coupa la communication, activa la caméra de son téléphone, le glissa dans la poche de sa chemise de façon à ce que l’objectif dépasse légèrement, et posa trois grands verres sur un plateau d’aluminium. Il déboucha trois bouteilles de bière et en disposa une à côté de chaque verre. Il souleva le plateau de sa main droite, respira un grand coup et se dirigea vers la table occupée par les trois convives.
— J’espère que cette marque vous conviendra, dit-il en servant les boissons. Nous n’avons malheureusement pas beaucoup de choix. Ici, les lois sont très sévères en matière d’alcool.
— Oui, oui, ne t’inquiète pas, dit le gros en attrapant une bouteille qu’il vida dans son verre, le remplissant de mousse.
L'homme, mettant tout son soin à se placer juste en face du général, prit un verre, l’inclina légèrement et y versa délicatement une petite moitié de la bouteille. Puis il fit de même avec le verre du maigre, et s’écria :
— C’est comme ça qu’on fait. Ce n’est pas un pauvre Irakien qui va devoir apprendre à trois Américains comment on sert la bière, non ?
Un gros éclat de rire spontané partit de la table, et les trois convives, levant leur verre, les firent tinter dans un toast qui devait leur porter chance.
Le propriétaire, après avoir ébauché son salut habituel, se retira en cuisine. Dès qu’il en eut franchi le seuil et qu’il se fut assuré que personne ne le regardait, il regarda son portable pour vérifier la qualité du film. Les images tremblaient un peu, mais le visage épais du général Campbell était bien visible. Il envoya aussitôt le film au numéro qu’il avait appelé auparavant et attendit patiemment. Moins d’une minute après, la légère vibration de son téléphone l’avertit d’un appel.
— C’est lui, dit la voix à l’autre bout du fil. On sera là dans une heure au plus tard. Ne les laisse partir sous aucun prétexte.
— Ils viennent juste d’arriver et ils n’ont pas encore commencé à manger. Vous avez largement le temps.
Et il raccrocha.
Vaisseau Théos — L'amiral
Élisa regardait encore l’étrange petit objet qu’Atzakis avait laissé tomber dans sa main, quand la porte de la capsule de transport interne numéro six s’ouvrit. Pétri en sortit, rayonnant, le téléphone du colonel à la main.
— J’ai réussi ! s’exclama-t-il. Enfin, j’espère.
Il rejoignit rapidement les autres au centre du pont de commandement, et expliqua :
— C’est un système franchement dépassé, mais je pense que j’ai compris le principe de fonctionnement. Je me suis connecté à un de ces satellites qui tournent autour de la planète sur une orbite plus basse que la nôtre et je crois qu’on peut maintenant passer un « appel ».
— Tu es le meilleur, compagnon, s’écria Atzakis. J’étais sûr que tu réussirais.
— Avant de crier victoire, voyons si ça fonctionne vraiment, dit Jack, récupérant son téléphone des mains de l’extraterrestre.
Le colonel en observa attentivement l’écran, puis dit, émerveillé :
— Incroyable, il y a trois barres de réseau.
— Allez, essaie ! lui dit Élisa, tout excitée.
Jack parcourut rapidement son répertoire et trouva le numéro de l’amiral Wilson. Un doute l’assaillit cependant :
— Mais quelle heure est-il à Washington ?
— Voyons, il devrait être deux heures et demi, répondit Élisa après avoir jeté un coup d’œil à sa montre.
— C’est bon, j’essaie, alors.
Jack prit une profonde inspiration puis appuya sur la touche « APPEL ».
Le téléphone sonnait. Incroyable.
Il attendit patiemment, et ce n’est qu’au bout de la septième sonnerie qu’une voix rauque et profonde répondit :
— Amiral Benjamin Wilson, qui est à l’appareil ?
— Amiral. C’est Jack Hudson. Vous m’entendez ?
— Bien sûr, mon garçon, je t’entends parfaitement. C’est un plaisir d’entendre ta voix depuis tout ce temps. Tout va bien ?
— Amiral… Oui, oui, merci.
Jack était extrêmement embarrassé et ne savait pas par où commencer.
— Je vous dérange pour une question de la plus grande importance, mais qui a quelque chose d’invraisemblable.
— Bigre, mon garçon, ne me mets pas sur le grill comme ça. Que diable se passe-t-il ?
— Eh bien, ce n’est pas facile à expliquer. Vous me faites confiance, n’est-ce pas ?
— Mais évidemment, quelle question.
— Ce que je vais vous dire pourra vous sembler insensé, mais je vous assure que ce n’est que la pure vérité.
— Jack, si tu ne me dis pas tout de suite de quoi il s’agit, mon pauvre vieux cœur pourrait s’arrêter.
— D’accord.
Jack fit une petite pause, puis dit d’une seule traite :
— Je me trouve en ce moment en orbite autour de la Terre. Je suis sur un vaisseau extraterrestre et j’ai des informations terribles à communiquer directement au président des États-Unis. Vous êtes la seule personne en qui j’ai confiance et qui pourrait me mettre en contact avec lui. Je vous jure sur feu mon cher père que ce n’est pas une plaisanterie.
De très longues secondes passèrent, pendant lesquelles aucun son ne sortit du haut-parleur du téléphone. Jack eut un instant peur que l’amiral n’ait eu une attaque. Puis la voix rauque à l’autre bout du fil dit :
— Mais tu m’appelles vraiment de là-haut ? Et comment diable fais-tu ?
Wilson est un type incroyable. Au lieu de s’inquiéter des extraterrestres, il se demande comment je peux utiliser mon portable d’ici… Exceptionnel…
— Eh bien, avec leur technologie, ils ont réussi à établir une espèce de connexion avec un satellite de télécommunications. Je ne peux pas vous en dire beaucoup plus.
— Des extraterrestres. Mais d’où viennent-ils ? Et qu’est-ce que c’est que cette catastrophe imminente ? Et puis pourquoi ils t’ont emmené, précisément toi ?
— Amiral, c’est une longue histoire, et j’espère vivement avoir le temps de vous la raconter, mais pour l’instant le plus important est que vous me mettiez en contact avec le président.
— Mon garçon, j’ai une confiance aveugle en toi, mais pour que notre cher président digère une chose pareille, il me faudra un peu plus que ton coup de fil.
— Je m’en doutais, et c’est normal, répondit Jack. Et si je vous disais qu’en ce moment, vous êtes assis sur un fauteuil marron foncé et que vous avez un exemplaire du New York Times sur les genoux, mes affirmations vous sembleraient plus convaincantes ?
Pétri avait réussi à relever les coordonnées de l’amiral par le signal qu’émettait son téléphone, avait positionné le Théos au zénith de la ville et avait activé les senseurs à courte portée en les pointant directement sur la source des émissions.
— Par tous les diables, s’écria l’amiral en sautant sur ses pieds et en faisant tomber le journal. Mais comment le sais-tu ? Il ne peut pas y avoir de caméras dissimulées ici. Des détecteurs passent mon bureau au peigne fin tous les jours.
— En fait, ce n’est pas avec une « caméra » que nous