Морис Леблан

Les aventures complètes d'Arsène Lupin


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      J’écartai le rideau de velours.

      Il accourut.

      – Quoi ? Qu’y a-t-il ?

      – Madame Andermatt est souffrante.

      Il s’empressa, lui fit respirer des sels, et, tout en la soignant, m’interrogeait :

      – Eh bien ! Que s’est-il donc passé ?

      – Les lettres, lui dis-je… les lettres de Louis Lacombe que vous avez données à son mari !

      Il se frappa le front.

      – Elle a cru que j’avais fait cela… Mais oui, après tout, elle pouvait le croire. Imbécile que je suis !

      Mme Andermatt, ranimée, l’écoutait avidement. Il sortit de son portefeuille un petit paquet en tous points semblable à celui qu’avait emporté M. Andermatt.

      – Voici vos lettres, madame, les vraies.

      – Mais… les autres ?

      – Les autres sont les mêmes que celles-ci, mais recopiées par moi, cette nuit, et soigneusement arrangées. Votre mari sera d’autant plus heureux de les lire qu’il ne se doutera pas de la substitution, puisque tout a paru sous ses yeux…

      – L’écriture…

      – Il n’y a pas d’écriture qu’on ne puisse imiter.

      Elle le remercia, avec les mêmes paroles de gratitude qu’elle eût adressées à un homme de son monde, et je vis bien qu’elle n’avait pas dû entendre les dernières phrases échangées entre Varin et Arsène Lupin.

      Moi, je le regardais non sans embarras, ne sachant trop que dire à cet ancien ami qui se révélait à moi sous un jour si imprévu. Lupin ! C’était Lupin ! Mon camarade de cercle n’était autre que Lupin ! Je n’en revenais pas. Mais lui, très à l’aise :

      – Vous pouvez faire vos adieux à Jean Daspry.

      – Ah !

      – Oui, Jean Daspry part en voyage. Je l’envoie au Maroc. Il est fort possible qu’il y trouve une fin digne de lui. J’avoue même que c’est son intention.

      – Mais Arsène Lupin nous reste ?

      – Oh ! Plus que jamais. Arsène Lupin n’est encore qu’au début de sa carrière, et il compte bien…

      Un mouvement de curiosité irrésistible me jeta sur lui, et l’entraînant à quelque distance de Mme Andermatt :

      – Vous avez donc fini par découvrir la seconde cachette, celle où se trouvait le paquet de lettres ?

      – J’ai eu assez de mal ! C’est hier seulement, l’après-midi, pendant que vous étiez couché. Et pourtant, Dieu sait combien c’était facile ! Mais les choses les plus simples sont celles auxquelles on pense en dernier.

      Et me montrant le sept de cœur :

      – J’avais bien deviné que pour ouvrir le grand coffre, il fallait appuyer cette carte contre le glaive du bonhomme en mosaïque…

      – Comment aviez-vous deviné cela ?

      – Aisément. Par mes informations particulières, je savais, en venant ici, le 22 juin au soir…

      – Après m’avoir quitté…

      Oui, et après vous avoir mis par des conversations choisies dans un état d’esprit tel qu’un nerveux et un impressionnable comme vous devait fatalement me laisser agir à ma guise, sans sortir de son lit.

      – Le raisonnement était juste.

      – Je savais donc, en venant ici, qu’il y avait une cassette cachée dans un coffre à serrure secrète, et que le sept de cœur était la clef, le mot de cette serrure. Il ne s’agissait plus que de plaquer ce sept de cœur à un endroit qui lui fût visiblement réservé. Une heure d’examen m’a suffi.

      – Une heure !

      – Observez le bonhomme en mosaïque.

      – Le vieil empereur ?

      – Ce vieil empereur est la représentation exacte du roi de cœur de tous les jeux de cartes, Charlemagne.

      – En effet… Mais pourquoi le sept de cœur ouvre-t-il tantôt le grand coffre, tantôt le petit ? Et pourquoi n’avez-vous ouvert d’abord que le grand coffre ?

      – Pourquoi ? Mais parce que je m’obstinais toujours à placer mon sept de cœur dans le même sens. Hier seulement je me suis aperçu qu’en le retournant, c’est-à-dire en mettant le septième point, celui du milieu, en l’air au lieu de le mettre en bas, la disposition des sept points changeait.

      – Parbleu !

      – Évidemment, parbleu, mais encore fallait-il y penser.

      – Autre chose : vous ignoriez l’histoire des lettres avant que madame Andermatt…

      – En parlât devant moi ? Oui. Je n’avais découvert dans le coffre, outre la cassette, que la correspondance des deux frères, correspondance qui m’a mis sur la voie de leur trahison.

      – Somme toute, c’est par hasard que vous avez été amené d’abord à reconstituer l’histoire des deux frères, puis à rechercher les plans et les documents du sous-marin ?

      – Par hasard.

      – Mais dans quel but avez-vous recherché ?…

      Daspry m’interrompit en riant :

      – Mon Dieu ! Comme cette affaire vous intéresse !

      – Elle me passionne.

      – Eh bien ! Tout à l’heure, quand j’aurai reconduit madame Andermatt et fait porter à l’Écho de France le mot que je vais écrire, je reviendrai et nous entrerons dans le détail.

      Il s’assit et écrivit une de ces petites notes lapidaires où se divertit la fantaisie du personnage. Qui ne se rappelle le bruit que fit celle-ci dans le monde entier ?

      « Arsène Lupin a résolu le problème que Salvator a posé dernièrement. Maître de tous les documents et plans originaux de l’ingénieur Louis Lacombe, il les a fait parvenir entre les mains du ministre de la Marine. À cette occasion il ouvre une souscription dans le but d’offrir à l’État le premier sous-marin construit d’après ces plans. Et il s’inscrit lui-même en tête de cette souscription pour la somme de vingt mille francs. »

      – Les vingt mille francs des chèques de monsieur Andermatt ? lui dis-je, quand il m’eut donné le papier à lire.

      – Précisément. Il est équitable que Varin rachète en partie sa trahison.

      Et voilà comment j’ai connu Arsène Lupin. Voilà comment j’ai su que Jean Daspry, camarade de cercle, relation mondaine, n’était autre qu’Arsène Lupin, gentlemancambrioleur. Voilà comment j’ai noué des liens d’amitié fort agréables avec notre grand homme, et comment peu à peu, grâce à la confiance dont il veut bien m’honorer, je suis devenu son très humble, très fidèle et très reconnaissant historiographe.

      7

       Le coffre-fort de madame Imbert

      Table des matières

      À trois heures du matin, il y avait encore une demi-douzaine de voitures devant un des petits hôtels de peintre qui composent l’unique côté du boulevard Berthier. La porte de cet hôtel s’ouvrit. Un groupe d’invités, hommes et dames, sortirent. Quatre voitures filèrent de droite et de gauche et il ne resta sur l’avenue que deux messieurs qui se quittèrent au coin de la rue de Courcelles, où demeurait l’un d’eux. L’autre résolut de rentrer à pied jusqu’à