près d’un an ? Aucune joie, aucune colère, aucun chagrin, juste une grosse impression d’ennui de chaque jour. Cette impression commençait lorsqu’elle se réveillait. Elle se poursuivait toute la journée et dans la nuit, lorsque Star avait ces pensées fugaces qui résonnaient dans son esprit avant de dormir, affirma-t-elle. Même ses rêves furent ennuyeux et ternes.
D’ailleurs, la vérité était qu’elle n’avait rien à faire cet été. Aucun projet. Rien. Elle avait quelque chose en vue la plupart du temps : un cours à donner ou à suivre, des projets à réaliser dans son jardin ou autour de sa maison, un engagement qui lui donnait une bonne raison de sauter du lit le matin. Ce n’est pas le cas cette année. L’été arriva, en quelque sorte, sans qu’elle s’en rendît compte et sans organisation.
Star savait qu’elle n’était pas à l’aise avec son état d’esprit actuel. Elle entendit l’expression « dépression clinique » chuchotée dans la salle des enseignants et sut que ce pourrait être le cas, mais elle ne nourrit pas assez le désir d’étudier le problème. Elle promettait toujours de prendre rendez-vous avec le médecin, mais ne l’a jamais fait. L’idée de prendre des comprimés était en particulier loin d’être séduisante et elle pensait que les médicaments étaient la seule chose qu’un médecin lui donnerait.
Ce dont elle avait vraiment besoin, c’était de faire une pause de sa routine quotidienne. Peut-être de trouver quelque chose totalement différente à faire cet été, quelque chose pour sortir de l’ordinaire. Quelque chose qui la secouerait. Elle désirait ardemment de rejoindre la race humaine une fois de plus. Pour le moment, elle voulait simplement fumer cette dernière cigarette avant d’arrêter à nouveau, se mettre au lit et enfouir sa tête sous les draps pendant toute la journée.
Star prit son sac à main pour prendre un briquet et la boîte que le monsieur bizarre lui avait donné tomba. Une fois la cigarette allumée, le bon coup tiré et la fumée expirée, elle ramassa la boîte et la retourna entre ses mains.
Elle se rappela à ce moment de Curtis. Un garçon calme, il avait uniquement passé un mois avec eux, puis sa famille quitta la région, se rappela-t-elle. En fait, elle se rappelait que cet enfant était bizarre. Il ressemblait beaucoup à son père : mince, pâle, et n’était pas trop bavard. Il s’asseyait tout seul pour déjeuner et s’adossait au mur en briques de l’école tout en regardant les autres gamins jouer pendant la récréation. Il ne participait jamais aux jeux. Elle avait de la peine pour cet enfant parce que les autres enfants l’ignoraient mais il semblait n’en avoir cure. Alors, elle ne faisait rien. Elle finissait par rencontrer des enfants qui aimaient rester seuls.
Elle dut quand même le réprimander gentiment. Dans la salle de classe, il la regardait constamment, suivait tous ses gestes, même lorsqu’il était censé faire un devoir. Un jour, elle le prit à part et lui demanda s’il y avait un problème.
Il ria, un sourire qui faisait froid dans le dos, et hocha la tête. Elle le pria d’arrêter de la regarder fixement et lui fit savoir que c’était impoli de regarder une personne si attentivement. Il répondit simplement « Oui, madame » et ce fut la fin de la conversation. Il arrêta de trop la regarder et il déménagea peu de temps après. Elle n’avait pas pensé à lui depuis.
Pourquoi lui offrirait-il un cadeau ? L’avait-elle vraiment aidé ? Avec quoi ? Star ouvrit lentement le couvercle et sursauta lorsqu’elle entendit un coup de tonnerre. Un éclair de lumière tourbillonnait autour d’elle et elle se sentit soulevée de sa chaise et s’en éloigna.
Chapitre deux
Star cligna des yeux et fit tourner la tête, stupéfaite. Qu’est-ce qui venait de se passer ? Comment était-elle passée de la position assise à la table de sa cuisine à la position allongée sur le sol dans ce qui semblait être une cour extérieure ? Elle ne reconnut pas cet endroit. Des arbres, des plantes et des fleurs remplissaient la zone mais le feuillage n’était pas familier. Plusieurs fontaines glougloutaient et quelques oiseaux pépiaient, sinon c’était silencieux. Alors qu’elle se démenait pour se lever, un homme fit son apparition. Cet homme marchait à vive allure sur un chemin empierré.
