et son alchimie mélodique laisse sur moi une empreinte indélébile. Je ferme les yeux. Je me laisse transporter vers un autre monde plus agréable, un lieu marqué par des joies infinies, un paradis fait de toutes fleurs, des tulipes, des dahlias, des agérates, des chrysanthèmes, des orchidées, des lys… S’y perdre représente une véritable bénédiction ! Ce jardin offre une échappatoire unique au brouhaha incessant provoqué par mes pensées.
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Un râle secoue le corps du jeune homme. La force qui comprime et libère violemment le diaphragme émane des poumons. Elle fait irruption avec virulence. Elle glisse rugueuse sur sa langue. Elle sillonne les cordes vocales qui transforment l’impulsion en un son rauque et trouble. La toux se matérialise dans des expectorations qui traversent la gorge et se terminent par un voyage par la fenêtre côté jardin. Le garçon tousse longuement. Les rares pauses entre les quintes n’accordent guère de répit aux brûlures de ses amygdales. Depuis la cour, les aboiements impétueux de Tomás inondent toute la maison. Sa vigie a visiblement abouti, il a sûrement détecté un insecte insaisissable, ou simplement ses vieux sens subissent le fruit de pure fabulation.
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Les sonneries récurrentes brisent le silence. J’entends derrière moi les chaussures de Mme Salomé. Elles glissent à la hâte sur le carrelage et s’arrêtent à destination pour laisser place au bruit plastique du combiné qu’elle décroche. Le tintement des ustensiles de table remonte aux oreilles de Tomás. Ses organes fatigués restent plus éveillés que son odorat presque perdu. J’exagère, les effluves de poisson l’ont sûrement guidé jusqu’à la table. Le garçon se repose. Je mâche soigneusement la nourriture. La douceur salée ravit mon palais. Une arête éclate bruyamment entre mes dents. Mme Salomé enlève la vaisselle. Elle m’informe, de façon très formelle, qu’aujourd’hui, elle doit partir plus tôt en raison d’un accident domestique. Elle doit s’absenter pendant quelques jours. J’acquiesce en guise de confirmation.
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Après avoir examiné le monde effondré sous toutes ses facettes j’ouvre le triptyque. Mon regard se porte sur le côté droit enrichi d’illustrations complexes. L’enfer serait-il un endroit chargé de vacarme ? Je me le demande. Peut-être est-ce un hurlement infini qui fait éclater le cerveau et les entrailles pour nous inciter ensuite à récupérer nos débris ? Ou tous ces instruments de musique exposés dans la peinture manqueraient-ils vraiment de sons et de silence infernal, le destin des hérétiques ? L’enfer ne se matérialise pas par le doux hurlement du silence. C’est sûr ! C’est le torrent de crépitements dévastateurs qui fait plier l’âme. Pour cette raison, ce condamné est incrusté dans les cordes de la harpe et cet autre infortuné est sacrifié dans le luth géant. Ensuite, je pense à ma sentence. J’examine ce triste sodomite empalé par une flûte comme l’initiateur d’une longue lignée de grabataires. C’est comme si j’écoutais son tourment, comme si d’une manière énigmatique sa douleur fictive se transfigurait en complicité dans mon intestin et me rappelait toute l’atrocité du péché. Je contemple l’homme étreint par un cochon vêtu d’un voile de religieuse. C’est comme si l’on m’avait initié au tableau, car je flaire la pestilence des soupirs obscènes constamment près de moi, à l’intérieur de moi. Je ferme de toute urgence les portes de ce terrible monde spirituel. L’image du monde terrestre réapparaît, un paysage qui me semble plus odieux encore. Monde, les péchés t’envahissent. Dieu, protège-nous. Dieu, sauve-moi.
Je me prépare pour la messe.
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Je vous salue Marie très pure, conçue sans péché. J’ai péché, père. Parle-moi de tes péchés, ma fille. Des pensées de luxure m’assaillent. Hier soir, je l’ai vu presque nu et je désirais son corps, je le voulais avec intensité et ardeur. Est-ce vraiment mal, père ?
