambre. Mon hôte, parlant toujours ma langue, me demanda, avec beaucoup de politesse, s'il me serait agréable de causer ou si je préférais rester seul. Je répondis que je serais très honoré et très charmé de cette occasion d'exprimer ma gratitude pour l'hospitalité et les politesses dont on me comblait dans un pays où j'étais étranger, et d'en apprendre assez sur les mœurs et les coutumes pour ne pas risquer d'offenser mes hôtes par mon ignorance.

      En parlant, je m'étais naturellement levé; mais Zee, à ma grande confusion, m'ordonna gracieusement de me recoucher, et il y avait dans sa voix et dans ses yeux, quelque doux qu'ils fussent d'ailleurs, quelque chose qui me força d'obéir. Elle s'assit alors sans façon au pied de mon lit, tandis que son père prenait place sur un divan à quelques pas de nous.

      –Mais de quelle partie du monde venez-vous donc?—me demanda mon hôte,—que nous nous semblons réciproquement si étranges? J'ai vu des spécimens de presque toutes les races qui diffèrent de la nôtre, à l'exception des sauvages primitifs qui habitent les portions les plus désolées et les plus éloignées de notre monde, ne connaissant d'autre lumière que celle des feux volcaniques et se contentant d'errer à tâtons dans l'obscurité, comme font beaucoup d'êtres qui rampent, qui se traînent, ou même qui volent. Mais, à coup sûr, vous ne pouvez faire partie d'une de ces tribus barbares, et, d'un autre côté, vous ne paraissez appartenir à aucun peuple civilisé.

      Je me sentis quelque peu piqué de cette dernière observation et je répondis que j'avais l'honneur d'appartenir à une des nations les plus civilisées de la terre; et que, quant à la lumière, tout en admirant le génie et la magnificence avec lesquels mon hôte et ses concitoyens avaient réussi à illuminer leurs régions impénétrables au soleil, je ne pouvais cependant comprendre qu'après avoir vu les globes célestes, on pût comparer à leur éclat les lumières artificielles inventées pour les besoins des hommes. Mais mon hôte disait qu'il avait vu des spécimens de la plupart des races différentes de la sienne, à l'exception des malheureux barbares dont il m'avait parlé. Était-il donc possible qu'il ne fût jamais venu à la surface de la terre, ou ne parlait-il que de races enfouies dans les entrailles du globe?

      Mon hôte garda quelque temps le silence; sa physionomie montrait un degré de surprise que les gens de cette race manifestent rarement dans les circonstances même les plus extraordinaires. Mais Zee montra plus de sagacité.

      –Tu vois bien, mon père,—s'écria-t-elle,—qu'il y a de la vérité dans les vieilles traditions; il y a toujours de la vérité dans toutes les traditions qui ont cours en tout temps et chez toutes les tribus.

      –Zee,—dit mon hôte avec douceur,—tu appartiens au Collège des Sages et tu dois être plus savante que je ne le suis; mais comme Directeur du Conseil de la Conservation des Lumières, il est de mon devoir de ne rien croire que sur le témoignage de mes propres sens.

      Alors, se tournant vers moi, il m'adressa plusieurs questions sur la surface de la terre et sur les corps célestes; quelque soin que je prisse de lui répondre de mon mieux, je ne parus ni le satisfaire ni le convaincre. Il secoua tranquillement la tête et, changeant un peu brusquement de sujet, il me demanda comment, de ce qu'il se plaisait à appeler un monde, j'étais descendu dans un autre monde. Je répondis que sous la surface de la terre il y avait des mines contenant des minéraux ou métaux nécessaires à nos besoins et à nos progrès dans les arts et l'industrie; je lui expliquai alors brièvement comment, en explorant une de ces mines, mon malheureux ami et moi avions aperçu de loin les régions dans lesquelles nous étions descendus et comment notre tentative lui avait coûté la vie. Je donnai comme témoins de ma véracité la corde et les grappins que l'enfant avait rapportés dans l'édifice où j'avais d'abord été reçu.

      Mon hôte se mit alors à me questionner sur les habitudes et les mœurs