Морис Леблан

Les Aventures d'Arsène Lupin (La collection complète)


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Tout cela ?

      – Cet enlèvement…

      – Mais, mon cher Monsieur, vous faites erreur. Mlle Gerbois n’a pas été enlevée.

      – Ma fille n’a pas été enlevée !

      – Nullement. Qui dit enlèvement, dit violence. Or c’est de son plein gré qu’elle a servi d’otage.

      – De son plein gré ! répéta M. Gerbois, confondu.

      – Et presque sur sa demande ! Comment ! Une jeune fille intelligente comme Mlle Gerbois, et, qui plus est, cultive au fond de son âme une passion inavouée, aurait refusé de conquérir sa dot ! Ah ! je vous jure qu’il a été facile de lui faire comprendre qu’il n’y avait pas d’autre moyen de vaincre votre obstination.

      Maître Detinan s’amusait beaucoup. Il objecta :

      – Le plus difficile était de vous entendre avec elle. Il est inadmissible que Mlle Gerbois se soit laissé aborder.

      – Oh ! Par moi, non. Je n’ai même pas l’honneur de la connaître. C’est une personne de mes amies qui a bien voulu entamer les négociations.

      – La dame blonde de l’automobile, sans doute, interrompit Maître Detinan.

      – Justement. Dès la première entrevue auprès du lycée, tout était réglé. Depuis, Mlle Gerbois et sa nouvelle amie ont voyagé, visitant la Belgique et la Hollande, de la manière la plus agréable et la plus instructive pour une jeune fille. Du reste elle-même va vous expliquer…

      On sonnait à la porte du vestibule, trois coups rapides, puis un coup isolé, puis un coup isolé.

      – C’est elle, dit Lupin. Mon cher maître, si vous voulez bien…

      L’avocat se précipita.

      Deux jeunes femmes entrèrent. L’une se jeta dans les bras de M. Gerbois. L’autre s’approcha de Lupin. Elle était de taille élevée, le buste harmonieux, la figure très pâle, et ses cheveux blonds, d’un blond étincelant, se divisaient en deux bandeaux ondulés et très lâches. Vêtue de noir, sans autre ornement qu’un collier de jais à quintuple tour, elle paraissait cependant d’une élégance raffinée.

      Arsène Lupin lui dit quelques mots, puis, saluant Mlle Gerbois :

      – Je vous demande pardon, Mademoiselle, de toutes ces tribulations, mais j’espère cependant que vous n’avez pas été trop malheureuse…

      – Malheureuse ! J’aurais même été très heureuse, s’il n’y avait pas eu mon pauvre père.

      – Alors tout est pour le mieux. Embrassez-le de nouveau, et profitez de l’occasion – elle est excellente – pour lui parler de votre cousin.

      – Mon cousin… que signifie ?… Je ne comprends pas.

      – Mais si, vous comprenez… votre cousin Philippe… ce jeune homme dont vous gardez précieusement les lettres…

      Suzanne rougit, perdit contenance, et enfin, comme le conseillait Lupin, se jeta de nouveau dans les bras de son père.

      Lupin les considéra tous deux d’un œil attendri.

      Comme on est récompensé de faire le bien ! Touchant spectacle !

      Heureux père ! Heureuse fille ! Et dire que ce bonheur c’est ton œuvre, Lupin ! Ces êtres te béniront plus tard… ton nom sera pieusement transmis à leurs petits-enfants… oh ! La famille !… La famille ! …

      Il se dirigea vers la fenêtre.

      – Ce bon Ganimard est-il toujours là ?… Il aimerait tant assister à ces charmantes effusions … mais non, il n’est plus là… plus personne… ni lui, ni les autres… diable ! La situation devient grave… il n’y aurait rien d’étonnant à ce qu’ils fussent déjà sous la porte cochère… chez le concierge peut-être… ou même dans l’escalier !

      M. Gerbois laissa échapper un mouvement. Maintenant que sa fille lui était rendue, le sentiment de la réalité lui revenait. L’arrestation de son adversaire, c’était pour lui un demi-million. Instinctivement il fit un pas… comme par hasard, Lupin se trouva sur son chemin.

      – Où allez-vous, Monsieur Gerbois ? Me défendre contre eux ? Mille fois aimable ! Ne vous dérangez pas. D’ailleurs, je vous jure qu’ils sont plus embarrassés que moi.

      Et il continua en réfléchissant :

      – Au fond que savent-ils ? Que vous êtes ici, et peut-être que Mlle Gerbois y est également, car ils ont dû la voir arriver avec une dame inconnue. Mais moi ? Ils ne s’en doutent pas. Comment me serais-je introduit dans une maison qu’ils ont fouillée ce matin de la cave au grenier ? Non, selon toutes probabilités, ils m’attendent pour me saisir au vol… pauvres chéris ! … À moins qu’ils ne devinent que la dame inconnue est envoyée par moi et qu’ils ne la supposent chargée de procéder à l’échange… auquel cas ils s’apprêtent à l’arrêter à son départ…

      Un coup de timbre retentit.

      D’un geste brusque, Lupin immobilisa M. Gerbois, et la voix sèche, impérieuse :

      – Halte-là, Monsieur, pensez à votre fille et soyez raisonnable, sinon… quant à vous, Maître Detinan, j’ai votre parole.

      M. Gerbois fut cloué sur placé. L’avocat ne bougea point.

      Sans la moindre hâte, Lupin prit son chapeau. Un peu de poussière le maculait : il le brossa du revers de sa manche.

      – Mon cher Maître, si jamais vous avez besoin de moi… mes meilleurs vœux, Mademoiselle Suzanne, et toutes mes amitiés à M. Philippe.

      Il tira de sa poche une lourde montre à double boîtier d’or.

      – Monsieur Gerbois, il est trois heures quarante-deux minutes ; à trois heures quarante-six, je vous autorise à sortir de ce salon… pas une minute plus tôt que trois heures quarante-six, n’est-ce pas ?

      – Mais ils vont entrer de force, ne put s’empêcher de dire Maître Detinan.

      – Et la loi que vous oubliez, mon cher Maître ! Jamais Ganimard n’oserait violer la demeure d’un citoyen français. Nous aurions le temps de faire un excellent bridge. Mais pardonnez-moi, vous semblez un peu émus tous les trois, et je ne voudrais pas abuser…

      Il déposa sa montre sur la table, ouvrit la porte du salon, et, s’adressant à la dame blonde :

      – Vous êtes prête, chère amie ?

      Il s’effaça devant elle, adressa un dernier salut, très respectueux, à Mlle Gerbois, sortit et referma la porte sur lui.

      Et on l’entendit qui disait, dans le vestibule, à haute voix :

      – Bonjour, Ganimard, comment ça va-t-il ? Rappelez-moi au bon souvenir de Mme Ganimard… un de ces jours, j’irai lui demander à déjeuner… adieu, Ganimard.

      Un coup de timbre encore, brusque, violent, puis des coups répétés, et des bruits de voix sur le palier.

      – Trois heures quarante-cinq, balbutia M. Gerbois.

      Après quelques secondes, résolument, il passa dans le vestibule. Lupin et la dame blonde n’y étaient plus.

      – Père ! Il ne faut pas ! attends s’écria Suzanne.

      – Attendre ? Tu es folle !… Des ménagements avec ce gredin… et le demi-million ?…

      Il ouvrit.

      Ganimard se rua.

      – Cette dame… où est-elle ? Et Lupin ?

      – Il était là… il est là.

      Ganimard poussa un cri de triomphe :

      – Nous le tenons.., la maison est