une bombe contenant une matière radioactive et un explosif conventionel comme de la dynamite. Et vous chercherez à la faire exploser dans un espace clos et de préférence très fréquenté comme un train bondé de métro ou une station de métro à heure de pointe, un noyau de transports comme les gares Grand Central ou Pen Station, un aéroport ou un grand terminal d'autobus, une attraction touristique comme la Statue de la Liberté par exemple. Un espace clos maximise la concentration de radiations.”
Luke s'imagina l'étroite et claustrophobique cage d'escaliers qui menait en haut de la Statue de la Liberté. Elle était tous les jours extrêmement fréquentée, souvent par des écoliers en excursion. En pensée, il vit Liberty Island bondée de milliers de touristes, les ferries remplis avec encore plus de visiteurs, tels des bateaux de réfugiés provenant de Haïti.
Puis il vit en pensée les quais du métro du terminal Grand Central à 7h30 du matin, tellement peuplés de navetteurs qu'il n'y avait plus de place pour se tenir debout. Une centaine de personnes faisant la queue dans les escaliers, attendant que le train arrive et que le quai se libère afin que le groupe suivant puisse descendre. Il imagina une bombe explosant dans cette foule.
Et puis le noir complet.
Une vague de dégoût le traversa. Davantage de morts seraient causées par la panique que par l'explosion initiale. Dans le tumulte, beaucoup finiraient écrasés par ceux tentant de fuir.
Trudy continua. “Notre souci, c'est qu'il y a beaucoup trop de cibles potentielles et que nous ne pouvons pas toutes les surveiller. De plus, l'attaque peut ne pas avoir lieu à New York. Si le vol a eu lieu il y a trois heures, nous devons envisager de possibles cibles dans un rayon d'au moins 250km, ce qui comprend l'entièreté de New York City et sa banlieue, Philadelphie et les principales villes du New Jersey comme Newark, Jersey City et Trenton. Si les voleurs ne se manifestent pas dans l'heure qui vient, le rayon peut être étendu jusqu'à Boston et Baltimore. Toute la région est extrêmement peuplée et dans un rayon aussi large, nous devons envisager au moins dix mille cibles potentielles. Même s'ils cherchent à toucher des objectifs renommés et connus, nous sommes toujours confrontés à environ des centaines de lieux.”
“OK, Trudy,” dit Luke. “Maintenant que tu nous as fait part des faits, qu'est-ce que ton intuition te dit?”
Trudy haussa les épaules. “Je pense que nous pouvons envisager qu'il s'agit d'une attaque à la bombe sale commanditée par un pays étranger ou éventuellement par un groupe terroriste indépendant comme ISIS ou Al-Qaeda. Il est possible que des Américains ou des Canadiens soient impliqués mais le contrôle des opérations se situe ailleurs. Il ne s'agit définitivement pas d'un groupe national, comme des écologistes ou des suprémacistes blancs.”
“Pourquoi? Pourquoi pas un groupe national?” demanda Luke. Il connaissait déjà la réponse mais c'était important de l'exprimer afin de traiter la situation petit à petit et ne rien négliger.
“Les gauchistes brûlent des concessionnaires de Hummer en pleine nuit ou ils peignent les arbres des exploitations forestières afin que personne ne soit blessé. Il n'existe aucun exemple d'écologistes attaquant des zones peuplées ou assassinant qui que ce soit et ils ont la radioactivité en horreur. Les radicaux de droite sont plus violents et l'exemple d'Oklahoma City montre bien qu'ils sont prêts à attaquer des civils ainsi que des symboles du gouvernement. Mais aucun de ces groupes n'a vraisemblablement l'entraînement pour cette situation. Et il existe une autre très bonne raison pour laquelle il ne s'agit probablement d'aucun de ces deux groupes.”
“Laquelle?” demanda Luke.
“L'iridium possède une demi-vie très courte,” répondit Trudy. “Il est plus que probable qu'il soit inutile d'ici deux jours. De plus, ceux qui ont dérobé ces substances doivent agir très rapidement avant d'être eux-mêmes irradiés. Le mois sacré musulman du Ramadan débute ce soir à la tombée de la nuit. Je pense donc qu'il s'agit d'une attaque conçue pour coincider avec le début du Ramadan.”
