pour l’instant, dit Ryan. Le corps a été découvert par une femme de chambre il y a moins d’une heure ; c’est un homme de la quarantaine, nu. Le portefeuille était vide : ni carte d’identité ni cartes de crédit ni liquide. La cause initiale du décès semble être la strangulation.
– Ne peuvent-ils l’identifier en cherchant qui a réservé la chambre ?
– C’est un peu bizarre, ça aussi. Apparemment, la carte qui a été utilisée pour réserver la chambre est celle d’une société écran. Quant au nom inscrit sur le registre, c’est John Smith. Je suis sûr qu’on trouvera qui c’est mais, pour l’instant, nous avons une victime inconnue.
Ils arrivèrent au grand Bonaventure Hotel, avec ses plusieurs tours et ses célèbres ascenseurs extérieurs, qui avaient été rendus célèbres par le film Dans la ligne de mire. Ryan montra son badge pour passer la barricade des policiers et s’arrêta près de l’entrée du quai de chargement.
Un agent de police en uniforme les accueillit, les emmena au monte-charge et, de là, dans l’énorme hall central. Quand ils le traversèrent pour se rendre aux ascenseurs principaux, Jessie ne put s’empêcher d’être stupéfiée par la taille et le nombre d’atriums, de halls et d’escaliers qui se croisaient les uns les autres. C’était comme si l’endroit avait été expressément conçu pour qu’on s’y perde.
Suivant Ryan et l’agent de police, elle prit son temps, laissa partir les complications de la matinée et se concentra sur sa tâche actuelle. Son travail était de profiler ce crime, de déterminer quels pouvaient être les coupables potentiels. Cela signifiait qu’il fallait qu’elle prenne conscience du cadre dans lequel le crime avait eu lieu, pas juste la chambre mais aussi l’hôtel. Il était possible qu’il s’y soit passé une chose qui, bien qu’ayant eu lieu hors de la chambre, aurait pu avoir une influence sur les événements qui s’étaient déroulés dans cette chambre. Elle ne pouvait rien ignorer.
Ils passèrent un groupe de touristes qui, excités, se dirigeaient vers une sortie dans une tenue qui suggérait qu’ils allaient à un parc d’attractions célèbre. Juste derrière eux, dans un open bar circulaire qui s’appelait le Lobby Court, plusieurs hommes en costume commençaient à boire tôt. Quelques hommes costauds en blazers bleus identiques allaient çà et là. Avec leurs oreillettes, ils appartenaient manifestement à la sécurité. Jessie ne put décider si leur but était d’être authentiquement discrets ou juste d’en donner l’impression.
Quand ils atteignirent les ascenseurs, un des hommes en blazer se joignit à eux et attendit en silence qu’un autre arrive.
– Comment se passe votre matinée ? lui demanda joyeusement Jessie, incapable d’accorder à l’homme la solennité qu’il cherchait visiblement à inspirer.
Il hocha la tête mais ne dit rien.
– Vous finissez votre service ou vous le commencez ? insista-t-elle d’un ton plus sévère, agacée qu’il ne réponde pas.
Il la regarda, puis regarda Ryan, qui le contempla froidement. Alors, il répondit à contrecœur.
– J’ai commencé à six heures. Nous avons reçu l’appel de la femme de chambre à sept heures, dit-il pour répondre à la question implicite de Jessie.
– Pourquoi les femmes de ménage sont-elles allées dans la chambre si tôt ? demanda Jessie. Y avait-il une demande de nettoyage sur la poignée de porte ?
– Elle a dit qu’une odeur venait de la chambre.
Jessie se tourna vers Ryan, qui avait une expression résignée.
– Quel début de matinée, dit-elle en lisant dans ses pensées.
L’ascenseur arriva et ils y entrèrent. Le garde les accompagna au quatorzième étage. Quand ils montèrent, Jessie ne put s’empêcher de s’émerveiller devant la vue. L’ascenseur faisait face à Hollywood Hills et, par cette matinée assez claire, le panneau blanc « Hollywood » leur renvoyait son éclat et donnait l’impression d’être assez proche pour qu’on le touche. L’Observatoire Griffith était niché aux alentours, au sommet d’une colline du parc. Divers studios d’enregistrement parsemaient l’espace intermédiaire et il y avait des milliers de véhicules dans les rues embouteillées.
