Морис Метерлинк

L'oiseau bleu: Féerie en six actes et douze tableaux / Синяя птица. Книга для чтения на французском языке


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le père Tyl qui passe la tête dans l’en-trebâillement de la porte13. La Mère Tyl met un doigt sur les lèvres pour lui commander le silence, puis sort à droite sur la pointe des pieds14, après avoir éteint la lampe. La scène reste obscure un instant, puis une lumière dont l’intensité augmente peu à peu filtre par les lames des volets. La lampe sur la table se rallume d’elle-même. Les deux enfants semblent s’éveiller et se mettent sur leur séant.]

      TYLTYL. Mytyl?

      MYTYL. Tyltyl?

      TYLTYL. Tu dors?

      MYTYL. Et toi?…

      TYLTYL. Mais non, je dors pas puisque je te pare…

      MYTYL. C’est Noël, dis?…

      TYLTYL. Pas encore; c’est demain. Mais le petit Noël n’apportera rien cette année…

      MYTYL. Pourquoi?…

      TYLTYL. J’ai entendu maman qui disait qu’elle n’avait pu aller à la ville pour le prévenir… Mais il viendra l’année prochaine…

      MYTYL. C’est long, l’année prochaine?…

      TYLTYL. Ce n’est pas trop court… Mais il vient cette nuit chez les enfants riches…

      MYTYL. Ah?…

      TYLTYL. Tiens!… Maman a oublié la lampe!… J’ai une idée!…

      MYTYL. ?…

      TYLTYL. Nous allons nous lever…

      MYTYL. C’est défendu…

      TYLTYL. Puisqu’il n’y a personne… Tu vois les volets?…

      MYTYL. Oh! qu’ils sont clairs!…

      TYLTYL. C’est les lumières de la fête.

      MYTYL. Quelle fête?

      TYLTYL. En face, chez les petits riches. C’est l’arbre de Noël. Nous allons les ouvrir…

      MYTYL. Est-ce qu’on peut?

      TYLTYL. Bien sûr, puisqu’on est seuls… Tu entends la musique?… Levons-nous…

      [Les deux enfants se lèvent, courent à l’une des fenêtres, montent sur l’escabeau et poussent les volets. Une vive clarté pénètre dans la pièce. Les enfants regardent avidement au dehors.]

      TYLTYL. On voit tout!…

      MYTYL [qui ne trouve qu’une place précaire sur l’escabeau.] Je vois pas…

      TYLTYL. Il neige!… Voilà deux voitures à six chevaux!…

      MYTYL. Il en sort douze petits garçons!…

      TYLTYL. T’es bête!… C’est des petites filles…

      MYTYL. Ils ont des pantalons…

      TYLTYL. Tu t’y connais… Ne me pousse pas ainsi!…

      MYTYL. Je t’ai pas touché.

      TYLTYL [qui occupe à lui seul tout l’escabeau]. Tu prends toute la place…

      MYTYL. Mais j’ai pas du tout de place!…

      TYLTYL. Tais-toi donc, on voit l’arbre!…

      MYTYL. Quel arbre?…

      TYLTYL. Mais l’arbre de Noël!… Tu regardes le mur!…

      MYTYL. Je regarde le mur parce qu’y a pas de place…

      TYLTYL [lui cédant une petite place avare sur l’escabeau.]. Là!… En as-tu assez?… C’est-y pas la meilleure?… Il y en a des lumières! Il y en a!…

      MYTYL. Qu’est-ce qu’ils font donc ceux qui font tant de bruit?…

      TYLTYL. Ils font de la musique.

      MYTYL. Est-ce qu’ils sont fâchés?…

      TYLTYL. Non, mais c’est fatigant.

      MYTYL. Encore une voiture attelée de chevaux blancs!…

      TYLTYL. Tais-toi!… Regarde donc!…

      MYTYL. Qu’est-ce qui pend là, en or, après les branches?…

      TYLTYL. Mais les jouets, pardi!… Des sabres, des fusils, des soldats, des canons…

      MYTYL. Et des poupées, dis, est-ce qu’on en a mis?…

      TYLTYL. Des poupées?… C’est trop bête; ça ne les amuse pas…

      MYTYL. Et autour de la table, qu’est-ce que c’est tout ça?…

      TYLTYL. C’est des gâteaux, des fruits, des tartes à la crème…

      MYTYL. J’en ai mangé une fois, lorsque j’étais petite…

      TYLTYL. Moi aussi; c’est meilleur que le pain, mais on en a trop peu…

      MYTYL. Ils n’en ont pas trop peu… Il y en a plein la table… Est-ce qu’ils vont les manger?…

      TYLTYL. Bien sûr; qu’en feraient-ils?…15

      MYTYL. Pourquoi qu’ils ne les mangent pas tout de suite?…

      TYLTYL. Parce qu’ils n’ont pas faim…

      MYTYL [stupéfaite]. Ils n’ont pas faim?… Pourquoi?…

      TYLTYL. C’est qu’ils mangent quand ils veulent…

      MYTYL [incrédule]. Tous les jours?…

      TYLTYL. On le dit…

      MYTYL. Est-ce qu’ils mangeront tout?… Est-ce qu’ils en donneront?…

      TYLTYL. À qui?…

      MYTYL. À nous…

      TYLTYL. Ils ne nous connaissent pas…

      MYTYL. Si on leur demandait?…

      TYLTYL. Cela ne se fait pas.

      MYTYL. Pourquoi?…

      TYLTYL. Parce que c’est défendu.

      MYTYL [battant des mains]. Oh! qu’ils sont donc olis!…

      TYLTYL [enthousiasmé]. Et ils rient et ils rient!…

      MYTYL. Et les petits qui dansent!…

      TYLTYL. Oui, oui, dansons aussi!…

[Ils trépignent de joie sur l’escabeau.]

      MYTYL. Oh! que c’est amusant!…

      TYLTYL. On leur donne les gâteaux!… Ils peuvent y toucher!… Ils mangent! ils mangent! ils mangent!…

      MYTYL. Les plus petits aussi!… Ils en ont deux, trois, quatre!…

      TYLTYL [ivre de joie]. Oh! c’est bon!… Que c’est bon! que c’est bon!…

      MYTYL [comptant des gâteaux imaginaires.] Moi, j’en ai reçu douze!…

      TYLTYL. Et moi quatre fois douze!… Mais je t’en donnerai…

[On frappe à la porte de la cabane.]

      TYLTYL [subitement calmé et effrayé]. Qu’est-ce que c’est?…

      MYTYL [épouvantée]. C’est papa!…

      [Comme ils tardent à ouvrir, on voit le gros loquet se soulever de lui-même, en grinçant; la porte s’entrebâille pour livrer passage à une petite vieille habillée de vert et coiffée d’un chaperon rouge. Elle est bossue, boiteuse, borgne; le nez et le menton se rencontrent, et elle marche courbée sur un bâton. Il n’est pas douteux que ce ne soit une fée.]

      LA FÉE. Avez-vous ici l’herbe qui chante ou l’oiseau qui est bleu?…

      TYLTYL. Nous avons de l’herbe, mais elle ne chante pas…

      MYTYL. Tyltyl a un oiseau.

      TYLTYL. Mais je ne peux pas le donner…

      LA