Морис Леблан

Les aventures complètes d'Arsène Lupin


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attitude, dans ses paroles, le proclamait. D’ailleurs n’était-ce point son intention évidente, sa volonté même d’être reconnu comme tel ?

      Le comte hésita. Quelle conduite allait-il tenir envers l’audacieux personnage ? Sonner ? Provoquer un scandale ? Démasquer celui qui l’avait dépouillé jadis ? Mais il y avait si longtemps ! Et qui voudrait admettre cette histoire absurde d’enfant coupable ? Non, il valait mieux accepter la situation, en affectant de n’en point saisir le véritable sens. Et le comte, s’approchant de Floriani, s’écria avec enjouement :

      – Très amusant, très curieux, votre roman. Je vous jure qu’il me passionne. Mais, suivant vous, qu’est-il devenu, ce bon jeune homme, ce modèle des fils ? J’espère qu’il ne s’est pas arrêté en si beau chemin.

      – Oh ! Certes non.

      – N’est-ce pas ! Après un tel début ! Prendre le collier de la Reine à six ans, le célèbre collier que convoitait Marie-Antoinette !

      – Et le prendre, observa Floriani, se prêtant au jeu du comte, le prendre sans qu’il lui en coûte le moindre désagrément, sans que personne ait l’idée d’examiner l’état des carreaux, ou s’aviser que le rebord de la fenêtre est trop propre, ce rebord qu’il avait essuyé pour effacer les traces de son passage sur l’épaisse poussière… Avouez qu’il y avait de quoi tourner la tête d’un gamin de son âge. C’est donc si facile ? Il n’y a donc qu’à vouloir et tendre la main ?… Ma foi, il voulut…

      – Et il tendit la main.

      – Les deux mains, reprit le chevalier en riant.

      Il y eut un frisson. Quel mystère cachait la vie de ce soi-disant Floriani ? Combien extraordinaire devait être l’existence de cet aventurier, voleur génial à six ans, et qui, aujourd’hui, par un raffinement de dilettante en quête d’émotion, ou tout au plus pour satisfaire un sentiment de rancune, venait braver sa victime chez elle, audacieusement, follement, et cependant avec toute la correction d’un galant homme en visite !

      Il se leva et s’approcha de la comtesse pour prendre congé. Elle réprima un mouvement de recul. Il sourit.

      – Oh ! Madame, vous avez peur ! Aurais-je donc poussé trop loin ma petite comédie de sorcier de salon ?

      Elle se domina et répondit avec la même désinvolture un peu railleuse :

      – Nullement, monsieur. La légende de ce bon fils m’a au contraire fort intéressée, et je suis heureuse que mon collier ait été l’occasion d’une destinée aussi brillante. Mais ne croyez-vous pas que le fils de cette… femme, de cette Henriette, obéissait surtout à sa vocation ?

      Il tressaillit, sentant la pointe, et répliqua :

      – J’en suis persuadé, et il fallait même que cette vocation fût sérieuse pour que l’enfant ne se rebutât point.

      – Et comment cela ?

      – Mais oui, vous le savez, la plupart des pierres étaient fausses. Il n’y avait de vrai que les quelques diamants rachetés au bijoutier anglais, les autres ayant été vendus un à un selon les dures nécessités de la vie.

      – C’était toujours le Collier de la Reine, monsieur, dit la comtesse avec hauteur, et voilà, me semble-t-il, ce que le fils d’Henriette ne pouvait comprendre.

      – Il a dû comprendre, madame, que faux ou vrai, le collier était avant tout un objet de parade, une enseigne.

      M. de Dreux fit un geste. Sa femme aussitôt le prévint.

      – Monsieur, dit-elle, si l’homme auquel vous faites allusion a la moindre pudeur…

      Elle s’interrompit, intimidée par le calme regard de Floriani.

