Морис Леблан

LUPIN: Les aventures complètes


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la prit et l’examina.

      – C’est bien ce que je pensais, c’est du diamant reconstitué.

      – Du diamant reconstitué ?

      – Un nouveau procédé qui consiste à soumettre de la poussière de diamant à une température énorme, de façon à la réduire en fusion… et à n’avoir plus qu’à la reconstituer en une seule pierre.

      – Comment ! Mais mon diamant est vrai.

      – Le vôtre, oui, mais celui-là n’est pas le vôtre.

      – Où donc est le mien ?

      – Entre les mains d’Arsène Lupin.

      – Et alors, celui-là ?

      – Celui-là a été substitué au vôtre et glissé dans le flacon de M. Bleichen où vous l’avez retrouvé.

      – Il est donc faux ?

      – Absolument faux.

      Interdite, bouleversée, la comtesse se taisait, tandis que son mari, incrédule, tournait et retournait le bijou en tous sens. Elle finit par balbutier :

      – Est-ce possible ! Mais pourquoi ne l’a-t-on pas volé tout simplement ? Et puis comment l’a t’on pris ?

      – C’est précisément ce que je vais tâcher d’éclaircir.

      – Au château de Crozon ?

      – Non, je descends à Creil, et je retourne à Paris. C’est là que doit se jouer la partie entre Arsène Lupin et moi. Les coups vaudront pour un endroit comme pour l’autre, mais il est préférable que Lupin me croie en voyage.

      – Cependant…

      – Que vous importe, madame ? l’essentiel, c’est votre diamant, n’est-ce pas ?

      – Oui.

      – Eh bien, soyez tranquille. J’ai pris tout à l’heure un engagement beaucoup plus difficile à tenir. Foi d’Herlock Sholmès, je vous rendrai le véritable diamant.

      Le train ralentissait. Il mit le faux diamant dans sa poche et ouvrit la portière. Le comte s’écria :

      – Mais vous descendez à contre-voie !

      – De cette manière, si Lupin me fait surveiller, on perd ma trace. Adieu.

      Un employé protesta vainement. L’Anglais se dirigea vers le bureau du chef de gare. Cinquante minutes après, il sautait dans un train qui le ramenait à Paris un peu avant minuit.

      Il traversa la gare en courant, rentra par le buffet, sortit par une autre porte et se précipita dans un fiacre.

      – Cocher, rue Clapeyron.

      Ayant acquis la certitude qu’il n’était pas suivi, il fit arrêter sa voiture au commencement de la rue, et se livra à un examen minutieux de la maison de Maître Detinan et des deux maisons voisines. À l’aide d’enjambées égales il mesurait certaines distances, et inscrivait des notes et des chiffres sur son carnet.

      – Cocher, avenue Henri-Martin.

      Au coin de l’avenue et de la rue de la Pompe, il régla sa voiture, suivit le trottoir jusqu’au 134, et recommença les mêmes opérations devant l’ancien hôtel du Baron d’Hautrec et les deux immeubles de rapport qui l’encadrent, mesurant la largeur des façades respectives et calculant la profondeur des petits jardins qui précèdent la ligne de ces façades.

      L’avenue était déserte et très obscure sous ses quatre rangées d’arbres entre lesquels, de place en place, un bec de gaz semblait lutter inutilement contre des épaisseurs de ténèbres. L’un d’eux projetait une pâle lumière sur une partie de l’hôtel, et Sholmès vit la pancarte « à louer » suspendue à la grille, les deux allées incultes qui encerclaient la menue pelouse, et les vastes fenêtres vides de la maison inhabitée.

      – C’est vrai, se dit-il, depuis la mort du Baron, il n’y a pas de locataires… ah ! si je pouvais entrer et faire une première visite !