« Ce n’était certainement pas un atterrissage élégant. J’espère vraiment que vous ne vous êtes pas blessée. Bon Dieu ! Qu’est ce qui est arrivé à votre main ? Vous êtes en feu ! »
Le monsieur bizarre l’attrapa et la tira vers la fontaine la plus proche, puis poussa la main de Star dans l’eau.
« Je ne suis pas en feu, espèce de crétin, c’était une cigarette et c’était aussi la dernière que je fumais. Où diable suis-je et que se passe-t-il ?
« Vous n’avez vraiment pas besoin de crier et de pester de cette manière. Ce comportement ne convient pas à une dame bien éduquée. Si vous me suivez, je vous expliquerais. »
Star observa le monsieur de près. Quelque chose clochait. Il était grand et mince. Il avait aussi les yeux en amande et les cheveux qui touchaient ses épaules. Ses jambes et ses bras paraissaient juste un peu plus longs que la normale. Ses oreilles ! C’était en fait ce qui n’allait pas. Elles étaient pointues. Lorsqu’elle regarda de plus près, elle remarqua que la couleur de sa peau était bizarre. Il avait soit un mauvais autobronzant ou il était violet. Star croisa ses mains et redressa son menton.
« Je ne vais nulle part avec vous tant que vous ne vous présentez pas et tant que vous ne me dites pas ce qui se passe. » Toutefois, elle feignait tant bien que mal à être courageuse, son cœur battait et ses paumes étaient moites.
« Vous devez me suivre. Oh, où est Vesta ? Elle est censée s’occuper des femmes. »
« J’arrive, j’arrive, » une voix se fit entendre et une femme se précipita sur un autre chemin. « Je suis désolée, Roven, j’ai été retenue. »
La femme ressemblait beaucoup à l’homme : des oreilles pointues et tout. Leur peau n’était pas vraiment violette, plus de couleur mauve très claire, qui met en valeur le vert de leurs yeux. Ils portaient tous les deux des pantalons et des chemises amples mais la femme avait des cheveux courts et roses. Star cligna des yeux et hocha la tête. Quelque chose clochait avec sa vision, se décida-t-elle. On dirait que ces gens étaient des lutins violets !
Tout à coup, un coup de tonnerre se fit entendre et un homme apparut au même endroit où Star venait d’apparaître. Il atterrit également à quatre pattes.
« Que se passe-t-il ? On n’est pas censé avoir deux livraisons à la fois. Et pourquoi ces humains atterrissent si violemment ? Ils vont se blesser. Les dieux nous protègent, » s'exclama Roven.
Le nouveau-venu bondit sur ses pieds et se tourna vers elle.
« Qu’est-ce qui se passe ? » La réaction de l’homme semblait bien correspondre à celle que Star s’imaginait avoir : consterné, troublé et en colère. Toutefois, il avait l’air entièrement humain et plutôt séduisant, ce qui réconforta un peu Star.
L’homme lutin se dirigea vers lui et prit sa main.
« Si vous me suivez… »
« Je ne vais nulle part avec vous et lâchez-moi avant que je vous donne un coup de poing. »
« Gardes ! » Cria Roven.
Vesta prit le bras de Star mais cette dernière se débarrassa de la main de la femme. « Madame, je pourrais tout aussi vous donner un coup de poing. Laissez-moi tranquille. »
Plusieurs lutins apparurent munis de lances. Ils encerclèrent l’homme humain et tirèrent ses bras dans son dos, puis ils l’amenèrent.
« S’il vous plaît, ne me poussez pas à appeler plus de soldats. Nous sommes à court d’effectif aujourd’hui et Sa Majesté sera très vexée si nous nous faisons accompagnés par les gardes de son palais. Suivez-moi tranquillement, » supplia la dame lutine.
Star évalua rapidement la situation et décida que la résistance pourrait