les choses de cette façon, le comportement froid de Crivaro commençait à prendre tout son sens. Il n’avait pas voulu montrer le moindre favoritisme à son égard. En fait, il était allé à l’autre extrême. Il comptait sur elle pour se montrer digne de sa place sans aucun encouragement de sa part, et malgré les doutes et les ressentiments de ses collègues.
Et à en juger par les regards et les chuchotements qu’elle avait remarqués parmi d’autres stagiaires durant la journée, les collègues de Crivaro n’étaient pas les seuls à nourrir ces ressentiments. Elle allait devoir réaliser des exploits ne serait-ce que pour valider un succès même modeste.
Et elle avait tout gâché en une après-midi, d’une manière stupide. Crivaro avait de bonnes raisons d’être déçu et en colère.
Elle prit une longue et lente inspiration.
— Je suis désolée, ça n’arrivera plus.
Crivaro resta silencieux quelques instants.
Finalement il ajouta…
— Je suppose que vous voulez une seconde chance. Eh bien, laissez-moi vous dire que ce n’est pas la spécialité du FBI. Mon dernier partenaire s’est fait virer pour avoir commis le même genre d’erreur, et il le méritait vraiment. Une telle erreur a des conséquences. Parfois, ça veut juste dire ruiner une affaire et permettre à un sale type de s’en sortir indemne. Parfois, ça coûte la vie à quelqu’un. Cela peut vous coûter la vie.
Crivaro la regarda d’un air renfrogné.
— Alors que pensez-vous que je doive faire ? lui demanda-t-il.
— Je ne sais pas, dit Riley.
Crivaro secoua la tête…
— Je ne sais pas non plus. J’imagine qu’on va devoir y réfléchir tous les deux. Je dois décider si j’ai mal jugé de vos capacités. Vous devez décider si vous avez vraiment ce qu’il faut pour rester dans ce programme.
Riley sentit une boule dans sa gorge, et ses yeux commencèrent à piquer.
Ne pleure pas, se dit-elle.
Pleurer à ce stade serait la seule réaction capable d’empirer encore les choses.
CHAPITRE CINQ
Toujours piquée par le sermon de Crivaro, Riley arriva à l’appartement deux heures avant Ryan. Quand Ryan arriva, il eut l’air surpris de la voir rentrée si tôt, mais il était trop excité par sa propre journée pour remarquer à quel point elle était bouleversée.
Ryan s’assit à la table de la cuisine avec une bière pendant que Riley réchauffait les macaronis au fromage de leur repas télé. Elle pouvait deviner qu’il était vraiment excité par tout ce qu’il avait fait au cabinet d’avocats et qu’il avait hâte de tout lui raconter. Elle essaya de lui prêter attention.
On lui avait confié plus de tâches qu’il ne s’y attendait ; beaucoup de recherches et d’analyses complexes, la rédaction de mémoires, la préparation aux litiges et d’autres tâches que Riley comprenait à peine. Il devait même comparaître dans une salle d’audience demain pour la toute première fois. Il n’allait qu’assister les avocats en chef, bien sûr, mais c’était une étape importante pour lui.
Ryan semblait nerveux, découragé, peut-être un peu effrayé, mais par-dessus tout exalté.
Riley essaya de continuer à sourire tandis qu’ils s’asseyaient et commencèrent le repas. Elle voulait être heureuse pour lui.
Finalement, Ryan demanda...
— Waouh, écoute-moi parler. Et toi, dis-moi ? Comment s’est passée ta journée ?
Riley avala difficilement.
— Ça aurait pu être mieux, dit-elle. En fait, c’était plutôt horrible.
Ryan se pencha par-dessus la table et lui prit la main avec une expression d’inquiétude sincère.
— Je suis désolé, dit-il. Tu veux en parler ?
Riley se demandait si le fait d’en parler lui ferait du bien.
Non, je ne ferais que pleurer.
De plus, Ryan pourrait ne pas être ravi d’apprendre qu’elle avait été sur le terrain aujourd’hui. Ils avaient été tous les deux persuadés qu’elle s’entraînerait en toute sécurité à l’intérieur. Non pas qu’elle ait été en danger...
— Je préfère ne pas entrer dans les détails, dit Riley. Mais tu te souviens de l’agent spécial Crivaro, l’homme du FBI qui m’a sauvé la vie à Lanton ?
Ryan hocha la tête.
Riley poursuivit…
— Eh bien, il était censé être mon mentor. Mais il doute maintenant de mes capacités à faire partie du programme. Et... Je suppose que j’ai aussi des doutes. Peut-être que tout ça était une erreur.
Ryan lui serra la main sans un mot.
Riley aurait aimé qu’il parle. Mais que voulait-elle qu’il dise ?
Qu’attendait-elle qu’il lui dise ?
Après tout, Ryan ne s’était jamais montré très enthousiaste à l’idée que Riley fasse partie du programme. Il serait probablement heureux qu’elle abandonne ou se fasse virer.
— Ecoute, dit finalement Ryan, ce n’est peut-être pas le bon moment pour que tu fasses ça. Je veux dire, tu es enceinte, on vient juste d’emménager, et je ne fais que débuter chez Parsons et Rittenhouse. Peut-être que tu devrais attendre jusqu’à ce que...
— Attendre jusqu’à quand ? dit Riley. Jusqu’à ce que je sois une mère élevant son enfant ? Comment est-ce que ça peut fonctionner ?
Les yeux de Ryan s’élargirent au ton amer de Riley. Riley elle-même fut surprise par le son de sa voix.
— Je suis désolée, dit-elle. Je ne voulais pas dire ça comme ça.
— Riley, reprit calmement Ryan. Tu vas être une mère élevant son enfant. Nous allons être parents. C’est une réalité avec laquelle nous allons devoir composer, que tu restes en stage ou non cet été.
Riley eut tout le mal du monde à ne pas pleurer maintenant. L’avenir semblait si sombre et incertain.
— Qu’est-ce que je vais faire si je ne suis pas retenue dans le programme ? Je ne peux pas rester assise dans cet appartement toute la journée.
Ryan haussa légèrement les épaules.
— Eh bien, tu peux toujours trouver un travail, quelque chose d’alimentaire. Peut-être un temps partiel, quelque chose que tu peux laisser tomber à la minute où tu seras lassée. Tu as toute la vie devant toi. Tu as tout le temps de trouver ce que tu veux vraiment faire. Mais d’ici peu, je pourrais réussir assez pour que tu n’aies pas à travailler du tout si tu n’en as pas envie.
Ils restèrent silencieux tous les deux un moment.
Puis Riley dit…
— Alors tu penses que je devrais laisser tomber ?
— Ce que je pense n’a pas d’importance, dit Ryan. C’est ta décision. Et quoi que tu décides, je ferai de mon mieux pour te soutenir.
Ils ne parlèrent pas beaucoup plus jusqu’à la fin du repas. Après avoir mangé, ils regardèrent la télé un moment. Riley ne parvenait pas vraiment à se concentrer sur ce qui se passait à l’écran. Elle n’arrêtait pas de penser à ce que l’agent Crivaro avait dit...
« Vous devez décider si vous avez vraiment ce qu’il faut pour rester dans ce programme. »
Plus Riley y pensait, plus elle était en proie au doute et à l’incertitude.