      Il suffisait que cette idée l’effleurât pour qu’il voulût la mettre à exécution. Mais comment ? La hauteur de la grille rendant impossible toute tentative d’escalade, il tira de sa poche une lanterne électrique et une clef passe-partout qui ne le quittait pas. À son grand étonnement, il s’avisa qu’un des battants était entrouvert. Il se glissa donc dans le jardin en ayant soin de ne pas refermer le battant. Mais il n’avait pas fait trois pas qu’il s’arrêta. À l’une des fenêtres du second étage une lueur avait passé.

      Et la lueur repassa à une deuxième fenêtre et à une troisième, sans qu’il pût voir autre chose qu’une silhouette qui se profilait sur les murs des chambres. Et du second étage la lueur descendit au premier, et, longtemps, erra de pièce en pièce.

      « Qui diable peut se promener à une heure du matin dans la maison où le Baron d’Hautrec a été tué ? se demanda Herlock, prodigieusement intéressé. »

      Il n’y avait qu’un moyen de le savoir, c’était de s’y introduire soi-même. Il n’hésita pas. Mais au moment où il traversait, pour gagner le perron, la bande de clarté que lançait le bec de gaz, l’homme dut l’apercevoir, car la lueur s’éteignit soudain et Herlock Sholmès ne la revit plus.

      Doucement il appuya sur la porte qui commandait le perron. Elle était ouverte également. N’entendant aucun bruit, il se risqua dans l’obscurité, rencontra la pomme de la rampe et monta un étage. Et toujours le même silence, les mêmes ténèbres.

      Arrivé sur le palier, il pénétra dans une pièce et s’approcha de la fenêtre que blanchissait un peu la lumière de la nuit. Alors il avisa dehors l’homme qui, descendu sans doute par un autre escalier, et sorti par une autre porte, se faufilait à gauche, le long des arbustes qui bordent le mur de séparation entre les deux jardins.

      « Fichtre, s’écria Sholmès, il va m’échapper ! »

      Il dégringola l’étage et franchit le perron afin de lui couper toute retraite. Mais il ne vit plus personne, et il lui fallut quelques secondes pour distinguer dans le fouillis des arbustes une masse plus sombre qui n’était pas tout à fait immobile.

      L’Anglais réfléchit. Pourquoi l’individu n’avait-il pas essayé de fuir alors qu’il l’eût pu si aisément ? Demeurait-il là pour surveiller à son tour l’intrus qui l’avait dérangé dans sa mystérieuse besogne ?

      – En tout cas, pensa-t-il, ce n’est pas Lupin, Lupin serait plus adroit. C’est quelqu’un de sa bande.

      De longues minutes s’écoulèrent. Herlock ne bougeait pas, l’œil fixé sur l’adversaire qui l’épiait. Mais comme cet adversaire ne bougeait pas davantage, et que l’Anglais n’était pas homme à se morfondre dans l’inaction, il vérifia si le barillet de son revolver fonctionnait, dégagea son poignard de sa gaine, et marcha droit sur l’ennemi avec cette audace froide, et ce mépris du danger qui le rendent si redoutable. Un bruit sec : l’individu armait son revolver. Herlock se jeta brusquement dans le massif. L’autre n’eut pas le temps de se retourner : l’Anglais était déjà sur lui. Il y eut une lutte violente, désespérée, au cours de laquelle Herlock devinait l’effort de l’homme pour tirer son couteau. Mais Sholmès, qu’exaspérait l’idée de sa victoire prochaine, le désir fou de s’emparer, dès la première heure, de ce complice d’Arsène Lupin, sentait en lui des forces irrésistibles. Il renversa son adversaire, pesa sur lui de tout son poids, et l’immobilisant de ses cinq doigts plantés dans la gorge du malheureux comme les griffes d’une serre, de sa main libre il chercha sa lanterne électrique, en pressa le bouton et projeta la lumière sur le visage de son prisonnier.

      – Wilson ! hurla-t-il, terrifié.

      – Herlock Sholmès, balbutia une voix étranglée, caverneuse.

      Ils demeurèrent longtemps l’un près