à leur conversation et allons retrouver Irène et ses amies.
IRÈNE.
.... Vois-tu, Constance, le vert et le bleu ne vont pas ensemble: ça jure trop, ces couleurs-là; demande plutôt à Noémi qui arrive. Bonjour, ma chérie. Oh! la délicieuse toilette que tu as là.
NOÉMI.
La tienne la vaut bien, mon coeur. Ah! par exemple, ta poupée est la reine des Tuileries aujourd'hui! l'amour de costume! C'est de chez Béreux?
IRÈNE.
Je prends tout chez elle, tu sais.
NOÉMI.
Bonjour, Constance, bonjour, Herminie, vous allez bien?
Noémi, en disant cela, voulut embrasser ses amies, mais elles se reculèrent vivement.
«Prends garde à mon rouge! dit Constance.
--Prends garde à ma poudre de riz! dit Herminie.
--Tiens, c'est vrai, dit Noémi, surprise; je n'avais pas va que vous étiez peintes.
--Peinte toi-même, dit Constance avec colère pour un peu de rouge, faut-il crier des choses pareilles!
--Et pour quelques pincées de blanc, ajouta Herminie, ce n'est pas la peine de s'étonner.
--J'imite maman, d'ailleurs, reprit Constance
--Et moi aussi, dit Herminie, c'est si naturel! N'est-ce pas, Irène?
--Certainement, répondit cette dernière, et pas plus tard que demain, je ferai comme vous.
--Moi pas, dit Noémi: ça me gênerait pour me faire embrasser par maman.»
Constance et Herminie éclatèrent de rire.
«Elle t'embrasse donc souvent, ta mère! s'écrièrent-elles.
--Certainement, dit Noémi étonnée; les vôtres n'en font-elles pas autant?»
Constance secoua la tête.
«Je vois maman deux ou trois fois par semaine, dit-elle.
.... Bonjour, maman.
--Bonjour, petite.
--Va chez ta bonne, je suis pressée de sortir.... Et voilà.
--Et elle ne t'embrasse pas? dit Noémi enjoignant les mains.
CONSTANCE.
Elle n'y pense jamais.
NOÉMI.
Ça doit te faire beaucoup de peine?
CONSTANCE, avec insouciance.
Non, j'y suis habituée, ça ne me fait plus rien.
HERMINIE.
Moi, j'ai une maman qui joue très-bien du piano, et qui chante très-bien, malheureusement pour moi; car lorsqu'elle ne va pas jouer ou chanter dans le monde, elle passe tout son temps à étudier sans jamais s'occuper de moi. Je vais au cours avec ma bonne, mais dans les moments où je suis seule et où je ne travaille pas, je m'ennuie à la mort.
NOÉMI.
Et toi non plus, ta mère ne t'embrasse pas?
HERMINIE.
Si, quelquefois, elle me baise le front; mais elle a toujours l'air distrait, alors ça ne me fait pas plaisir. Ah! bah! parlons d'autre chose; voulez-vous faire faire des visites par nos poupées, ce sera amusant et cela ne nous chiffonnera pas.
LES PETITES FILES.
C'est cela! c'est une bonne idée!»
Elles organisèrent ce semblant de jeu et furent bientôt absorbées par le plaisir de faire parler et saluer leurs poupées.
Pendant qu'Irène et Julien se dirigeaient vers les Tuileries, Élisabeth et Armand se préparaient aussi à s'y rendre.
«Viens-tu, Élisabeth? dit Armand en mettant son chapeau.
--A l'instant, répondit sa soeur, je prends ma poupée et je suis à toi.
--Elle n'est pas très-neuve, dit Armand en examinant la figure fanée et les vêtements modestes de la poupée.
ÉLISABETH.
Bah! elle m'amuse tout autant qu'une belle. Anna, voulez-vous venir, je vous en prie, nous sommes prêts. Adieu, chère maman, adieu, bonne mademoiselle, je suis bien fâchée que votre mal de tête vous empêche de venir avec nous aujourd'hui.»
Et les enfants, après avoir embrassé leur mère, se dirigèrent gaiement, suivis de leur bonne, vers les Tuileries.
«Ah! quel bonheur, voilà Irène, s'écria Élisabeth en arrivant. Je vais pouvoir jouer avec elle, au revoir, Armand.
Au revoir, Élisabeth, moi je vais rejoindre Julien que j'aperçois là-bas. Anna, asseyez-vous là, je vous en prie; je vous promets de ne pas jouer hors de l'allée de Diane.
ANNA.
Bien, monsieur Armand; j'y compte.»
Élisabeth avait couru vers Irène et lui avait tendu la main.
«Bonjour, chère amie, dit-elle, avec son bon sourire, me voilà guérie et prête à jouer. Voulez-vous de moi et de ma poupée?
IRÈNE, embarrassée.
Bonjour, Élisa... bonjour, mademoiselle, je vais demander à ces demoiselles si elles veulent bien vous laisser jouer avec elles.
CONSTANCE, à demi-voix.
Non, certainement. Voyez quelle toilette a cette petite! Quelle misérable robe de drap bleu, sans garnitures, et des brodequins pas vernis! Je ne veux pas d'elle, Irène.
HERMINIE, de même.
Ni moi non plus, Constance a raison; et puis, voyez, ma chère, comment pourriez-vous jouer convenablement avec elle! Sa poupée est si mal mise! renvoyez-la.
NOÉMI, de même.
Pourquoi? Elle-a l'air très-bon, gai et intelligent. Essayez de jouer avec elle, croyez-moi.
«C'est inouï d'oser vouloir jouer avec nous.» (Page 55.)
--Non, non, reprirent aigrement Constance et Herminie, nous n'en voulons pas.»
Élisabeth, à quelques pas seulement du petit groupe, avait presque tout entendu: elle devint rouge, jeta à Irène toute confuse un regard de reproche et s'éloigna rapidement.
NOÉMI, étonnée.
Eh bien, elle s'en va comme cela? Est-elle drôle, cette petite fille!
CONSTANCE.
Oh! laissez-la tranquille: c'est inouï d'oser vouloir jouer avec nous quand on a une toilette pareille!
HERMINIE.
Vous la connaissez donc, Irène? Elle paraissait très-familière avec vous: ce n'est pas une brillante connaissance que vous avez là, ma chère! Tâchez donc de vous en débarrasser.
CONSTANCE.
C'est bien dit. Vous avez eu joliment raison de l'appeler Mademoiselle: ça lui apprendra à vous respecter.
NOÉMI.
Je ne suis pas de votre avis; mais bah! elle est partie; n'y pensons plus et jouons. Eh bien! Irène, quel air pensif?
IRÈNE, tressaillant.
Ce n'est rien, oui, jouons; cela me distraira et me fera oublier cette ennuyeuse voisine.
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