police. “Et si on en appelait un avant d’aller déjeuner ?”
“Il faut que je file à la banque”, dit Reid. “Je vous retrouve au poste, d’accord ?”
“OK. On dirait qu’on va se retrouver seuls, Jessie”, dit Hernandez. “Aimeriez-vous un hot dog ? J’ai vu un vendeur de l’autre côté de la rue.”
“Je crois que je vais le regretter mais je vais quand même en manger un pour ne pas avoir l’air d’une mauviette.”
“Vous savez”, précisa-t-il, “si vous dites que vous ne le faites que pour ne pas passer pour une mauviette, tout le monde comprendra la manœuvre. C’est un peu une tactique de mauviette. Simple conseil de pro.”
“Merci, Hernandez”, répondit Jessie. “J’apprends plein de nouvelles choses, aujourd’hui.”
“On appelle ça la formation sur le terrain”, dit-il en continuant à la taquiner pendant qu’ils remontaient vers la grande rue. “En plus, si vous prenez des oignons et des poivrons avec votre hot-dog, ça vous fera peut-être une bonne réputation.”
“Génial”, dit Jessie en faisant la grimace. “Qu’en pense votre femme quand vous êtes allongé à côté d’elle et que vous sentez le hot-dog ?”
“Ce n’est pas vraiment un problème”, dit Hernandez avant de se tourner vers le vendeur pour lui commander son hot-dog.
Jessie fut surprise par quelque chose dans la réponse d’Hernandez. Quand sa femme était au lit, elle était peut-être indifférente à l’odeur des oignons et des poivrons mais, d’après son ton, on pouvait penser que ce n’était pas vraiment un problème parce qu’il ne couchait plus dans le même lit que sa femme ces temps-ci.
Malgré sa curiosité, Jessie n’insista pas. Elle connaissait à peine cet homme. Elle n’allait pas l’interroger sur l’état de son couple mais elle aurait bien voulu trouver d’une façon ou d’une autre si elle avait deviné de travers ou si elle avait bien soupçonné.
Elle se rendit compte que le vendeur la regardait parce qu’il voulait qu’elle passe sa commande. Elle regarda le hot-dog d’Hernandez, qui débordait d’oignons, de poivrons et de ce qui devait être de la sauce salsa. L’inspecteur la fixait, visiblement prêt à se moquer d’elle.
“Je veux la même chose que lui”, dit-elle. “Exactement la même chose.”
*
Quand ils furent de retour au poste quelques heures plus tard et que Jessie sortit des toilettes des femmes pour la troisième fois, Hernandez approcha d’elle avec un grand sourire. Elle se força à avoir l’air détendue et ignora le gargouillis désagréable qu’elle avait au ventre.
“Bonne nouvelle”, dit-il, heureusement inconscient de l’inconfort de Jessie. “On nous a dit que quelqu’un avait été intercepté il y a quelques minutes de cela avec des Hardwood d’une taille qui correspondait à celle des pieds de Lionel, qui chaussait du quarante-neuf. La personne qui portait les chaussures de sport avait des pieds de taille quarante-deux. Donc, vous voyez, c’était un peu louche. Bien vu.”
“Merci”, dit Jessie en essayant de faire comme si ce n’était pas grand-chose. “Est-ce que le médecin légiste a fourni une cause possible de décès ?”
“On n’a rien d’officiel pour l’instant mais, quand ils ont retourné Lionel, ils ont trouvé une énorme vergeture à l’arrière de sa tête. Donc, ça pourrait être un hématome sous-dural. Cela expliquerait le manque de sang.”
“Excellent”, dit Jessie, heureuse que sa théorie semble avoir été la bonne.
“Oui, mais sa famille ne se réjouit pas, elle. Sa mère est venue ici pour identifier le corps et, apparemment, elle est complètement décomposée. Elle est célibataire. Je me souviens avoir lu dans un article sur son fils qu’elle avait trois boulots quand Lionel était enfant. Elle a dû penser qu’elle pourrait travailler moins quand il serait riche mais j’imagine que ça ne va pas se passer comme ça.”
