nuit dernière, sauf que, cette nuit, il n'était pas aussi distant. Elle suivit le son jusqu'à ce qu'elle trouve ce qu'elle pensait en être la source : le grenier.
Dans le vestibule de l'étage, elle s'arrêta juste sous la porte d'accès du grenier. Après un moment d'hésitation, elle saisit la ficelle qui ouvrait la porte et tira fortement dessus. Le craquement lui parut vraiment plus prononcé.
Elle monta à l'échelle aussi discrètement qu'elle le put en essayant de ne pas penser aux conséquences funestes qu'avait toujours cette sorte de décision dans les films d'horreur. Quand elle arriva en haut de l'échelle, elle sortit son téléphone et se servit de la fonctionnalité lampe torche pour fouiller le grenier. Cependant, mis à part quelques vieilles boîtes en carton vides, il n'y avait rien et le craquement s'était arrêté.
Jessie redescendit prudemment, rangea l'échelle et, trop énervée pour dormir, recommença à errer comme une âme en peine. Finalement, elle se retrouva dans la chambre qu'ils avaient prévu d'utiliser pour le bébé quand ils en auraient un, si cela arrivait.
Elle était vide pour l'instant mais Jessie avait déjà imaginé où elle mettrait le berceau. Elle l'imagina contre l'autre mur, avec un mobile qui pendait au-dessus. Elle posa le dos contre le mur et glissa jusqu'au sol pour se retrouver finalement assise avec les genoux devant le visage. Elle passa les bras autour d'eux et serra fort en essayant de se rassurer, de croire que la vie dans ce nouvel endroit étrange serait meilleure que ce qu'elle avait connu jusque là.
Est-ce que j'interprète tout de travers ?
Elle ne put s'empêcher de se demander s'il fallait changer le dosage de ses médicaments. Elle ne savait pas si elle était trop dure avec Kyle ou si elle jugeait les femmes du Club Deseo trop sévèrement. Le fait que Kyle s'adapte si facilement à cet endroit et pas elle reflétait-il les capacités d'adaptation de son mari, la fragilité de son épouse ou les deux à la fois ? Il avait déjà l'air de se sentir chez lui comme s'il vivait déjà ici depuis des années. Elle se demanda si elle atteindrait un jour une telle sérénité.
Elle se dit que c'était peut-être qu'elle était nerveuse parce que son dernier semestre de cours commençait le lendemain et qu'elle allait devoir se remettre à étudier les violeurs, les pédophiles et les assassins. De plus, elle ne savait pas si ce craquement qu'elle entendait tout le temps était réel ou imaginaire. Ces temps-ci, elle n'était pas sûre de grand-chose et ça l'effrayait.
CHAPITRE QUATRE
Jessie était à bout de souffle et son cœur avait des palpitations. Elle allait arriver en retard en cours. C'était la première fois qu'elle allait sur le campus de l'Université de Californie à Irvine et elle avait eu beaucoup de mal à trouver sa salle de cours. Après avoir parcouru les dernières centaines de mètres sur le campus dans la chaleur étouffante du milieu de la matinée, elle entra en bousculant la porte. Elle avait le front couvert de sueur et sentait que son haut était légèrement humide.
Le Professeur Warren Hosta, un homme grand, mince d'une cinquantaine d'années avec de petits yeux soupçonneux et une touffe de cheveux gris-noirs qui trônait, tristement solitaire, au sommet de son crâne, avait visiblement été en plein milieu d'une phrase quand elle entra brusquement à 10 h 04 du matin. Elle avait entendu des rumeurs sur son impatience et son comportement en général discourtois et il ne la déçut pas. Il s'arrêta et attendit qu'elle se trouve une chaise sans la quitter des yeux.
“Puis-je reprendre ?” demanda-t-il sur un ton sarcastique.
Bon début, Jessie. C'est un très bon moyen de faire bonne impression.
“Désolé, monsieur”, dit-elle. “Je ne connais pas encore le campus. Je me suis perdue.”
“J'espère que vous êtes meilleure en déduction qu'en orientation”, répondit-il avec mépris avant de reprendre son cours. “Comme je le disais, pour la plupart d'entre vous, ce sera le dernier cours que vous suivrez avant d'obtenir votre maîtrise de psychologie judiciaire. Ce ne sera pas facile.”
