G. Krioussis Bruno

Le tour de la France par deux enfants


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faut: c'est celle du plus grand peintre de paysages qui ait jamais existé. Il s'appelait Claude Gelée, et on l'a surnommé le Lorrain en l'honneur de son pays, car il est né dans ce département et en est une des gloires. Ce petit Claude était fils de simples domestiques. Dans son enfance on le croyait presque imbécile, tant son intelligence était lente et tant il avait de peine à apprendre. Ses camarades d'école se moquaient alors de lui, comme vous faisiez tout à l'heure, Julien, et cependant leur nom à tous est resté inconnu, tandis que celui du petit Claude est devenu célèbre dans le monde entier. Que cela vous apprenne, mon ami, à ne plus vous moquer de personne et à ne pas vous croire au-dessus de vos camarades.

      Julien rougit un peu embarrassé, et la bonne vieille reprit:

      —Le pauvre enfant qui était si mal partagé de la nature eut encore le malheur de perdre son père et sa mère dès l'âge de douze ans. Resté orphelin, on le mit en apprentissage chez un pâtissier, mais il ne put jamais apprendre à faire de bonne pâtisserie. Son frère aîné, qui était dessinateur, voulut lui enseigner le dessin: il ne put y réussir.

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      Claude le Lorrain peignant un tableau.—La petite tablette qu'il tient de sa main gauche s'appelle la palette; c'est sur la palette que sont étendues les couleurs, le bleu, le blanc, le noir, le rouge, etc. De sa main droite, il tient le pinceau. Près de lui, un jeune aide est occupé à broyer les couleurs, que le peintre étendra ensuite sur sa palette.

      Enfin un parent du jeune Claude l'emmena à Rome.

      C'était en Italie et à Rome que se trouvaient alors les plus grands peintres. Le petit Claude fut placé à Rome au service d'un peintre pour apprêter ses repas et aussi pour broyer ses couleurs. Il était là broyant sur du marbre du blanc, du bleu, du rouge, et il voyait ensuite, grâce au pinceau de son maître, toutes ces couleurs s'étendre sur la toile et former de magnifiques tableaux.

      Peu à peu il prit goût à la peinture, et son maître lui donna quelques leçons.

      Lorsque Claude venait à sortir de la ville et qu'il parcourait la campagne, il restait des heures entières à regarder les paysages, les arbres, les prairies, le soleil qui s'élevait ou se couchait sur les montagnes. Il se rappelait les paysages de sa chère Lorraine, qu'il avait tant de fois regardés des heures entières sans mot dire, alors que ses camarades d'école jouaient étourdiment sans rien remarquer des belles choses de la nature et se moquaient de son air endormi.

      Claude était maintenant sorti de ce long sommeil où s'était écoulée son enfance. Il essaya de transporter sur les tableaux les paysages qui le frappaient, et il y réussit si bien que, dès l'âge de vingt-cinq ans, il s'était rendu illustre. Il travailla beaucoup et devint très riche, car ses tableaux se vendaient à des prix fort élevés. De nos jours, leur valeur n'a fait qu'augmenter avec le temps, et on estime à un demi-million quatre tableaux de Claude le Lorrain qui ornent aujourd'hui le palais de Saint-Pétersbourg. Ceux que nous avons à Paris, au musée du Louvre, sont d'un prix inestimable. Eh bien, Julien, que pensez-vous de ce récit?

      —Oh! Madame Gertrude, répondit l'enfant, qui avait honte de sa faute, embrassez-moi, je vous en prie, et oubliez les sottises que j'ai dites tout à l'heure. Jamais plus, je vous le promets, je ne me moquerai de personne.

      —A la bonne heure, petit Julien! et quand vous serez tenté de le faire, rappelez-vous notre grand peintre de Lorraine, et que son souvenir vous rende modeste.

       Table des matières

      «N'attaquez pas les premiers; mais si on vient vous attaquer, défendez-vous hardiment, et vous serez les maîtres.» Jeanne Darc.

      Le samedi suivant, Julien fut encore le premier; il était si content, qu'il sautait de plaisir en revenant de l'école.

