Sophie Love

Pour L’éternité, et un Jour


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« J'espérais et souhaitais et rêvais que tu prennes contact. Je pensais qu'un jour tu reviendrais dans cet endroit, quand tu serais prête. Mais je savais aussi que tu serais en colère contre moi. Je voulais que la balle soit dans ton camp. Je voulais que tu sois celle qui prendrait contact avec moi parce que je ne voulais pas m’immiscer dans ta vie. Si étais passée à autre chose sans moi, je pensais qu'il serait préférable que la situation reste ainsi. »

      « Oh, papa », s’exclama Emily.

      Quelque chose, finalement, fut libéré d'Emily. Quelque chose dans ce dernier, ultime aveu déchirant de son père était ce qu'elle avait eu besoin de savoir tout le long. Qu'il attendait qu’elle fasse le premier pas. Il ne l'avait pas évitée, n’était pas resté caché, il lui avait laissé des indices, ayant foi qu’une fois qu'elle aurait rassemblé toutes les pièces, elle prendrait sa propre décision de savoir si elle pouvait ou non lui pardonner et lui permettre de revenir dans sa vie.

      Elle se leva et se précipita vers le canapé opposé, jetant ses bras autour de son cou. Elle sanglotait contre son épaule, des sanglots profonds qui secouaient son corps. Roy s'accrocha à elle, tremblant aussi de l'effusion de chagrin.

      « Je suis tellement désolé », dit-il en s’étranglant, la voix assourdie par ses cheveux. « Je suis tellement, tellement désolé. »

      Ils demeurèrent ainsi pendant un long moment, se tenant l’un à l’autre, versant chaque larme qui leur était nécessaire, faisant sortir jusqu’à la dernière goutte de douleur. Enfin, les pleurs cessèrent. Tout devint silencieux.

      « As-tu d'autres questions ? », dit finalement Roy avec calme. « Je ne vais plus te cacher de secrets. Je ne cacherai rien. »

      Emily se sentait épuisée, exténuée par l’émotion. La poitrine de son père se soulevait et retombait à chaque profonde respiration qu'il prenait. Elle était si fatiguée qu'elle avait l’impression de pouvoir s'endormir sur place dans ses bras. Mais en même temps, elle avait encore un million de questions qui brûlaient dans son esprit, mais une plus que les autres.

      « La nuit où Charlotte est morte… », commença-t-elle. « Maman m'a donné quelques informations, mais seulement une version de l'histoire. Qu'est-il arrivé ? »

      Les bras de Roy se raidirent autour d'elle. Emily savait qu'il était difficile pour lui de se souvenir de cette nuit-là, mais elle voulait désespérément connaître la vérité, ou au moins sa version. Peut-être pourrait-elle réunir les trois parties – celle de Patricia, de Roy, la sienne – et créer quelque chose qui ait un sens.

      « Je vous avais prises pour Thanksgiving et Noël », commença Roy. « Les choses n’allaient pas bien avec votre mère, alors elle était restée à la maison. Mais ensuite, vous avez toutes les deux attrapé la grippe. »

      « Je pense que je m’en souviens », dit Emily. Elle eut quelques souvenirs d'enfance de fièvres. « Le chien de Toni, Perséphone, était là. Je me suis effondré dans le couloir. »

      Roy hocha de la tête, mais il avait l'air embarrassé. Emily savait pourquoi ; cela avait été un tournant dans sa liaison avec Toni, le moment où il avait été assez hardi pour laisser se croiser sa maîtresse et la vie de ses enfants.

      « Tu te souviens de ta mère qui est arrivée à l’improviste ? », dit Roy.

      Emily secoua la tête.

      « Elle avait voulu être là pour s'occuper de vous deux puisque vous étiez si malade. »

      « Cela ne ressemble pas à maman », dit Emily.

      Roy rit. « Non, en effet. Peut-être était-ce une excuse. Elle soupçonnait une liaison et c'était sa façon d’agir que surgir à l’improviste et me surprendre en pleine action. »

      Emily laissa échapper un acquiescement silencieux. C'était plus le style de sa mère.

