Hector Malot

Une femme d'argent


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sa liaison avec le vieux Ladret, pourquoi n'en cherche-t-on pas d'honnêtes pour expliquer son intimité avec La Parisière qui est à la Bourse et qui peut tout aussi bien faire les affaires de madame Fourcy qu'il fait celles d'autres personnes?

      —S'il en est ainsi, pourquoi ne le dit-elle pas?

      —Parce que Fourcy ne lui permettra certes pas de jouer à la Bourse.

      —C'est une explication, j'en conviens, mais Ladret aussi en est une; laquelle est bonne? la question reste posée.

      —Pas pour moi.

       Table des matières

      Fourcy aurait voulu aussitôt après le départ de M. Charlemont, courir à Nogent, car il n'y avait de joie complète pour lui que celle qu'il partageait avec sa femme; comme elle allait être heureuse! comme elle allait être fière de lui! ce n'était pas seulement leur fortune qui était assurée, c'était encore celle de leurs enfants. Lucien serait un jour l'associé de Robert; et si le marquis Collio avait pu hésiter à épouser la fille d'un employé, il n'hésiterait certes plus, maintenant que cet employé était l'associé de la maison Charlemont, le successeur officiel du grand Charlemont; c'était aussi une noblesse, celle-là.

      Mais précisément parce qu'il ne devait pas venir le lendemain à son bureau, il avait des affaires importantes à préparer ou à régler qui le retinrent à Paris, et il ne put partir que par le train de cinq heures et demie, ce qui ne lui faisait qu'une heure d'avance sur son arrivée de chaque jour.

      Enfin c'était toujours une avance, c'est-à-dire une surprise.

      Au lieu que sa femme vînt au-devant de lui comme tous les soirs, il allait la surprendre.

      Et il se faisait une fête de cette surprise comme un amoureux de vingt ans.

      Ce fut à pas pressés qu'il monta la grande rue de Nogent et en courant presque qu'il traversa son jardin: personne sur la terrasse devant la maison, personne dans le vestibule; sans doute sa femme était dans un petit salon de travail où elle se tenait ordinairement; il y entra sur la pointe des pieds.

      Mais elle n'était pas dans ce salon; alors comme il avait vu dans le vestibule son ombrelle et son chapeau de jardin, il conclut de là qu'elle devait être dans sa chambre et il monta au premier étage.

      Il trouva la porte de cette chambre fermée au verrou, ce qui l'étonna, car ce n'était point l'habitude de sa femme de s'enfermer chez elle, et ce qui le contraria, car sa surprise allait être manquée, puisque, pour se faire ouvrir, il était obligé de frapper et de se nommer.

      Ce fut au bout de quelques instants seulement que la porte lui fut ouverte.

      —Déjà! s'écria madame Fourcy.

      Déjà.

      Mais il ne releva pas ce mot.

      —Tu t'enfermes donc? dit-il, en regardant sa femme qui paraissait légèrement émue.

      —Tu vois, quelquefois.

      Il était entré et il avait refermé la porte; sur une table recouverte d'un tapis en damas bleu, une tache rouge attira son attention: c'étaient des écrins en maroquin qui faisaient éclater cette tache rouge au milieu du bleu; l'un des écrins était tout neuf et sortait bien manifestement des mains du gainier.

      —C'était pour cela que tu t'étais enfermée? demanda-t-il.

      —Justement; je mettais ces bijoux en état pour demain.

      —Alors pourquoi t'enfermer?

      —Pour qu'on ne me dérange pas, voilà tout; tu penses bien que je n'avais pas peur d'être volée.

      —Est-ce que cet écrin n'est pas neuf? dit-il en prenant celui qui paraissait n'avoir pas encore été touché.

      —Tout neuf, je l'ai acheté hier avec le bracelet qu'il renferme, regarde.

      Elle lui prit l'écrin des mains et l'ouvrant, elle le lui montra de loin en l'inclinant tantôt à droite, tantôt à gauche, en avant ou en arrière: sur le cercle en or se détachait une grosse émeraude entourée de diamants avec, çà et là, d'autres diamants plus gros qui suivaient le contour du bracelet.

      —Vois comme l'émeraude est belle, dit-elle, d'un vert pur, comme les diamants brillent! Qui se douterait que tout cela est faux et coûte quelques centaines de francs?

      —Pas moi à coup sûr; mais il est vrai que je n'y connais rien; pourquoi as-tu acheté cela?

      —Pour compléter ma parure, et puis aussi parce que j'aime les pierreries et les bijoux; c'est une faiblesse, une niaiserie, tout ce que tu voudras, j'en conviens, mais enfin je les aime et ne pouvant pas satisfaire ma passion avec la réalité, je la trompe au moins avec l'illusion. Ne me gronde pas.

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