Морис Леблан

Les Aventures d'Arsène Lupin (La collection complète)


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Et puis ?

      – C’est tout.

      – Il n’y a plus rien ?

      – Rien. Il ne reste plus à Votre Majesté qu’à faire porter cette lettre au directeur du Grand Journal pour qu’il détruise, sans le lire, l’article qu’il va recevoir d’un moment à l’autre.

      Lupin tendit la lettre, le cœur serré, la main tremblante. Si l’Empereur la prenait, c’était la marque de son acceptation.

      L’Empereur hésita, puis d’un geste furieux, il prit la lettre, remit son chapeau, s’enveloppa dans son vêtement, et sortit sans un mot.

      Lupin demeura quelques secondes chancelant, comme étourdi…

      Puis, tout à coup, il tomba sur sa chaise en criant de joie et d’orgueil…

      – 2 –

      – Monsieur le juge d’instruction, c’est aujourd’hui que j’ai le regret de vous faire mes adieux.

      – Comment, monsieur Lupin, vous auriez donc l’intention de nous quitter ?

      – À contrecœur, monsieur le juge d’instruction, soyez-en sûr, car nos relations étaient d’une cordialité charmante. Mais il n’y a pas de plaisir sans fin. Ma cure à Santé-Palace est terminée. D’autres devoirs me réclament. Il faut que je m’évade cette nuit.

      – Bonne chance donc, monsieur Lupin.

      – Je vous remercie, monsieur le juge d’instruction.

      Arsène Lupin attendit alors patiemment l’heure de son évasion, non sans se demander comment elle s’effectuerait, et par quels moyens la France et l’Allemagne, réunies pour cette œuvre méritoire, arriveraient à la réaliser sans trop de scandale.

      Au milieu de l’après-midi, le gardien lui enjoignit de se rendre dans la cour d’entrée. Il y alla vivement et trouva le directeur qui le remit entre les mains de M. Weber, lequel M. Weber le fit monter dans une automobile où quelqu’un déjà avait pris place.

      Tout de suite, Lupin eut un accès de fou rire.

      – Comment ! C’est toi, mon pauvre Weber, c’est toi qui écopes de la corvée ! C’est toi qui seras responsable de mon évasion ? Avoue que tu n’as pas de veine ! Ah ! Mon pauvre vieux, quelle tuile ! Illustré par mon arrestation, te voilà immortel maintenant par mon évasion.

      Il regarda l’autre personnage.

      – Allons, bon, monsieur le Préfet de police, vous êtes aussi dans l’affaire ? Fichu cadeau qu’on vous a fait là, hein ? Si j’ai un conseil à vous donner, c’est de rester dans la coulisse. À Weber tout l’honneur ! Ça lui revient de droit. Il est solide, le bougre !…

      On filait vite, le long de la Seine et par Boulogne. À Saint-Cloud on traversa.

      – Parfait, s’écria Lupin, nous allons à Garches ! On a besoin de moi pour reconstituer la mort d’Altenheim. Nous descendrons dans les souterrains, je disparaîtrai, et l’on dira que je me suis évanoui par une autre issue, connue de moi seul. Dieu ! Que c’est idiot !

      Il semblait désolé.

      – Idiot, du dernier idiot ! Je rougis de honte… Et voilà les gens qui nous gouvernent !… Quelle époque ! Mais malheureux, il fallait vous adresser à moi. Je vous aurais confectionné une petite évasion de choix, genre miracle. J’ai ça dans mes cartons ! Le public aurait hurlé au prodige et se serait trémoussé de contentement. Au lieu de cela… Enfin, il est vrai que vous avez été pris un peu de court… Mais tout de même…

      Le programme était bien tel que Lupin l’avait prévu. On pénétra par la maison de retraite jusqu’au pavillon Hortense. Lupin et ses deux compagnons descendirent et traversèrent le souterrain. À l’extrémité, le sous-chef lui dit :

      – Vous êtes libre.

      – Et voilà ! dit Lupin, ce n’est pas plus malin que ça ! Tous mes remerciements, mon cher Weber, et mes excuses pour le dérangement. Monsieur le Préfet, mes hommages à votre dame.

      Il remonta l’escalier qui conduisait à la villa des Glycines, souleva la trappe et sauta dans la pièce.

      Une main s’abattit sur son épaule. En face de lui se trouvait son premier visiteur de la veille, celui qui accompagnait l’Empereur. Quatre hommes le flanquaient de droite et de gauche.

      – Ah ! ça mais, dit Lupin, qu’est-ce que c’est que cette plaisanterie ?

      Je ne suis donc pas libre ?

      – Si, si, grogna l’Allemand de sa voix rude, vous êtes libre… libre de voyager avec nous cinq si ça vous va.

      Lupin le contempla une seconde avec l’envie folle de lui apprendre la valeur d’un coup de poing sur le nez.

      Mais les cinq hommes semblaient diablement résolus. Leur chef n’avait pas pour lui une tendresse exagérée, et il pensa que le gaillard serait trop heureux d’employer les moyens extrêmes. Et puis, après tout, que lui importait ?

      Il ricana :

      – Si ça me va ! Mais c’était mon rêve ! Dans la cour, une forte limousine attendait. Deux hommes montèrent en avant, deux autres à l’intérieur. Lupin et l’étranger s’installèrent sur la banquette du fond.

      – En route, s’écria Lupin en allemand, en route pour Veldenz.

      Le comte lui dit :

      – Silence ! Ces gens-là ne doivent rien savoir. Parlez français. Ils ne comprennent pas. Mais pourquoi parler ?

      – Au fait, se dit Lupin, pourquoi parler ?

      Tout le soir et toute la nuit on roula, sans aucun incident. Deux fois on fit de l’essence dans de petites villes endormies.

      À tour de rôle, les Allemands veillèrent leur prisonnier qui, lui, n’ouvrit les yeux qu’au petit matin.

      On s’arrêta pour le premier repas, dans une auberge située sur une colline, près de laquelle il y avait un poteau indicateur. Lupin vit qu’on se trouvait à égale distance de Metz et de Luxembourg. Là on prit une route qui obliquait vers le nord-est du côté de Trêves.

      Lupin dit à son compagnon de voyage :

      – C’est bien au comte de Waldemar que j’ai l’honneur de parler, au confident de l’Empereur, à celui qui fouilla la maison d’Hermann III à Dresde ?

      L’étranger demeura muet.

      « Toi, mon petit, pensa Lupin, tu as une tête qui ne me revient pas. Je me la paierai un jour ou l’autre. Tu es laid, tu es gros, tu es massif ; bref, tu me déplais. »

      Et il ajouta à haute voix :

      – Monsieur le comte a tort de ne pas me répondre. Je parlais dans son intérêt : j’ai vu, au moment où nous remontions, une automobile qui débouchait derrière nous à l’horizon. Vous l’avez vue ?

      – Non, pourquoi ?

      – Pour rien.

      – Cependant…

      – Mais non, rien du tout, une simple remarque… D’ailleurs, nous avons dix minutes d’avance et notre voiture est pour le moins une quarante chevaux.

      – Une soixante, fit l’Allemand, qui l’observa du coin de l’œil avec inquiétude.

      – Oh ! Alors, nous sommes tranquilles.

      On escalada une petite rampe. Tout en haut, le comte se pencha à la portière.

      – Sacré nom ! jura-t-il.

      – Quoi ? fit Lupin.

      Le