jamais ? » demanda Ray.
Il avait posé la question d’un ton neutre, et seule Keri sentit qu’il était sceptique. Aucun des Caldwell ne dit rien pendant un moment, et Keri s’inquiéta de ce que Ray pouvait les avoir vexés. Finalement, Mariela répondit : « Agent Sands, je comprends que vous ayez du mal à le croire. Mais, non, elle n’oublie jamais. Ed et moi avons eu Sarah à un certain âge. Après de nombreux échecs, nous avons fini par être bénis par son arrivée. Elle est notre seul enfant et je dois avouer qu’on a tendance à, comment dire, être surprotecteurs ?
— On la couve », ajouta Ed avec un sourire en coin.
Keri lui rendit son sourire. Elle les comprenait tout à fait.
« En tout cas, reprit Mariela, Sarah sait qu’elle est ce qu’on a de plus précieux en ce monde et, par bonheur, elle ne nous en veut pas ni ne se sent étouffée par notre amour. On fait de la pâtisserie ensemble le weekend. Elle continue d’accompagner son père au travail pendant les journées portes ouvertes. Nous sommes même allées ensemble à un concert de Motley Crue il y a quelques mois. Elle nous adore, et parce qu’elle sait combien elle compte pour nous, elle tient vraiment à toujours nous tenir au courant. Nous avons instauré l’obligation de nous dire où elle est par message, mais c’est elle qui a choisi de le faire toutes les deux heures. »
Keri les examina attentivement pendant qu’ils parlaient. Mariela tenait la main de son mari et celui-ci caressait le dos de sa main avec son pouce. Il attendit qu’elle ait terminé, puis intervint : « Et même si elle avait oublié, pour la première fois de sa vie, elle ne serait pas restée si longtemps sans nous contacter ni répondre à nos messages et appels. Je peux vous dire que nous l’avons appelée une douzaine de fois et envoyé autant de messages. Dans le dernier, je disais que j’appelais la police. Si elle avait reçu un seul de ces messages, elle aurait répondu. Comme je l’ai dit au lieutenant, le GPS de son téléphone est éteint, ce qui n’est jamais arrivé avant. »
Ce détail perturbant flottait au-dessus d’eux, menaçant de tout recouvrir. Keri voulut étouffer tout début de panique en leur posant rapidement la question suivante :
« M. et Mme Caldwell, puis-je vous demander pourquoi Sarah n’était pas à l’école aujourd’hui ? On est vendredi. »
Tous deux la dévisagèrent, surpris. Même Ray parut étonné.
« C’est le jour après Thanksgiving. Il n’y a pas école. »
Keri sentit sa gorge se nouer. Seul un parent pouvait connaître ce genre de détail, et elle n’en était plus un, par tous les aspects pratiques.
Evie aurait eu treize ans, maintenant. Normalement, Keri aurait du trouver un mode de garde pour sa fille, pour qu’elle puisse aller au travail aujourd’hui. Mais plus rien ne se passait « normalement » depuis un certain temps.
Les rituels liés aux vacances scolaires et en famille avaient perdu toute importance pour elle ces dernières années, au point que ce qui avait autrefois été évident pour elle ne lui passait même plus par la tête. Elle voulut répondre mais ne parvint qu’à émettre une quinte de toux inintelligible. Ses yeux s’embuèrent et elle baissa la tête pour ne pas qu’on le remarque. Ray vola à son secours :
« Donc Sarah était libre aujourd’hui, mais pas vous ? demanda-t-il.
— Non, répondit Ed. Je suis le propriétaire d’un petit commerce de peinture dans le Westchester Triangle. Je ne roule pas sur l’or – je ne peux pas me permettre de prendre beaucoup de jours de vacances. Thanksgiving, Noël, le Nouvel An... C’est à peu près tout.
— Et moi, je suis assistante dans un grand cabinet d’avocats à El Segundo. Normalement, je devrais être libre aujourd’hui, mais on prépare un gros dossier pour un procès et ils avaient besoin de l’aide de tout le monde. »
Keri s’éclaircit la gorge et, à présent sûre de se maîtriser, prit de nouveau part à la conversation : « Et qui est cette amie que Sarah devait rencontrer ?