Jessie ouvrit la fermeture Éclair de son sac à dos aussi silencieusement que possible pour en sortir un stylo et un cahier mais le son de la tirette de la fermeture Éclair qui défilait contre toutes les dents sembla résonner dans la salle. Le professeur jeta un coup d’œil à Jessie du coin l’œil mais n'arrêta pas de parler.
“Je vais bientôt faire passer le programme”, dit-il. “Cela dit, en général, il contient ce qu'on attend que vous appreniez. En plus du travail standard en cours et des examens associés, ceux d'entre vous qui en ont encore une à passer rendront et soutiendront leur thèse. En plus, tout le monde aura un stage, thèse complétée ou pas. Certains d'entre vous seront assignés à un établissement pénitentiaire, soit le California Institute for Men à Chino soit le California Institute for Women à Corona, qui accueillent tous les deux des délinquants violents. Les autres se rendront à l'unité à hauts risques de DSH-Metropolitan, qui est un hôpital public à Norwalk. On y traite les patients que l'on désigne habituellement comme étant ‘fous criminels’, bien que des problèmes liés à la communauté les empêchent d'accepter les patients qui ont des antécédents de meurtre, de crimes sexuels ou d'évasion.”
Une excitation muette traversa la salle quand les étudiants se regardèrent les uns les autres. C'était ce qu'ils voulaient. Le reste du cours fut assez simple, consistant d'une description de leur contrôle continu et d'informations sur la rédaction de leur thèse.
Heureusement, comme Jessie avait terminé et défendu la sienne pendant qu'elle était à l'Université de Californie du Sud, elle n'écouta pas beaucoup cette discussion. Au lieu de cela, elle repensa au drôle de déjeuner qui s'était déroulé au yacht club et à la sensation de mal-être qu'elle avait ressentie malgré la gentillesse et la générosité de tous les convives.
Ce fut seulement quand le professeur revint aux stages qu'elle écouta avec attention. Les étudiants posaient des questions logistiques et académiques. Jessie avait des questions à poser elle aussi mais décida d'attendre la fin du cours. Elle ne voulait pas que le groupe entende ses questions.
Visiblement, la plupart de ses camarades voulaient travailler dans une des prisons. Le fait que la communauté ait refusé d'accueillir les délinquants violents à l'hôpital de Norwalk semblait réduire sa popularité.
Finalement, le professeur Hosta signala que le cours était fini et les étudiants commencèrent à sortir de la salle. Jessie rangea son cahier dans son sac sans se presser pendant que quelques étudiants posaient des questions au professeur. Ce ne fut que quand ils furent tous partis et que le professeur commença lui aussi à s'en aller qu'elle s'approcha de lui.
“Je suis vraiment désolée d'être arrivée en retard, professeur Hosta”, dit-elle en essayant de ne pas avoir l'air trop obséquieuse. Il lui avait suffi d'un cours pour sentir que Hosta détestait que l'on tente de le flatter. Il avait l'air de préférer la curiosité, même si elle frôlait l'impolitesse, à la déférence.
“Vous n'avez pas l'air si désolée que ça, mademoiselle .…” nota-t-il en levant un sourcil.
“Hunt, Jessie Hunt. Et, non, je ne le suis pas vraiment”, admit-elle, décidant à ce moment qu'elle aurait plus de chances de convaincre cet homme si elle était franche. “J'ai juste pensé qu'il valait mieux que je sois polie pour obtenir la réponse à la vraie question.”
“Qui est …?” demanda-t-il, les sourcils levés, surpris.
Elle avait capté son attention.
“J'ai remarqué que vous aviez dit que le DSH-Metro n'acceptait pas de patients qui avaient des antécédents de violence.”
“C'est exact”, dit-il. “C'est leur politique. En fait, je l'ai trouvé sur leur site web.”
“Mais, professeur, nous savons tous les deux que ce n'est pas entièrement exact. L'hôpital Norwalk a bien une petite section, située à l'écart, qui traite les patients qui ont commis des crimes