      Il répéta :

      – Si cet homme a la moindre pudeur ?…

      Elle sentit qu’elle ne gagnerait rien à lui parler de la sorte, et malgré elle, malgré sa colère et son indignation toute frémissante d’orgueil humilié, elle lui dit presque poliment :

      – Monsieur, la légende veut que Rétaux de Villette, quand il eut le Collier de la Reine entre les mains et qu’il en eut fait sauter tous les diamants avec Jeanne de Valois, n’ait point osé toucher à la monture. Il comprit que les diamants n’étaient que l’ornement, l’accessoire, mais que la monture était l’œuvre essentielle, la création même de l’artiste, et il la respecta. Pensez-vous que cet homme ait compris également ?

      – Je ne doute pas que la monture existe. L’enfant l’a respectée.

      – Eh bien ! Monsieur, s’il vous arrive de le rencontrer, vous lui direz qu’il garde injustement une de ces reliques qui sont la propriété et la gloire de certaines familles, et qu’il a pu en arracher les pierres sans que le Collier de la Reine cessât d’appartenir à la maison de Dreux-Soubise. Il nous appartient comme notre nom, comme notre honneur.

      Le chevalier répondit simplement :

      – Je lui dirai, madame.

      Il s’inclina devant elle, salua le comte, salua les uns après les autres tous les assistants et sortit.

      Quatre jours après, Mme de Dreux trouvait sur la table de sa chambre un écrin rouge aux armes du Cardinal. Elle l’ouvrit. C’était le Collier en esclavage de la Reine.

      Mais comme toutes les choses doivent, dans la vie d’un homme soucieux d’unité et de logique, concourir au même but – et qu’un peu de réclame n’est jamais nuisible – le lendemain l’Écho de France publiait ces lignes sensationnelles :

      « Le Collier de la Reine, le célèbre bijou dérobé autrefois à la famille de Dreux-Soubise, a été retrouvé par Arsène Lupin. Arsène Lupin s’est empressé de le rendre à ses légitimes propriétaires. On ne peut qu’applaudir à cette attention délicate et chevaleresque. »

      6

       Le sept de cœur

      Table des matières

      Une question se pose et elle me fut souvent posée : « Comment ai-je connu Arsène Lupin ? »

      Personne ne doute que je le connaisse. Les détails que j’accumule sur cet homme déconcertant, les faits irréfutables que j’expose, les preuves nouvelles que j’apporte, l’interprétation que je donne de certains actes dont on n’avait vu que les manifestations extérieures sans en pénétrer les raisons secrètes ni le mécanisme invisible, tout cela prouve bien, sinon une intimité, que l’existence même de Lupin rendrait impossible, du moins des relations amicales et des confidences suivies.

      Mais comment l’ai-je connu ? D’où me vient la faveur d’être son historiographe ? Pourquoi moi et pas un autre ?

      La réponse est facile : le hasard seul a présidé à un choix où mon mérite n’entre pour rien. C’est le hasard qui m’a mis sur sa route. C’est par hasard que j’ai été mêlé à une de ses plus étranges et de ses plus mystérieuses aventures, par hasard enfin que je fus acteur dans un drame dont il fut le merveilleux metteur en scène, drame obscur et complexe, hérissé de telles péripéties que j’éprouve un certain embarras au moment d’en entreprendre le récit.

      Le premier acte se passe au cours de cette fameuse nuit du 22 au 23 juin, dont on a tant parlé. Et pour ma part, disons-le tout de suite, j’attribue la conduite assez anormale que je tins en l’occasion, à l’état d’esprit très spécial où je me trouvais en rentrant chez moi. Nous avions dîné entre amis au restaurant de la Cascade, et, toute la soirée, tandis que nous fumions et que l’orchestre de tziganes jouait des valses mélancoliques, nous n’avions parlé que de crimes et de vols, d’intrigues effrayantes et ténébreuses. C’est toujours là une mauvaise préparation au sommeil.

      Les