      « Tu as dû refouler la dispute parce que je suis sûr que nous crions assez fort pour qu’on entende jusqu’au port. » Il haussa les épaules. « Je ne sais pas si c'est ce qui a réveillé Charlotte. Elle était sous médicaments, qui l’avaient rendue vaseuse. Vous l’étiez toutes les deux. Mais elle s'est réveillée et je suppose qu'elle s'est perdue en nous cherchant, ou dans l’ensemble se sentait juste mal et sous médicaments. Elle a terminé dans la dépendance avec la piscine. Je suppose que tu connais le reste. »

      Emily le savait. Mais ce qu'elle ne réalisait pas, c’était combien le rôle qu’elle avait à jouer dans tout cela était infime. Ce n'était pas sa faute si elle ne s’était pas réveillée quand Charlotte l'avait fait et n’avait pas empêché sa sœur de partir errer. Ce n’était pas non plus sa faute pour avoir parlé avec enthousiasme de la nouvelle piscine et d’avoir susciter l'excitation dans l'esprit de sa sœur pour aller la voir. Elle avait été malade, confuse, peut-être même terrifiée par la dispute de ses parents. Rien de tout cela n'avait été sa faute. Rien du tout.

      Emily ressentit une soudaine libération. Un poids, dont elle n'avait même pas réalisé qu'elle le portait sur ses épaules, s’envola. Elle s'était accrochée à sa culpabilité pour la mort de Charlotte, même après que sa mère lui ait eu précisé que ce n'était pas sa faute. Maintenant, elle avait l'impression que son père lui avait donnée la permission de laisser partir cette culpabilité.

      Elle se blottit contre lui, éprouvant un nouveau sentiment de paix qui s'installait en elle.

      À cet instant-là, le silence fut brisé par le bruit de quelqu’un toquant doucement à la porte. Daniel passa la tête et jeta un coup d’œil.

      « Daniel, entrez », dit Emily en lui faisant signe. Elle voulait qu’il soit là maintenant qu'elle et son père avaient mis cartes sur table. Elle avait besoin de son soutien.

      Il approcha et se percha sur le bord du canapé en face d’eux. Emily essuya les larmes de ses cils, mais resta collée à son père, roulée en boule comme un enfant à côté de lui sur le canapé.

      « Est-ce que quelqu'un a besoin de quelque chose ? », demanda doucement Daniel. « Un mouchoir ? Un petit remontant ? »

      C'était juste ce qui était nécessaire à cet instant pour couper court à la tristesse. Emily hoqueta de rire. Elle sentit celui de Roy gronder dans son ventre.

      « Je prendrais bien un verre », dit-elle.

      « Moi aussi », répondit Roy. « Est-ce que le bar est approvisionné ? »

      Daniel prit l'initiative. « Il l’est. Allons-y. C'est tellement génial là-dedans. Je vais nous préparer des boissons. »

      Emily hésita. « Papa, c'est une bonne idée ? », dit-elle.

      « Pourquoi ça ne le serait-il pas ? », répondit Roy, l'air confus.

      Emily baissa la voix. « À cause de ton problème d'alcool. »

      Roy parut stupéfait. « Quel problème d'alcool ? » Puis son visage pâlit. « Est-ce que Patricia t’as dit que j'étais alcoolique ? »

      « Tu étais un alcoolique », répondit Emily. « Je me souviens de toi en train de boire. Tout le temps. »

      « Je buvais beaucoup », admit Roy. « Tous les deux, ta mère et moi. C'est l'une des raisons pour lesquelles notre relation était si instable. Mais je n'étais pas un alcoolique. »

      « Et les laits de poule au petit-déjeuner pour Noël ? », demanda-t-elle en se rappelant à quel point son père avait été irrité quand elle avait renversé son verre.

      « C'était juste Noël ! », s’exclama Roy.

      Une autre partie du passé d'Emily prit un nouveau sens. Elle avait cru en la version des évènements amère et biaisée de Patricia, lui avait permis de remplacer ses propres souvenirs de son père. Elle éprouva une vague de fureur envers sa mère pour avoir fait de Roy le méchant dans leur expérience la plus traumatisante.

      Ils