Морис Леблан

Les aventures complètes d'Arsène Lupin


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      – Mieux encore ! s’écria Steinweg.

      – Quoi ?

      – Un document ! Un document écrit de sa main, signé de sa signature et qui contient…

      – Qui contient ?

      – La liste des papiers secrets qui lui furent confiés.

      – En deux mots ?…

      – En deux mots, c’est impossible. Le document est long, entremêlé d’annotations, de remarques quelquefois incompréhensibles. Que je vous cite seulement deux titres qui correspondent à deux liasses de papiers secrets ; « Lettres originales du Kronprinz à Bismarck. » Les dates montrent que ces lettres furent écrites pendant les trois mois de règne de Frédéric III. Pour imaginer ce que peuvent contenir ces lettres, rappelez-vous la maladie de Frédéric III, ses démêlés avec son fils…

      – Oui… oui… je sais… et l’autre titre ?

      – « Photographies des lettres de Frédéric III et de l’impératrice Victoria à la reine Victoria d’Angleterre »

      – Il y a cela ? Il y a cela ?… fit Lupin, la gorge étranglée.

      – écoutez les annotations du grand-duc : « Texte du traité avec l’Angleterre et la France. » Et ces mots un peu obscurs : « Alsace-Lorraine… Colonies… Limitation navale… »

      – Il y a cela, bredouilla Lupin… Et c’est obscur, dis-tu ? Des mots éblouissants, au contraire !… Ah ! Est-ce possible !…

      Du bruit à la porte. On frappa.

      – On n’entre pas, dit-il, je suis occupé…

      On frappa à l’autre porte, du côté de Steinweg. Lupin cria :

      – Un peu de patience, j’aurai fini dans cinq minutes.

      Il dit au vieillard d’un ton impérieux :

      – Sois tranquille, et continue… Alors, selon toi, l’expédition du grand-duc et de son domestique au château de Veldenz n’avait d’autre but que de cacher ces papiers ?

      – Le doute n’est pas admissible.

      – Soit. Mais le grand-duc a pu les retirer, depuis.

      – Non, il n’a pas quitté Dresde jusqu’à sa mort.

      – Mais les ennemis du grand-duc, ceux qui avaient tout intérêt à les reprendre et à les anéantir, ceux-là ont pu les chercher là où ils étaient, ces papiers ?

      – Leur enquête les a menés en effet jusque-là.

      – Comment le sais-tu ?

      – Vous comprenez bien que je ne suis pas resté inactif, et que mon premier soin, quand ces révélations m’eurent été faites, fut d’aller à Veldenz et de me renseigner moi-même dans les villages voisins. Or j’appris que, deux fois déjà, le château avait été envahi par une douzaine d’hommes venus de Berlin et accrédités auprès des régents.

      – Eh bien ?

      – Eh bien ! Ils n’ont rien trouvé, car, depuis cette époque, la visite du château n’est pas permise.

      – Mais qui empêche d’y pénétrer ?

      – Une garnison de cinquante soldats qui veillent jour et nuit.

      – Des soldats du grand-duché ?

      – Non, des soldats détachés de la garde personnelle de l’Empereur. Des voix s’élevèrent dans le couloir, et de nouveau l’on frappa, en interpellant le gardien-chef.

      – Il dort, monsieur le Directeur, dit Lupin, qui reconnut la voix de M. Borély.

      – Ouvrez ! Je vous ordonne d’ouvrir.

      – Impossible, la serrure est mêlée. Si j’ai un conseil à vous donner, c’est de pratiquer une incision tout autour de ladite serrure.

      – Ouvrez !

      – Et le sort de l’Europe que nous sommes en train de discuter, qu’est-ce que vous en faites ?

      Il se tourna vers le vieillard :

      – De sorte que tu n’as pas pu entrer dans le château ?

      – Non.

      – Mais tu es persuadé que les fameux papiers y sont cachés.

      – Voyons ! Ne vous ai-je pas donné toutes les preuves ? N’êtes-vous pas convaincu ?

      – Si, si, murmura Lupin, c’est là qu’ils sont cachés… il n’y a pas de doute… c’est là qu’ils sont cachés.

      Il semblait voir le château. Il semblait évoquer la cachette mystérieuse. Et la vision d’un trésor inépuisable, l’évocation de coffres emplis de pierres précieuses et de richesses, ne l’aurait pas ému plus que l’idée de ces chiffons de papier sur lesquels veillait la garde du Kaiser. Quelle merveilleuse conquête à entreprendre ! Et combien digne de lui ! Et comme il avait, une fois de plus, fait preuve de clairvoyance et d’intuition en se lançant au hasard sur cette piste inconnue !

      Dehors, on « travaillait » la serrure.

      Il demanda au vieux Steinweg :

      – De quoi le grand-duc est-il mort ?

      – D’une pleurésie, en quelques jours. C’est à peine s’il put reprendre connaissance, et ce qu’il y avait d’horrible, c’est que l’on voyait, paraît-il, les efforts inouïs qu’il faisait, entre deux accès de délire, pour rassembler ses idées et prononcer des paroles. De temps en temps il appelait sa femme, la regardait d’un air désespéré et agitait vainement ses lèvres.

      – Bref, il parla ? dit brusquement Lupin, que le « travail » fait autour de la serrure commençait à inquiéter.

      – Non, il ne parla pas. Mais dans une minute plus lucide, à force d’énergie, il réussit à tracer des signes sur une feuille de papier que sa femme lui présenta.

      – Eh bien ! Ces signes ?…

      – Indéchiffrables, pour la plupart…

      – Pour la plupart… mais les autres ? dit Lupin avidement… Les autres ?

      – Il y a d’abord trois chiffres parfaitement distincts : un 8, un 1 et un 3…

      – 813… oui, je sais… après ?

      – Après, des lettres… plusieurs lettres parmi lesquelles il n’est possible de reconstituer en toute certitude qu’un groupe de trois et, immédiatement après, un groupe de deux lettres.

      – « Apoon », n’est-ce pas ?

      – Ah ! Vous savez…

      La serrure s’ébranlait, presque toutes les vis ayant été retirées. Lupin demanda, anxieux soudain à l’idée d’être interrompu :

      – De sorte que ce mot incomplet « Apoon » et ce chiffre 813 sont les formules que le grand-duc léguait à sa femme et à son fils pour leur permettre de retrouver les papiers secrets ?

      – Oui.

      Lupin se cramponna des deux mains à la serrure pour l’empêcher de tomber.

      – Monsieur le Directeur, vous allez réveiller le gardien-chef. Ce n’est pas gentil, une minute encore, voulezvous ? Steinweg, qu’est devenue la femme du grand-duc ?

      – Elle est morte, peu après son mari, de chagrin, pourrait-on dire.

      – Et l’enfant fut recueilli par la famille ?

      – Quelle famille ? Le grand-duc n’avait ni frères, ni sœurs. En outre il n’était