— Elle s’appelle Lanie Joseph, dit Mariela. Sarah était amie avec elle à l’école primaire, mais quand on a déménagé ici, elles ont perdu le contact. Franchement, j’aurais préféré qu’elles ne le reprennent pas.
— Qu’est ce que vous voulez dire ? » demanda Keri.
Comme Mariela hésitait, Ed choisit d’intervenir.
« Nous habitions dans le sud de Culver City. Ce n’est pas loin d’ici, mais c’est un quartier beaucoup plus pauvre. Les rues sont plus miteuses, et les enfants aussi. Lanie a toujours eu quelque chose qui nous mettait mal à l’aise, même quand elle était petite. Ça a empiré. Je ne veux pas juger, mais je pense qu’elle est sur la mauvaise pente.
— On a mis de côté tout ce qu’on a pu », intervint Mariela, manifestement gênée de médire devant des étrangers. « Le jour où Sarah est entrée au collège, on a déménagé ici. Nous avons acheté cette maison juste avant que le marché ne grimpe en flèche. La maison est petite, mais on n’aurait jamais pu l’acheter aujourd’hui. C’était difficile même à l’époque. Mais Sarah avait besoin de prendre un nouveau départ, avec des enfants différents.
— Donc elles se sont perdues de vue, insista Ray avec douceur. Comment se fait-il qu’elles se soient recontactées ?
— Elles se voyaient une ou deux fois par an, mais c’était tout, répondit Ed. Mais Sarah nous a dit que Lanie lui a envoyé un message hier, disant qu’elle voulait vraiment qu’elles se voient, et qu’elle avait besoin d’un conseil. Elle n’a pas dit pourquoi.
— Et évidemment, ajouta Mariela, puisque Sarah est une si gentille fille, si généreuse, elle a accepté sans hésiter. Je me souviens qu’elle m’a dit hier soir qu’elle ne serait pas une bonne amie si elle ne venait pas au secours d’une amie quand elle en a le plus besoin. »
La voix de Mariela se brisa sous le coup de l’émotion. Keri vit Ed serrer sa main dans la sienne. Elle enviait ce couple. Même en ce moment de quasi-panique, ils présentaient un front uni, finissaient mutuellement leurs phrases et se soutenaient émotionnellement. D’une façon ou d’une autre, leur amour et dévotion partagés les empêchaient de sombrer. Keri se souvenait d’une époque où elle pensait que son couple était semblable à cela.
« Est-ce que Sarah vous a dit où elles allaient se rencontrer ? demanda Keri.
— Non, elles n’avaient pas encore décidé à midi. Mais je suis sûre que c’est dans un endroit proche d’ici, peut-être le Howard Hughes Center ou le centre commercial de Fox Hills. Sarah ne conduit pas encore, donc il fallait un endroit facilement accessible en bus.
— Pourriez-vous me fournir quelques photos récentes de Sarah ? » demanda Keri à Mariela. Cette dernière se leva immédiatement pour aller en chercher.
« Est-ce que Sarah est active sur les réseaux sociaux ? demanda Ray.
— Elle est sur Facebook, ainsi qu’Instagram et Twitter, répondit Ed. C’est tout ce que je sais. Pourquoi ?
— Parfois les enfants publient des choses sur leur compte, qui peuvent aider l’enquête. Vous connaissez ses mots de passe ?
— Non, dit Mariela en sortant quelques photos de leurs cadres. Nous n’avons jamais eu de raison de les lui demander. Elle nous montre tout le temps ce qu’elle publie sur ses comptes. On dirait qu’elle ne cache jamais rien. On est même amis sur Facebook. Je n’ai tout simplement jamais ressenti le besoin de demander ce genre de chose. Vous n’avez aucun moyen d’accéder à ses comptes ?
— On peut, expliqua Keri, mais sans les mots de passe, ça prend du temps. Il nous faut un mandat légal. Et pour le moment, on n’a pas de motif raisonnable de se lancer là-dedans.
— Et le GPS éteint ? demanda Ed.
— Ça peut aider le dossier, répondit Keri. Mais pour le moment, tout ce que vous m’avez