Un ding mélodieux la remmena au moment présent et Jessie sortit, suivant le garde et Ryan vers le fond du hall. Alors qu’ils n’étaient qu’à mi-chemin, Jessie sentit ce qui avait dû attirer l’attention de la femme de chambre.
C’était l’odeur de gaz putrides et pleins de bactéries qui, venant du corps de la victime, s’accumulaient puis en sortaient, souvent avec des liquides tout aussi malodorants. Même si c’était toujours désagréable, Jessie s’y était quelque peu habituée. Elle ne pensait pas qu’une femme de chambre connaîtrait aussi bien cette odeur ou la tolérerait aussi facilement.
Un agent de police qui attendait devant la porte reconnut Ryan et tendit, à lui et à Jessie, des pantoufles en plastique. Alors, il souleva le ruban de la police pour qu’ils puissent entrer. Jessie ressentit une satisfaction dont elle reconnut la petitesse quand l’agent de police refusa de laisser entrer le garde de la sécurité de l’hôtel.
Une fois à l’intérieur, elle resta à côté de la porte et examina la scène. Plusieurs techniciens de la scène de crime prenaient des photos et relevaient les empreintes digitales présentes dans la chambre. Plusieurs petites marques dans la moquette avaient été notées et on leur avait attribué des numéros de preuves.
Le corps gisait sur le lit, nu, gonflé et découvert. La description initiale de la victime semblait exacte. L’homme paraissait avoir une quarante d’années. Quand Jessie se rapprocha, elle constata clairement qu’il avait effectivement été étranglé. Des marques de doigts violacées et bleuâtres lui couvraient le cou, même si l’on remarquait qu’il n’y avait ni marques ni coupures susceptibles de suggérer que l’assassin y avait planté les ongles.
L’homme était en un état décent, si l’on oubliait le gonflement. Il était visiblement riche. Ses ongles des doigts avaient été récemment manucurés, une greffe de cheveux avait été effectuée à grand-peine pour placer un peu de gris au milieu de ses cheveux noirs et on voyait aussi quelques injections apparemment artisanales de Botox près de ses yeux, de sa bouche et de son front.
Ses chaussettes, qui souffraient maintenant sous l’excès de fluides qui s’accumulait à ses chevilles, s’accrochaient tristement à ses pieds. Ses chaussures se trouvaient à côté du lit. Ses vêtements, qui comprenaient un costume visiblement cher, un caleçon et un tee-shirt, étaient soigneusement pliés sur le dossier d’une chaise de bureau.
Dans la chambre, on ne voyait pas d’autres affaires personnelles, pas de valise, pas de vêtements supplémentaires, ni montre ni lunettes sur la table de nuit. Jessie jeta un coup d’œil dans la salle de bain et y vit la même chose : pas d’affaires de toilette, pas de serviettes mouillées, rien qui suggère que cet homme ait passé beaucoup de temps dans la chambre.
– Téléphone portable ? demanda Ryan à l’agent de police qui se tenait dans le coin.
– Nous l’avons trouvé dans la poubelle, lui dit l’enquêteur de la scène de crime. Il était en morceaux, mais les techniciens pensent qu’ils pourront récupérer ses données. La carte SIM était encore à l’intérieur. On l’emmène au labo en ce moment.
– Portefeuille ? demanda Ryan.
– Il était par terre près du lit, dit l’enquêteur, mais il avait été vidé. Presque tout ce que l’on aurait pu identifier avait disparu : pas de cartes de crédit ou de permis de conduire. Il y avait quelques photos d’enfants. Je suppose qu’on pourra s’en servir pour trouver l’identité. Cependant, je soupçonne que le téléphone portable nous rendra ses résultats plus vite.
Jessie se rapprocha du corps en s’assurant d’éviter tous les marqueurs de preuves présents sur la moquette.
– Pas