leur tondeuse-tracteur et il n’a pu que constater qu’ils avaient été embauchés de manière anonyme. Quand il avait essayé de suivre cette piste pour les traquer, ce n’était qu’une impasse parce que l’argent, tout simplement, ne tombait qu’une fois par an dans la boîte postale de la société et parce que tout était payé en liquide.
Empruntant le chemin usé qui courrait entre les deux maisons, Tasuki s’arrêta, incapable de stopper les souvenirs qu’il avait de Kyoko et de son frère Tama. Si Kyoko n’avait pas rencontré ce soi-disant « ange » la nuit dernière, elle ne serait jamais partie… de ça aussi, il en était certain. Il n’avait pas honte de l’admettre... il détestait cet homme pour lui avoir pris Kyoko loin de lui, mais s’il était de retour, il y avait de grandes chances pour que Kyoko le soit aussi.
Ne trouvant personne dans les parages, il se glissa à l’arrière de la propriété où la statue était enfermée à l’intérieur d’un sanctuaire. Évoluant en silence, il tourna au coin de la maison et fit un bond en arrière lorsqu’il vit de nouveau l’homme debout devant le hangar... dont les portes étaient grandes ouvertes.
L’ayant seulement vu de loin étant enfant, Tasuki put cette fois l’observer en gardant en mémoire chaque petit détail qui pouvait le caractériser : ses longs cheveux noirs avaient des reflets argentés assez prononcés et il était habillé tout aussi bizarrement que la moitié des gens qu’il avait vu travailler avec l’équipe de l’EEP. Il n’avait pas l’air normal, mais il n’avait certainement pas d’ailes sur le dos ; il réfuta donc l’idée de « l’ange » que Kyoko avait de lui.
- PAS UN GESTE ! hurla-t-il en sortant de l’ombre tout en élevant son Berretta pour viser le cœur de l’homme.
Le sourire de Toya s’élargit et il se retourna lentement pour dévisager l’homme qui pensait s’être faufilé sur lui. La contrariété se lut rapidement dans son regard lorsqu’il fit face à un retour dans le passé. Sacré Tasuki... il aurait dû se douter que les humains pourraient eux aussi rôder dans le coin. Toya fronça les sourcils lorsque ce dernier ouvrit la bouche pour lui parler :
- Je savais bien que c’était toi. Je m’en souviens très bien... tu étais ici la nuit où les démons sont arrivés. Es-tu l’un d’entre eux ? Tu as fait quelque chose à Kyoko... je t’ai vu prendre son corps inanimé, et tu oses le nier.
Toya fixa les yeux sur l’homme dont Kyoko avait toujours été raide dingue tout en riant mentalement rien qu’à penser que Tasuki ne se souvenait pas de toutes les fois où ils s’étaient rencontrés... ce qui était probablement une bonne chose. Il plissa les yeux au moment où il sentit la puissance du cristal brisé venant de Tasuki, ce qui l’énerva d’autant plus.
- C’est toi qui a le cristal, déclara Toya. Donne-le-moi.
À son tour, Tasuki fronça les sourcils :
- Hein ?
Il n’eut aucune chance d’appuyer sur la gâchette car l’homme se jeta sur lui en un éclair, le renversant à terre tout en pressant fortement le bout de ses doigts durs contre sa poitrine. Tasuki serra les mains autour du poignet de l’homme, le repoussant de toutes ses forces.
- Un ange... mon... cul, siffla Tasuki en plantant son pied dans l’estomac de l’homme. Tu agis plutôt comme un démon !
Il réussit à l’éloigner avec plus de force qu’il pensait avoir.
Toya s’envola en arrière, atterrissant sur ses pieds en dérapant sur le gazon bien entretenu. Il porta une main sur sa hanche en grognant. Alors, c’était ça, le cristal qui le protégeait ?
- Qu’as-tu fait pour faire partir Kyoko ? demanda Tasuki en tentant tant bien que mal de se relever alors que la couleur des yeux de son adversaire passa d’un doré parfait à un argenté effrayant. Il garda la tête haute au moment où leurs regards se rencontrèrent.
