Джек Марс

Notre Honneur Sacré


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apostats de Daech.

      Les hommes de Daech n’avaient pas peur de mourir – en fait, ils accueillaient la mort avec joie. Nombre d’entre eux étaient des Tchétchènes ou des Irakiens âgés, très difficiles à tuer. Les premiers jours de combat contre eux avaient été un cauchemar, mais le garçon avait survécu. En deux ans, il avait mené de nombreuses batailles et tué de nombreux hommes. Et il avait beaucoup appris sur la guerre.

      Tapi dans l’obscurité sur une colline au nord d’Israël, il tenait en équilibre sur son épaule droite un lance-roquettes antichar. Quand il était plus jeune, une lourde roquette comme celle-ci lui aurait foré l’épaule et en peu de temps, ses os lui auraient fait mal. Mais il était plus fort maintenant. Son poids ne lui faisait plus grande impression.

      Un bosquet s’étendait autour de lui, et tout près, un commando allongé par terre observait la route qui passait en dessous.

      – « Qu’ils combattent donc dans le sentier d’Allah, ceux qui troquent la vie présente contre la vie future » récita-t-il très bas, dans sa barbe. « Et quiconque combat dans le sentier d’Allah, tué ou vainqueur, Nous lui donnerons bientôt une énorme récompense. »1

      – Abou ! chuchota quelqu’un d’un ton féroce.

      – Oui, répondit-il d’une voix calme.

      – Tais-toi !

      Abou prit une nouvelle inspiration, qu’il exhala lentement.

      Il était expert en roquettes antichars. Il en avait tiré tellement, avec une telle précision, qu’il était devenu un homme très précieux. C’était l’une des choses qu’il avait apprises sur la guerre. Plus on vit longtemps, plus on acquiert de compétences, et meilleur on devient au combat. Meilleur on devient, plus précieux l’on est, et bien plus susceptible de rester en vie. Il en avait connu beaucoup qui n’avaient pas survécu longtemps aux combats – une semaine, dix jours… L’un d’eux était mort dès le premier jour. S’ils duraient ne serait-ce qu’un mois, les choses commenceraient à devenir plus claires pour…

      – Abou ! siffla la voix.

      – Oui, acquiesça-t-il.

      – Prêt ? Ils arrivent.

      – Okay.

      Il se prépara, détendu, presque comme à l’entraînement. Il souleva le lance-roquettes et déplia la crosse. Il déplaça sa main gauche le long du canon, légèrement, très légèrement, jusqu’à ce que la cible soit en vue. Il ne fallait pas une prise trop ferme ni trop tôt. L’index de sa main droite caressait le mécanisme de détente. Il plaça le viseur devant son visage, mais pas devant son œil. Il aimait avoir une vue dégagée jusqu’au dernier moment, afin d’avoir un aperçu complet de la scène avant de se concentrer sur les détails. Ses genoux étaient légèrement fléchis, son dos à peine arqué.

      Il repérait maintenant, derrière le flanc de la colline à sa droite, la lumière du convoi qui approchait sur la route. Les faisceaux des phares s’élevaient, projetant des ombres étranges. Quelques secondes plus tard, il entendit les grondements des moteurs.

      Il prit encore une grande respiration.

      – En position, ordonna une voix sévère. En position.

      – Allah Tout-Puissant, proféra Abou d’une voix un peu plus forte, plus empressée. Guide ma main et mes yeux. Permets-moi de causer la mort de tes ennemis, en Ton Nom et au nom de Ton bien-aimé prophète Mahomet, et de tous les grands prophètes de tous les temps.

      La première Jeep se pointa dans le virage. Ses phares ronds tranchaient la brume nocturne.

      Aussitôt, Abou se figea sous le poids de l’arme. Il colla son œil droit au viseur. D’autres véhicules apparurent à la suite, assez gros pour qu’il ait l’impression de pouvoir les toucher. Son doigt se crispa sur la détente. Il retint son souffle. Il n’était plus un garçon portant un lance-roquettes : tous deux s’étaient fondus l’un dans l’autre, devenant une entité unique – une machine à tuer.

      Autour de lui, les hommes rampaient comme des serpents en direction de la route.

      – En position, répéta la voix. Le second véhicule, tu le vois ?

      – Oui.

      Dans son viseur, la seconde Jeep était TOUT PRÈS. Il distinguait les silhouettes de ses occupants.

      – C’est facile, murmura-t-il. C’est trop facile… En position…

      Deux secondes s’écoulèrent, Abou suivant lentement sa cible de la droite vers la gauche, sans dévier d’un pouce.

      – FEU !

***

      C’était le passage qu’Avraham Gold détestait.

      « Détestait » n’était pas le mot juste. Il le craignait. À chaque seconde à partir de maintenant.

      Il parlait toujours à ce moment-là. Il parlait trop. Il était prêt à dégoiser n’importe quoi, juste pour franchir cet endroit. Il tira une longue bouffée de sa cigarette, malgré l’interdiction de fumer en patrouille, mais c’était la seule chose qui le détendait.

      – Quitter Israël ? disait-il. Jamais ! Israël, c’est chez moi, maintenant et à jamais. Je voyagerai à l’étranger, sans doute, mais quitter le pays ? Comment je le pourrais ? Dieu nous a appelés à vivre ici. C’est la Terre Sainte. C’est la terre promise.

      Âgé de 20 ans, Avraham était caporal dans Tsahal, l’Armée de défense d’Israël. Ses grands-parents étaient des Allemands qui avaient survécu à l’Holocauste. Il croyait chacun des mots qu’il prononçait. Pourtant ils sonnaient toujours creux à ses oreilles, comme une pub télé pro-colons rebattue.

      Il était au volant de la Jeep, la dernière d’une file de trois. Il jeta un coup d’œil à la fille assise près de lui, Daria. Dieu qu’elle est belle !

      Même avec ses cheveux coupés ras, même avec son uniforme cachant bien sagement son corps. C’était son sourire. Il aurait illuminé le ciel. Et ses longs cils – comme une chatte.

      Elle n’avait aucun droit d’être ici, dans ce… no man’s land. Surtout avec ses opinions. C’était une libérale. Il ne devrait pas y avoir de libéraux dans Tsahal, avait décidé Avraham. Ils ne servaient à rien. Et Daria était pire qu’une libérale. Elle était…

      – Je ne crois pas en ton Dieu, dit-elle simplement. Tu le sais.

      Avraham souriait à présent.

      – Je sais, et quand tu quitteras l’armée, tu vas…

      – Déménager à Brooklyn, c’est vrai, acheva-t-elle pour lui. Mon cousin possède une entreprise de déménagement.

      Il faillit rire, malgré sa nervosité.

      – Tu m’as l’air bien maigre pour trimballer des pianos et des canapés dans des escaliers.

      – Je suis plus forte que tu pourrais…

      – Patrouille Abel, grésilla la radio tout à coup. À vous, patrouille Abel.

      Il décrocha le micro.

      – Ici Abel.

      – Où êtes-vous ? demanda la petite voix.

      – On vient d’entrer dans le Secteur 9.

      – Juste à temps. Okay. Ouvrez l’œil.

      – Oui, monsieur, opina Avraham.

      Il coupa la radio et glissa un nouveau regard à Daria. Elle secouait la tête.

      – Si c’est si inquiétant, pourquoi ils ne font rien ?

      Il haussa les épaules.

      – C’est l’armée. Ils agiront dès qu’il se passera un truc terrible.

      Le problème était droit