      Mme Gertrude était assise à sa fenêtre devant sa machine à coudre. La fenêtre était ouverte, car il faisait beau temps.

      En relevant la tête Mme Gertrude aperçut de loin le petit garçon: à son air satisfait elle devina vite qu'il avait de bonnes nouvelles; elle lui sourit donc; l'enfant aussitôt éleva en l'air ses bons points et accourut à toutes jambes pour les lui mettre dans la main. Cette fois il ne dit rien pour se glorifier, mais le cœur lui battait d'émotion.

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      Drouot.—Il naquit à Nancy en 1774 et mourut en 1847. Homme de guerre et de science tout à la fois, il fit la campagne d'Égypte sous Bonaparte et s'illustra plus tard dans toutes les campagnes du premier empire, surtout dans les batailles de Wagram, de la Moscowa, de Lutzen, où il décida la victoire. Après Waterloo, il rallia les débris de l'armée et les conduisit au-delà de la Loire. Il se retira ensuite à Nancy, où il mourut.

      —Vous êtes un brave enfant, Julien; embrassez-moi, et dites-moi ce qui vous ferait le plus de plaisir, car je veux vous récompenser.

      Julien rougit, et lorsqu'il eut embrassé la bonne dame:

      —Peut-être bien, Madame Gertrude, qu'en cherchant dans votre mémoire vous y retrouveriez encore une histoire à me raconter, comme celle de Claude le Lorrain.

      —Mon Dieu, Julien, puisque vous aimez tant la Lorraine et que j'ai commencé à vous parler des grands hommes qu'elle a donnés à la patrie, je veux bien continuer.

      Julien approcha sa petite chaise pour mieux entendre; car la machine à coudre faisait du bruit et il ne voulait pas perdre une parole.

      —Vous saurez d'abord, Julien, que, toutes les fois qu'il s'est agi de défendre la France, la Lorraine a fourni des hommes résolus et de grands capitaines. Vous vous rappelez que la Lorraine est placée sur la frontière française: nous sommes donc, nous autres Lorrains, comme l'avant-garde vigilante de la patrie, et nous n'avons pas manqué à notre rôle: nous avons donné à la France de grands généraux pour la défendre. Nancy a vu naître Drouot, fils d'un pauvre boulanger, célèbre par ses vertus privées comme par ses vertus militaires, et que Napoléon Ier appelait le sage. Bar-le-Duc, le chef-lieu du département de la Meuse, nous a donné Oudinot, qui fut blessé trente-cinq fois dans les batailles, et Exelmans, autre modèle de bravoure. Le général Chevert, de Verdun, défendit une ville avec quelques centaines d'hommes seulement et donna l'exemple d'une valeur inflexible. Et votre ville de Phalsbourg, petit Julien, elle a vu naître le maréchal Lobeau, encore le fils d'un boulanger, qui devint un de nos meilleurs généraux et dont on disait: «il est invariable comme le devoir.»

      Mais si les hommes, en Lorraine, se sont illustrés à défendre la patrie, sachez qu'une femme de la Lorraine, une jeune fille du peuple, Jeanne Darc s'est rendue encore plus célèbre. Écoutez son histoire.

      I. Jeanne Darc était née à Domremy, dans le département des Vosges où nous sommes, et elle n'avait jamais quitté son village.

      Bien souvent, tandis que ses doigts agiles dévidaient la quenouille de lin, elle avait entendu dans la maison de son père raconter la grande misère qui régnait alors au pays de France. Depuis quatre-vingts ans la guerre et la famine duraient. Les Anglais étaient maîtres de presque toute la France; ils s'étaient avancés jusqu'à Orléans et avaient mis le siège devant cette ville; ils pillaient et rançonnaient le pauvre monde. Les ouvriers n'avaient point de travail, les maisons abandonnées s'effondraient, et les campagnes désertes étaient parcourues par les brigands. Le roi Charles VII, trop indifférent aux misères de son peuple, fuyait devant l'ennemi, oubliant dans les plaisirs et les fêtes la honte de l'invasion.

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      La maison de Jeanne Darc.—C'est