Toya gronda quand les yeux de Tasuki devinrent couleur améthyste.
- Toya !
Le gris argenté quitta ceux de Toya et il regarda par-dessus son épaule pour apercevoir son frère Shinbe :
- Shinbe ? Qu’est-ce que tu veux ? Tu ne vois pas que je suis en train de récupérer le cristal ?
Calmement, Shinbe inclina la tête :
- T’as pas compris qu’il faudra que tu le tues pour récupérer le cristal ? Hein ?
- Ça ne me dérange pas. D’ailleurs, on sait tous les deux que c’est un mortel, grogna Toya en grondant encore lorsqu’un coup de feu retentit. Il sentit la balle percer son épaule droite.
- Fils de pute !
Shinbe en profita pour ricaner un moment :
- Tu vois, Toya, je pense que tu le méritais bien, celui-là ! Maintenant, laisse Tasuki... on doit partir, et vite !
- Pour lui, tu serais capable de tout reprendre, dit ironiquement Toya alors que deux dagues sortirent de sa main en glissant pour creuser dans son épaule et en extraire la balle.
- Mais pourquoi partir ? On commençait tout juste à s’amuser, grogna-t-il en regardant la balle dévier sur l’herbe jusqu’aux pieds de Tasuki.
- Il arrive, lui répondit Shinbe sur un ton énigmatique.
La dague de Toya disparut et ses lèvres esquissèrent un sourire en regardant Tasuki :
- Au moins, je ne serai pas blâmé pour ça.
- Qui doit venir ? demanda Tasuki sans vraiment savoir à qui s’adresser... même si Toya aurait été la première personne à qui il aurait pu demander. Son sourire complice lui donna la chair de poule.
Shinbe lui adressa un long regard :
- Crois-moi, Tasuki... tu dois partir dès maintenant. Sinon, tu peux toujours te cacher jusqu’à ce qu’il parte.
Il reconnut le regard têtu de Tasuki lorsqu’il redressa les épaules et resserra son emprise sur l’arme. Secouant la tête, Shinbe décida de donner un petit cadeau bien utile à sa réincarnation capricieuse : en quelques gestes rapides de la main, il érigea une barrière permanente autour de Tasuki lui permettant que les ondes du cristal qu’il portait ne soient ni décelées par les démons, ni par toute autre personne. Il soupira mentalement en pensant qu’il était déjà trop tard pour cacher ce petit détail à Toya.
Tasuki ouvrit les yeux en grand lorsque la pierre d’améthyste de Shinbe se mit à briller doucement et qu’il disparut avec celui qui s’appelait Toya. Son regard se baissa au niveau de ses mains puis du reste de son corps alors qu’une légère lumière couleur améthyste se mit à suivre les contours de sa silhouette avant de s’éteindre.
- Peut-être que cela t’aidera à rester en vie cette fois, fit la voix de Shinbe, comme un écho à l’intérieur de sa tête avant de disparaître.
- Cette fois ? demanda Tasuki, confus. Il tressaillit lorsque la porte du hangar se ferma en claquant. Un pressentiment soudain s’abattit et il aurait juré avoir vu le ciel s’assombrir en plusieurs nuances.
Ensuite, Tasuki ne put contrôler le besoin urgent d’aller se cacher dans l’ombre des arbres qui étaient derrière lui. Il s’accroupit, à moitié caché derrière deux troncs d’arbres pour pouvoir être capable de voir ce qu’il se passait.
Il fut glacé jusqu’aux os quand il vit un homme aux longs cheveux noirs apparaître de nulle part au milieu de la cour arrière. L’air s’arrêta dans sa poitrine comme une peur accablante et un calme absolu le figea sur place. C’était lui… l’homme de ses cauchemars se tenait à seulement quelques mètres de sa cachette.
Hyakuhei se dirigea vers le hangar le visage concentré. Il était pourtant certain d’avoir senti la présence d’un talisman, mais ce sentiment s’estompa très vite. Il pensait qu’il s’agissait là d’une belle coïncidence : en effet, comment un