Luke laissa presque échapper un soupir de soulagement. Il connaissait et travaillait avec Trudy depuis des années. Ses renseignements étaient toujours bons et sa capacité à reconstruire les scénarios était exceptionnelle. Ses conclusions étaient bien plus souvent correctes que l'inverse.
Il jeta un coup d'oeil à sa montre. Il était 3h15 du matin. Le coucher de soleil aurait probablement lieu aux alentours de 20h ce soir. Il fit un rapide calcul mental. “Tu penses donc que nous avons plus de seize heures devant nous pour retrouver les responsables?”
Seize heures. Chercher une aiguille dans une botte de foin était une chose. Mais avoir seize heures pour la retrouver avec l'aide d'une technologie de pointe et de la meilleure équipe possible en était une autre. C'était presque de trop.
Trudy hocha la tête. “En fait, non. Le problème avec le Ramadan, c'est qu'il commence à la tombée de la nuit mais laquelle? À Téhéran, le soleil se couchera aujourd'hui à 20h24, ce qui correspond à 22h24 chez nous. Mais que se passera-t-il s'ils optent pour le début mondial du Ramadan, par exemple en Malaysie ou en Indonésie? Il est possible que nous parlions plutôt de 7h24 du matin, ce qui correspond au début de l'heure matinale de pointe.”
Luke grogna. Il regarda à travers la vitre la vaste mégalopolis en-dessous de lui. Il jeta de nouveau un coup d'oeil à sa montre. 3h20 du matin. Droit devant, à l'horizon, il pouvait voir les hauts gratte-ciels de Lower Manhattan et les doubles lumières bleues découpant le ciel à l'endroit où le World Trade Center se dressait autrefois. Dans trois heures, les métros et les gares commenceraient à se remplir de navetteurs.
Et là dehors, quelque part, des personnes étaient occupées à planifier leur mort.
Chapitre 3
3h35 du matin
East Side de Manhattan
“On dirait des rats,” dit Ed Newsam.
L'hélico descendait au-dessus de l'East River. Les eaux sombres étaient en-dessous d'eux, s'écoulant rapidement avec de petites houles s'élevant et retombant. Luke voyait ce qu'Ed voulait dire. L'eau ressemblait à des milliers de rats courant sous une couverture noire scintillante.
Ils descendaient doucement vers l'hélisurface de la 34ème Rue. Luke regarda les lumières de l'édifice à sa gauche. Elles ressemblaient à des millions de bijoux scintillants dans la nuit. Maintenant qu'ils arrivaient, une certaine urgence s'empara de lui. Son coeur s'arrêta de battre. Il était resté calme durant la durée du vol car il n'y avait pas grand-chose d'autre à faire. Mais le temps pressait et ils devaient agir rapidement. Il était prêt à sauter de l'hélico avant qu'il n'atterisse.
L'hélico se posa dans un rebond et un frémissement et instantanément toutes les personnes dans la cabine détachèrent leur ceinture de sécurité. Don ouvra la porte d'un coup. “On y va,” dit-il.
Le portail qui donnait à la rue n'était qu'à vingt mètres de la piste d'aterrissage. Trois véhicules attendaient à l'extérieur des barrières en béton. Une escouade de l'Équipe Spéciale d'Intervention de New York courut vers l'hélico et déchargea les sacs de matériel. Un homme s'empara du sac de vêtements et du petit sac d'accessoires de Luke.
“Faites-y attention,” dit Luke. “La dernière fois que je suis venu ici, vous avez perdu mes sacs et je n'ai vraiment pas le temps d'aller faire du shopping.”
Luke et Don montèrent dans le véhicule de tête, Trudy s'y glissa avec eux. L'intérieur était étiré pour créer une cabine passager avec des sièges en face à face. Luke et Don s'assirent dans le sens de la marche avec Trudy en face d'eux. Le véhicule démarra avant même qu'ils n'aient eu le temps de s'installer. En l'espace d'une minute, ils étaient dans l'étroit FDR Drive, en direction du nord. Des taxis jaunes vrombissaient tout autour d'eux, comme un essaim d'abeilles.
Personne ne disait mot. Le véhicule traçait, épousant les courbes de béton, traversant des tunnels en-dessous d'édifices délabrés, rebondissant sur les nids de poules. Luke sentait son coeur battre dans sa poitrine. La conduite rapide n'avait rien à voir avec l'emballement de son pouls. C'était