Джек Марс

L'Agent Zéro


Скачать книгу

l’homme reprit sa marche. Il prononça quelques mots rapides en arabe. L’interrogateur lui répondit, et la brute observa Reid avec attention.

      “S’il vous plait !” dit-il assez fort pour couvrir leur bavardage. “Je ne suis pas la personne que vous croyez. Je n’ai aucun souvenir de ce que vous me demandez…”

      Le grand homme s’arrêta de parler et ses yeux s’écarquillèrent. Il se tapa le front, avant de se remettre à parler à l’interrogateur d’un ton excité. L’homme impassible au kufi se caressait le menton.

      “Possible,” dit-il en anglais. Il se leva et prit le visage de Reid à deux mains.

      “Qu’est-ce qui se passe ? Que faites-vous ?” demanda Reid. Les doigts de l’homme tâtaient méticuleusement le contour de son visage à la naissance des cheveux.

      “Du calme,” dit posément l’homme. Il sonda le cuir chevelu de Reid, sa nuque, ses oreilles… “Ah !” dit-il brusquement. Il appela sa cohorte qui déboula d’un coup, penchant violemment la tête de Reid d’un côté.

      L’interrogateur fit courir un doigt le long de l’os mastoïdien de Reid, cette petite section d’os temporal juste derrière l’oreille. Il y avait une masse oblongue sous la peau, à peine plus grande qu’un grain de riz.

      L’interrogateur aboya des ordres au grand homme, et ce dernier quitta précipitamment la pièce. Le cou de Reid le faisait souffrir à cause de l’angle peu confortable auquel sa tête était maintenue.

      “Quoi ? Qu’est-ce qui se passe ?” demanda-t-il.

      “Cette boule, ici,” dit l’interrogateur en passant de nouveau son doigt dessus. “C’est quoi ?”

      “C’est… C’est juste un éperon osseux,” dit Reid. “Je l’ai depuis un accident de voiture, quand j’avais la vingtaine.”

      Le grand homme ne tarda pas à revenir, cette fois avec un plateau en plastique. Il le posa sur le chariot, juste à côté du détecteur de mensonges. Malgré la faible luminosité et l’angle inconfortable de sa tête, Reid put clairement voir ce qui se trouvait sur le plateau. Un nœud d’effroi lui serra l’estomac.

      Sur le chariot, se trouvaient un grand nombre d’instrument métalliques acérés.

      “Pourquoi tout ceci ?” On sentait la panique dans sa voix. Il se tortilla contre ses liens. “Mais, qu’est-ce que vous faites ?”

      L’interrogateur donna un ordre bref à la brute. Il s’avança, et la luminosité soudaine de la lampe d’examen aveugla presque Reid.

      “Attendez… Attendez !” cria-t-il. “Dites-moi au moins ce que vous voulez savoir !”

      La brute s’empara de la tête de Reid avec ses grandes mains et l’agrippa fermement, le forçant à rester immobile. L’interrogateur saisit un outil : un scalpel à fine lame.

      “S’il vous plait, non… Je vous en prie…” La respiration de Reid était saccadée. Il était presque en train d’hyperventiler.

      “Chut,” répondit calmement l’interrogateur. “Vous allez rester tranquille. Je ne voudrais pas vous couper l’oreille. Du moins, pas par accident.”

      Reid hurla alors que la lame s’enfonçait dans la peau derrière son oreille, mais la brute le maintenait immobile. Chaque muscle de ses membres se crispa.

      Un étrange bruit parvint à ses oreilles : une douce mélodie. L’interrogateur chantait tranquillement en arabe, alors qu’il découpait quelque chose derrière la tête de Reid.

      Il laissa tomber le scalpel sanglant sur le plateau, alors que Reid essayait péniblement de souffler entre ses dents. Puis, l’interrogateur s’empara d’une paire de pinces effilées.

      “Je suis navré, mais ce n’est que le début,” murmura-t-il à l’oreille de Reid. “L’étape suivante va vraiment faire mal.”

