Stefano Conti

Je Suis L'Empereur


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      Il met les documents sur une pile énorme à sa gauche, qui on dirait est là depuis plusieurs mois.

      Ce n’est pas grave si personne ne va investiguer sur cette mort. Avant de partir, la dernière question : « Que dois-je faire avec le cercueil ? »

      « Êtes-vous un familier ? » demande diligent l’employé.

      « Non… on va dire un ami. »

      « Alors vous devez la donner aux héritiers » est le verdict final.

      Je sors encore plus perplexe. Parmi la foule je vois quelqu’un avec un panneau qui porte mon nom : j’ai toujours rêvé d’arriver à l'aéroport ou quelqu’un m’attendait avec un panneau bien en évidence.

      Je l’approche : « Bonjour, je suis Francesco Speri».

      « On vous attendait » répond avec fausse courtoisie une femme de la soixantaine. « Nous aimerons vous remercier pour tous ce que vous avez fait pour nous. »

      A mon regard étonné la dame fait signe à un garçon de venir vers elle et se présente : « Grazia Barbarino, enchantée. Je suis la sœur du pauvre Luigi Maria et lui c’est mon fils : nous sommes venus pour donner un honorable enterrement à notre cher ».

      Le ton poli et cette façade Mme Parfaite n’inspirent pas la sympathie. « Vous avez fait un bon voyage ? » demande-t-elle, peu intéressée par la réponse.

      « Mes plus sincères condoléances. »

      On dirait que personne d’entre eux n’est réellement affligé ; je ne le suis non plus, au contraire je suis bien content de me débarrasser du corps.

      « Encore merci, pour tout » répète le garçon.

      Certes, ils pouvaient y aller eux-mêmes en Turquie. J’essaye de ne pas laisser mon expression me trahir : « Je vous en prie. C'était le minimum, après toutes ces années… »

      « Oui, oui, j’imagine… » coupe brusquement la dame.

      « Je vous donne une copie du rapport du médecin légiste, au cas où vous voudriez le ramener chez un avocat » je rajoute bien marquant mes mots.

      Malgré l’expression curieuse du jeune, la dame prend le document sans même le regarder : celui-là aussi sera mis de côté. En répétant mes condoléances, je me sépare du ce groupe bizarre et je vais vers le train.

      Seulement une fois que le train interurbain de Rome arrive en gare de Chiusi pour changer, je me sens à nouveau en Italie ; j’arrive chez moi vers 19.30, après avoir pris un minibus de la gare de Sinalunga a Bettolle : je suis content d’être revenu à la tranquillité du petit village ou j’habite depuis quand j’ai gagné la bourse de recherche a la Faculté de Sienne.

      Je pose ma valise et je descends de suite chez la voisine pour récupérer mon chat, qu’elle a gardé dans ces jours. Je frappe fort. Un enfant d’environ 5-6 ans ouvre la porte.

      « Salut, ta grand-mère est là ? »

      Le petit répond : « On dit comment ? » je reste sans mots.

      « Maman dit qu’il faut toujours dire s’il vous plait. »

      « Elle a raison. Alors, mon cher enfant, ta grand-mère est là, s’il te plait ? »

      « Mais, c’est quoi mon nom ? »

      Effectivement, je ne l’ai jamais su. « Comment t’appelles-tu ? » le petit tortionnaire sourit : « Je ne te dis pas ! »

      « Allez, dis-le moi. »

      « Tu me donnes quoi ? » il répond tout fier.

      Et mes parents s'étonnent quand je dis que je ne veux pas d’enfants : « Un bonbon ? »

      « Maman dit de ne pas accepter les bonbons des inconnus. »

      « Mais je ne suis pas un inconnu, j’habite là-haut. »

      L’enfant sort sa main droite, je lui donne un bonbon miel et menthe que heureusement j’avais dans la poche.

      « Tu vas me le dire ton nom, maintenant ? »

      Le petit serre le bras et plie la tête en avant :

      « Gian…luca ».

      « Très bien, Gianluca, est-ce que ta grand-mère est là ? »

      « A part que tu n’as pas dit s’il te plait » il remarque. « Comment s’appelle mamie ? »

      Je savais qu’il allait me le demander, mais je n’arrive vraiment pas à retenir son nom : « Federica ? »

      « Non. »

      « Elisabetta ? » j’ose.

      « Presque » il sourit, heureux de ce jeu.

      « Elisa ? »

      « Deviné. »

      « Alors, écoute moi bien : Cher Gianluca, ta grand-mère Elisa, est-elle la… s’il te plait ? »

      « Non » et il me claque la porte dans la gueule.

      Étonné devant la porte fermée, je pense à une scène de Caro diario de Nanni Moretti : il est en vacances à Salina en train de téléphoner à des copains et un enfant, avant de lui passer ses parents, le force à imiter les verses de plusieurs animaux. Heureusement Elisa a tout entendu : « Francesco, contente de te revoir, comment c'était ? »

      « A part la bureaucratie… » je coupe court.

      Elle sourit : « Pallino s’est porté très bien, voici, il arrive : il a dû t’entendre ».

      Un chat blanc potelé fait coucou derrière les jambes de ma voisine et m’accueillit avec un gémissement, presque une réprimande.

      « Merci encore, je n’aurais pas su ou le laisser. »

      Je rentre chez moi avec le félin dans les bras. Après un bon diner, nous allons tous les deux nous coucher fatigués ; ça aurait dû être une aventure pour lui aussi, ces jours dans une autre maison.

      Mardi 20 Juillet

      « Content de te revoir au boulot, c'était bien les vacances ? » demande le directeur, dès que je rentre dans la filiale de Montepulciano Stazione.

      Eh oui, je ne l’avais pas encore mentionné : après avoir laissé l’enseignement sous contrat a la faculté, j’ai terminé pour travailler au guichet d’une banque. Ce n’est pas le mieux, mais au moins c’est un poste fixe !

      Je n’ai dit à personne la raison de mon voyage, ou mieux les deux raisons : la recherche du professeur et de l’empereur.

      « C'était bien… un peu fatiguant. »

      Le plus difficile c’est de s’en sortir des questions de Vito Darino, mon collègue du guichet à côté. Comme on dit par ici ‘‘ c’est un poisson bizarre’’ : normalement tranquille et docile, il s'énerve pour rien, il devient tout rouge, après violet et enfin soudainement il se dégonfle. Il est fâché avec tout le monde, il pense que personne ne comprend rien et que, pour cela, ils ont tous été promus tandis que lui, il est resté en arrière depuis toujours. Il dit qu’il est ‘‘célibataire’’ mais le terme le plus approprié serait ‘‘vieux garçon’’ : il n’a pas de copine depuis des décennies, il parle tout le temps de femmes, mais c’est un grand misogyne.

      « Tu t’es amusé ? T’as connu une belle turquette ? » c’est toujours sa première question.

      « Non, je me suis reposé. » rien de plus faux.

      « J’ai aussi visité des lieux touristiques. »

      « T’as été ou exactement ? » il insiste.

      J’essaie de rester vague : « Bon… un site archéologique : tu sais, c’est ma passion ».

      «