Фиона Грейс

Meurtre au Manoir


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la table.

      “Je ne pourrais jamais manger tout ça !” s'exclama Lacey.

      “C’est pour deux. Cadeau de la maison. On invite toujours une dame lors d'un premier rendez-vous.”

      Il s'installa à ses côtés.

      Sa spontanéité prenait Lacey de court. Son cœur s'emballait. Cela faisait bien longtemps qu'un homme n'avait pas cherché à la séduire. Elle se sentait une âme d'adolescente. Une certaine gêne.

      Il s'agissait peut-être d'un comportement typiquement britannique. Les Anglais se comportaient tous de la sorte ?

      “Un premier rendez-vous ?” répéta-t-elle.

      La cloche tinta avant que Tom ne puisse répondre. Une dizaine de touristes japonais s'engouffra dans la boutique, Tom se leva d'un bond.

      “Oh oh, des clients,” s'adressant à Lacey, “on remet ça pour plus tard, ok ?”

      Tom se dirigea vers le comptoir avec son assurance coutumière, Lacey ne savait que dire.

      La boutique bruyante et animée était envahie de touristes. Lacey essaya d'accrocher Tom du regard tout en engloutissant son en-cas mais c'était en pure perte, trop occupé qu'il était à préparer les commandes des nombreux clients.

      Elle voulut le saluer une fois terminé mais il était en cuisine, hors de sa vue.

      Quelque peu déçue et le ventre trop plein, Lacey franchit la porte de la pâtisserie et se retrouva dans la rue.

       Elle s'arrêta net. La devanture d’un magasin vide, situé face à la pâtisserie, l'attirait. Une vague d'émotions s'empara d'elle, le souffle littéralement coupé. Une réminiscence du passé était liée à cette boutique, enfouie au plus profond de ses souvenirs d'enfants. Elle devait en avoir le cœur net.

      CHAPITRE QUATRE

      Lacey regarda par la vitrine du magasin, d'autres souvenirs remonteraient peut-être, mais rien de concret. C'était plus un sentiment qu'autre chose, plus profond que de la simple nostalgie, comme un coup de foudre.

      L'intérieur de la boutique était vide et sombre. Le parquet était en bois clair, Lacey apercevait de nombreuses étagères dans différentes alcôves, un grand bureau en bois contre un mur. Le lustre était en laiton, une pièce ancienne. Hors de prix. Ils ont dû l'oublier.

      Lacey s'aperçut que la porte était ouverte. Elle ne put s'empêcher d’entrer.

      La pièce était imprégnée d'une odeur métallique, mélange de poussière et moisi. Une nouvelle vague de nostalgie envahit Lacey. L’odeur lui rappelait le magasin d’antiquités paternel.

      Elle adorait cet endroit. Enfant, elle passait tout son temps dans ce dédale de trésors, à jouer avec ces effrayantes anciennes poupées en porcelaines, à lire toutes les bandes dessinées enfantines qui lui tombaient sous la main, de Bunty à Beano, en passant par les rares et précieux exemplaires de L'Ours Rupert. Mais ce que Lacey préférait, c'était regarder les bibelots, imaginer la vie, la personnalité des précédents propriétaires. Un vrai bric à brac, des gadgets, des babioles, et toujours cette odeur indéfinissable de poussière et de métal.

      Le Crag Cottage avait réveillé un rêve d'enfant - vivre au bord de la mer - un autre rêve refaisait surface : ouvrir sa boutique.

      La configuration lui rappelait l’ancienne boutique de son père. Des images puisées au fin fond de sa mémoire lui venaient à l'esprit, semblable à du papier calque sur un dessin existant. Lacey imaginait déjà de beaux objets sur les étagères – des ustensiles de cuisine de l’ère victorienne notamment, son père s'y intéressait tout particulièrement – la lourde et encombrante caisse enregistreuse en laiton, aux touches raides, que son père persistait à utiliser pour “garder l'esprit vif” et “faire du calcul mental” trônerait sur le comptoir. Elle sourit en se remémorant les paroles de son père, à l'évocation de ces souvenirs.