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Le prêtre écoute et réprime un soupir complice. C’est la même histoire pour chaque croyant, partiellement défigurée par une légère nuance. C’est le désir. Le désir peccamineux et odieux. Le Père Misael, à la fin de chaque rite de nature analogue, termine avec la formule de rigueur. Il la manifeste comme en ce moment, avec les intonations les plus normales, après avoir écouté tout l’attirail intime qu’implique une confession de l’esprit. Que Dieu, le Père miséricordieux, qui a réconcilié le monde avec lui-même par la mort et la résurrection de son Fils, Dieu qui a répandu l’Esprit Saint pour la rémission des péchés, t’accorde le pardon et la paix à travers le mystère de l’Église. Et je t’absous de tes péchés au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Dans le confessionnal, un amen retentit, il est chargé de soulagement.
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Je me tiens derrière la tête de lit et je secoue le flacon d’eau de Cologne tubéreuse avec laquelle j’humidifie mes mains. J’oins la surface de son visage et je pense percevoir un battement des paupières immédiatement étouffé par la force fébrile de la fièvre. Le garçon est brûlant. Je brûle aussi, pour des raisons différentes. Dors, mon fils, je prends soin de toi. Je suis sur le point de m’endormir, je me lève et je constate que les médicaments ont atténué l’infection. Je me frotte les mains une fois de plus et j’effleure ses pieds avec le baume. Je m’éloigne, quelque peu soulagé après ma visite.
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Louée soit l’eau bénite de la tubéreuse qu’ils ont ointe sur ton corps. Repose-toi, demain tu te lèveras et tu marcheras.
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Je délire, j’ai vu de près le visage de la bête et cela ne peut arriver que dans mes rêves. C’est la fièvre. Sa bave inonde mon corps. J’écoute son expiration et je n’ai pas la force de crier. Je réunis juste assez de courage pour lui cracher au visage, même pas avec de la salive, mais juste avec un air de dégoût et d’horreur. Je pleure. Il est normal de pleurer dans les moments de terreur. J’implore le ciel. Il est naturel d’implorer le ciel, pour un croyant. Jette la bête en enfer, Seigneur. Protège-moi. Prends soin de moi, Seigneur. Sois mon refuge. Toi, Seigneur, tu es mon berger. Avec toi je ne manquerai de rien. Rien ni personne ne peut me blesser.
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Le jeune homme dort enfin, après l’accès de fièvre il dort maintenant sans cauchemars. Le père, dans sa chambre, s’apprête à changer de tenue pour passer un costume plus confortable pour son repos. Il se déshabille et contemple son corps devant le miroir. Les poils convergent vers le pubis comme un tourbillon qui prend sa source des cuisses au nombril, ils contournent le bassin pour atteindre l’épicentre de son nerf pudendal. Son phallus se dresse progressivement en une érection puissante. Délivre-moi du péché, Seigneur, implore-t-il, sans succès. Son désir surpasse sa capacité d’abstinence. Mais soudain, une impulsion l’envahit. Une tempête artificielle élargit sa poitrine de satisfaction et déprime le flux de sang que la nature a propulsé vers son pénis. Il remercie Dieu, il met le vêtement de couchage et tombe à genoux devant le lit. Merci, Père, continue-t-il. Des larmes de conformité sillonnent sur ses pommettes. Aujourd’hui, ses yeux trouveront le repos dans la sérénité. Ses oreilles sont tendues vers le silence profond de la nuit paisible. Dieu, semble-t-il, l’a entendu. C’est du moins ce que le père Misael s’efforce de croire.
MARDI ET MERCREDI
Fragrance et pestilence
Adveniat regnum tuum.
Il circule dans l’environnement, il s’évapore parfois, il s’enfuit, il s’amuse, puis il jette un œil timide, et il revient hanter à nouveau mon odorat avec son impertinente apparition. J’absorbe le parfum et je sens les muscles de mon visage s’étirer en un sourire de délectation. Je satisfais mon besoin de humer l’infiltration de l’air balsamique chargé dans mes narines. Je calme la ruée odorante en inspirant plus profondément et je me perds dans la sueur des fleurs. En ouvrant les yeux, l’apparition du visage du garçon à mes côtés me ramène à la réalité de mes odeurs routinières. Je le salue et l’air change aussitôt, l’arôme de ses joues laisse