Comme Jessie ne savait pas quoi répondre, elle se contenta de hocher la tête en silence.
“J’en ai fini pour aujourd’hui”, dit brusquement Hernandez. “On va boire un coup à plusieurs. Tu peux venir si tu veux. Je te dois vraiment une tournée.”
“J’aimerais bien mais je dois aller en boîte avec ma coloc ce soir. Elle pense qu’il est temps que je me remette à draguer.”
“Et toi, qu’en penses-tu ?” demanda Hernandez en levant les sourcils.
“Je pense qu’elle est implacable et qu’elle ne me laissera pas tranquille tant que je n’y serai pas allée au moins une fois, même si on est lundi. Ça devrait me laisser quelques semaines de sursis avant qu’elle recommence à me tanner.”
“Eh bien, amuse-toi”, dit-il en essayant d’avoir l’air optimiste.
“Merci. Je suis sûre que je vais m’ennuyer.”
CHAPITRE SIX
Le club était sombre et bruyant et Jessie sentait venir un mal au crâne.
Une heure auparavant, quand elle et Lacy s’étaient préparées, les choses avaient semblé beaucoup plus prometteuses. L’enthousiasme de sa coloc était contagieux et Jessie avait presque été impatiente que la soirée commence quand elles avaient revêtu leurs robes et s’étaient coiffées.
Quand elle quittèrent l’appartement, Jessie pensait comme Lacy qu’elle avait l’air “vraiment sexy”. Elle portait sa jupe rouge fendue le long de la cuisse, celle qu’elle n’avait jamais pu mettre pendant son séjour bref mais tumultueux dans sa banlieue du Comté d’Orange. Elle portait aussi un haut sans manches noir qui mettait en valeur les muscles qu’elle avait acquis pendant sa kinésithérapie.
Elle avait même daigné mettre une paire d’escarpins noirs aux talons de sept centimètres qui faisaient officiellement d’elle un membre du club des Amazones avec Lacy en lui faisant dépasser le mètre quatre-vingt-deux. Au début, elle avait coiffé ses cheveux marron vers le haut mais son imprésario l’avait convaincue de les laisser tomber pour qu’ils tombent en cascade le long de ses épaules jusqu’au haut de son dos. Quand elle se regarda dans le miroir, elle ne trouva pas Lacy complètement ridicule quand elle dit qu’elles ressemblaient à deux mannequins qui allaient s’encanailler pour la soirée.
Cependant, une heure plus tard, son humeur s’était assombrie. Lacy s’amusait énormément en flirtant joyeusement avec des gars qui ne l’intéressaient pas et en flirtant sérieusement avec des filles qui l’intéressaient vraiment. Jessie se retrouva au bar, en train de parler au barman, qui avait visiblement l’habitude de parler aux filles qui ne connaissaient pas l’endroit.
Jessie n’aurait pas pu dire quand elle était devenue aussi gauche. Il était vrai que cela faisait presque dix ans qu’elle n’était plus célibataire mais elle et Kyle étaient allés à exactement cette sorte de club quand ils avaient vécu ici, avant qu’ils ne déménagent à Westport Beach, et elle ne s’était jamais sentie aussi déplacée.
En fait, autrefois, elle adorait visiter les nouveaux clubs, bars et restaurants du centre-ville de Los Angeles, que les locaux appelaient DTLA. Il semblait y en avoir un nouveau toutes les semaines. Jessie et Kyle allaient dans un de ces endroits, essayaient les menus ou les boissons les moins conventionnels puis dansaient comme des fous au centre du club sans tenir compte des regards méprisants que cela leur attirait. Kyle ne lui manquait pas mais elle devait bien admettre qu’elle regrettait la vie qu’ils avaient partagée avant que tout ne parte à vau-l’eau.
Un jeune homme qui ne devait guère avoir plus de vingt-cinq ans se faufila à côté d’elle et s’assit sur le siège vide qui se trouvait à sa gauche. Elle l’évalua rapidement et discrètement