      Les pinces attrapèrent quelque chose sous la peau de Reid : était-ce son os ? Puis l’interrogateur tira dessus. Reid hurla, à l’agonie, alors qu’une douleur vive envahissait son cerveau, atteignant ses terminaisons nerveuses. Ses bras tremblaient et ses pieds cognaient contre le sol.

      La douleur ne cessa d’augmenter jusqu’à ce que Reid se dise qu’il ne pourrait plus la supporter. Du sang coulait dans son oreille et ses propres cris lui semblaient être des sons lointains. Puis, la lumière de la lampe s’estompa et sa vision s’assombrit, alors qu’il glissait vers l’inconscience.

      CHAPITRE TROIS

      À l’âge de vingt-trois ans, Reid avait eu un accident de voiture. Le feu était passé au vert et il s’était engagé sur le croisement. Un camion pick-up avait grillé le feu et avait percuté le côté passager à l’avant. Sa tête avait heurté la vitre et il était resté inconscient quelques minutes.

      Sa seule blessure avait été une fracture de l’os temporal crânien. Il s’en sortait bien : la seule preuve de l’accident était une petite excroissance derrière l’oreille. Le médecin lui avait expliqué qu’il s’agissait d’un éperon osseux.

      Le truc bizarre concernant cet accident, c’était que bien qu’il se souvienne de l’événement, il ne se rappelait aucunement la douleur ressentie, ni sur le moment, ni même après d’ailleurs.

      Mais il la sentait bien à présent. Alors qu’il reprenait connaissance, le petit morceau d’os derrière son oreille lui faisait souffrir le martyre. La lampe d’examen brillait de nouveau dans ses yeux. Il les plissa, puis poussa un léger gémissement. Le moindre petit mouvement de tête provoquait une nouvelle piqûre dans son cou.

      Soudain, son esprit fut saisi par une constatation. La lumière vive dans ses yeux n’était pas du tout celle de la lampe.

      Le soleil de l’après-midi étincelle sous un ciel bleu sans nuages. Un A-10 Warthog survole la zone, virant à droite, puis plongeant en altitude sur les toits tristes et plats de Kandahar.

      La vision n’était pas claire. Elle arrivait par flashs, comme plusieurs photos fixes dans une séquence, comme regarder quelqu’un qui danse sous un stroboscope.

      Tu te trouves sur le toit beige d’un immeuble à moitié détruit, un tiers du bâtiment ayant explosé. Tu cales le manche contre ton épaule, regarde dans le viseur, puis aperçois un homme en-dessous…

      Reid secoua la tête et gémit une nouvelle fois. Il était dans la salle bétonnée, sous l’œil inquisiteur de la lampe d’examen. Ses doigts tremblaient et ses membres étaient froids. De la sueur coulait sur son front. Il était probablement encore sous le choc. À sa gauche, il pouvait voir que sa chemise était trempée de sang au niveau de l’épaule.

      “Éperon osseux,” prononça la voix placide de l’interrogateur. Puis, il partit d’un rire sardonique. Une main fine apparut dans le champ de vision de Reid, tenant la paire de pinces effilées. Calée entre ses lames, se trouvait quelque chose de minuscule et d’argenté, mais Reid ne distinguait pas ses contours. Sa vision était floue et la pièce lui semblait tournoyer légèrement. “Savez-vous ce que c’est ?”

      Reid secoua lentement la tête.

      “J’avoue que je n’ai vu ça qu’une fois auparavant,” dit l’interrogateur. “Une puce de suppression de mémoire. C’est très utile pour les gens dans votre cas unique.” Il laissa tomber les pinces et le petit grain argenté sur le plateau en plastique.

      “Non,” grommela Reid. “Impossible.” Le dernier mot sortit à peine plus fort qu’un murmure. Suppression de mémoire ? On nageait en pleine science-fiction. Pour que ça puisse marcher, il faudrait que la totalité du système limbique du cerveau soit affectée.

      Le cinquième étage du Ritz à Madrid. Tu ajustes ta cravate noire avant de mettre un