      Lacey était trop absorbée dans sa rêverie pour prêter attention aux pas dans l’arrière-boutique. Elle ne remarqua pas l'homme qui avait franchi la porte – visiblement mécontent – et venait droit sur elle. Lacey réalisa qu'elle n'était pas seule en sentant une petite tape sur son épaule.

      Son cœur bondit dans sa poitrine, elle faillit crier, fit volte-face et se retrouva face à un étranger. Un homme âgé aux rares cheveux blancs, des cernes violettes donnaient un air bouffi à ses yeux d'un bleu perçant.

      “Vous cherchez quelque chose ?” demanda-t-il d'un ton peu amène.

      Lacey porta la main à son cœur. Il lui fallut un certain temps pour se remettre, le fantôme paternel ne lui avait pas tapé sur l’épaule, elle n’était plus une enfant dans le magasin d’antiquités de son père, mais une adulte en vacances en Angleterre, entrée sans autorisation dans une propriété privée.

      “Oh mon Dieu, je suis sincèrement désolée !” s'exclama-t-elle. “J’ignorais qu’il y avait quelqu'un. C'était ouvert.”

      L'homme lui coula un regard sceptique. “Vous ne voyez pas que le magasin est vide ? Il n'y a rien à vendre.”

      “Je sais,” avoua Lacey, en tentant désespérément de se justifier et dissiper la méfiance du vieil homme. “C'est plus fort que moi. Cet endroit me rappelle tant la boutique de mon père.” Lacey avait les larmes aux yeux. “Il a disparu alors que je n'étais qu'une enfant.”

      L'attitude du vieil homme changea radicalement. Son attitude renfrognée et sur la défensive cédé la place à la douceur et la bienveillance.

      “Pauvre petite,” dit-il gentiment tandis que Lacey essuyait ses larmes. “Ce n'est rien. Votre père possédait un magasin similaire ?”

      Lacey s'en voulait d'avoir donné libre cours à ses émotions devant cet homme, il avait agi en fin psychologue, avec compassion, la réconfortant, sans porter de jugement, au lieu d'appeler la police pour violation de propriété. Lacey lui ouvrit son cœur.

      “Il possédait une boutique d'antiquités,” expliqua-t-elle le sourire aux lèvres tandis que ses larmes coulaient. “L'odeur est la même, tout m’est revenu en mémoire d'un coup. Le magasin était agencé de la même manière.” Elle indiqua la pièce par laquelle l'homme était entré. “L’arrière-boutique faisait office de stockage, il avait toujours voulu en faire une salle des ventes. Elle était tout en longueur et donnait sur un jardin.”

      L'homme souriait. “Venez voir. L'arrière-boutique est tout en longueur et donne elle aussi sur un jardin.”

      Touchée par tant d'empathie, Lacey suivit l'homme dans l'arrière-boutique longue et étroite, semblable à un wagon, quasiment identique à celle où son père rêvait d'organiser ses enchères. Lacey traversa la pièce qui débouchait sur un jardin splendide assez étroit d'environ quinze mètres de long. Une débauche de plantes et de couleurs, des arbres et des arbustes astucieusement plantés dispensaient une ombre bienfaitrice. Une clôture à mi-hauteur séparait le jardin voisin faisant office de stockage, de gros abris de jardin moches et gris et des poubelles alignées offraient un contraste saisissant avec le magnifique jardin.

      Lacey admirait le charmant jardin.

      “C'est superbe.”

      “En effet,” avoua l’homme en redressant un pot de fleurs. “Les précédents locataires y habitaient, une boutique de jardinage. ”

      Lacey remarqua immédiatement le ton mélancolique du vieil homme. Les portes de la serre étaient grandes ouvertes, plusieurs plantes étaient jetées au sol, les tiges piétinées, la terre renversée. Elle était intriguée. Voir ces plantes éparpillées dans un jardin si bien entretenu était pour le moins étrange. Elle oublia son père et se concentra sur l'instant présent.

      “Que s'est-il passé ?”

      Le vieil homme était abattu.