en nourriture chaude de qualité raisonnable. Les soldats britanniques traversaient également régulièrement la Manche pour passer du temps avec leurs familles, loin des tranchées.
C'était particulièrement douloureux pour les Français, car beaucoup se battaient à moins d'une journée de voyage de leurs foyers et ils n’avaient pas le droit de quitter leurs bases. Il était rare qu’on leur propose des congés. Tous les camps avaient subi d'horribles pertes, mais de tous les alliés, ce sont les Français qui avaient perdu le plus d'hommes. Plus d’un jeune soldat sur quatre, entre 18 et 30 ans, allait mourir dans cette guerre. Plus d'un million et demi en tout. Avec des millions d'autres blessés et mutilés à vie.
Dans le haut commandement français, la mutinerie provoqua une panique. La France avait déjà tant souffert. Tant d'hommes avaient été sacrifiés pour empêcher l'armée allemande d'envahir ce beau pays. Comme ce serait terrible si les Français perdaient la guerre parce que ses soldats déprimés avaient tout laissé tomber pour rentrer chez eux. Pour ces raisons, le haut commandement français décida de répondre aux plaintes de ses soldats plutôt que de simplement réprimer brutalement la révolte.
Les dirigeants français devaient faire face à trois problèmes majeurs.
D'abord, ils devaient prendre des mesures immédiates pour introduire des réformes afin de rendre la vie de leurs hommes plus supportable. La plupart d'entre eux étaient des conscrits qui s’étaient engagés pour la durée de la guerre et n’étaient pas des soldats de carrière.
Ensuite, pour faire respecter ce plan, l'armée devait punir les responsables. Cette tâche se révélait difficile car les mutineries semblaient être spontanées et n’avaient pas de meneurs réels.
Troisièmement, et ce point était le plus important, il ne fallait pas que les Allemands sachent ce qui se passait dans les rangs Français. S'ils avaient vent des mutineries, ils pourraient percer les lignes françaises et être à Paris en une semaine. Alors la guerre serait perdue à coup sûr.
Plusieurs généraux plus âgés furent remplacés. La qualité de la nourriture distribuée aux troupes de première ligne fut considérablement améliorée. Un système de visites au foyer fut introduit, et les camps de repos derrière les lignes de front furent réaménagés pour être plus habitables. Les hauts gradés Français comprirent le message et donnèrent leurs ordres aux officiers subalternes et aux sous-officiers pour que la vie du troufion ne soit plus mise en danger par des attaques inutiles.
La punition pour mutinerie était cependant toujours aléatoire et injuste. Au début du mois de juin, 700 hommes d’un bataillon disparurent dans la forêt en bord de route alors qu’ils rentraient du front. Plus tôt dans la journée, la rumeur s'était répandue parmi les troupes qu’une grotte se trouvant dans la forêt était assez vaste pour qu’ils puissent tous s’y cacher. Un commandant voulant faire preuve de bravoure, se rendit à l’emplacement de la grotte pour négocier avec les mutins. Il leur dit de retourner au front avant l'aube ou bien, ils seraient tous massacrés. Les hommes sortirent de leur cachette. Une fois de retour au commandement de l'armée, 20 d'entre eux furent retirés des rangs et fusillés.
Le commandant français avait négligé de leur mentionner que cela se produirait. Mais, pour d’autres divisions, une fois l'ordre rétabli, la mutinerie momentanée était rapidement oubliée et personne n’était puni.
Au total, plus de 24 000 hommes avaient été arrêtés et traduits devant des tribunaux militaires. Parmi eux, 551 avaient été jugés comme étant des chefs de la révolte et condamnés à mort. Mais seulement 40 furent fusillés. Les autres furent envoyés au bagne de la Guyane française, un sort misérable pour des soldats conscrits qui s’étaient battus courageusement jusqu'à ce qu'ils n'en puissent plus. Les exécutés étaient abattus devant leurs camarades, qui devaient alors passer en file indienne devant les morts.
De nombreux autres soldats français avaient été fusillés au hasard et sans procès, mais le nombre de ces décès restait difficile à estimer. La mutinerie était un sujet sensible. Mais derrière la façade de la magnanimité, il y avait une main de fer déterminée à ce qu'une telle désobéissance généralisée ne puisse plus jamais se reproduire.
Parmi les divisions rebelles se trouvait un régiment de soldats russes, qui avait été envoyé sur le front occidental par le régime tsariste, comme un gage de bonne volonté, avant qu’il ne se trouve lui-même en difficulté et soit renversé. Ces soldats avaient enduré des conditions encore pires et un commandement encore plus incompétent que chez nos alliés français et britanniques. Ils n'étaient que trop prêts à suivre la mutinerie des camarades français rebelles. Leur sort fut pitoyable. Le commandement français avait dû traiter ses propres soldats avec une certaine indulgence, car il était impossible de tous les punir. Ils étaient trop nombreux à être réprimés. Une discipline sévère aurait pu provoquer de pires rébellions voire une révolution. Les Russes étaient remplaçables. Le régiment fut encerclé et mis en pièces par l'artillerie française.
La mutinerie avait duré six semaines. L'armée française avait échappé de justesse à une défaite cuisante. Mais les soldats avaient envoyé un message clair à leurs généraux. Désormais, il n'y aura plus d'attaques massives et les soldats français ne participeront qu'à des assauts de petite envergure sur les lignes allemandes. Ainsi l'horrible boucherie des trois années précédentes pris fin. Pour le reste de la guerre, la majeure partie des combats contre les puissances centrales sera laissée à la Grande-Bretagne et au Commonwealth, ainsi qu'aux troupes américaines fraîches et enthousiastes qui vont entrer en guerre juste à temps pour sauver les alliés d'une défaite presque certaine.
Derrière les lignes du front, le gouvernement réagit par la censure dans les journaux français et emprisonne ceux qui faisaient campagne pour la fin de la guerre par capitulation. De nos jours, ces personnes seraient appelées des militants de la paix. En 1917, ils étaient surnommés « agitateurs de guerre ».
Aujourd'hui encore, la mutinerie reste un sujet honteux et sensible en France. Lors de son 80ème anniversaire, en 1997, le Premier ministre français a suggéré que les mutins devaient être compris et pardonnés. Cette décision a été sévèrement dénoncée par le président français de l'époque, Jacques Chirac. Le simple fait d'exprimer sa sympathie pour ces hommes fatigués par la guerre était encore considéré comme un outrage.
Mais de nos jours, la plupart des gens s'accordent à dire que les mutins auraient mérité la pitié plutôt que la condamnation.
Ils étaient simplement des hommes comme les autres qui s’étaient trouvés perdus dans un enfer de feu et de sang.
|
|
Le cauchemar du bois de Belleau
L'année précédant notre entrée en guerre, les États-Unis disposaient d'une petite armée d'à peine 100 000 hommes. Le président, Woodrow Wilson, avait des sentiments mitigés quant à l'engagement de notre pays dans ce conflit. De nombreux citoyens américains étaient des immigrants européens qui avaient fui vers le Nouveau Monde, en partie pour éviter des guerres telles que celle-ci. Sans compter qu'une proportion non négligeable des immigrants américains étaient originaires d'Allemagne. Cela rendait toute décision sur le choix du camp à soutenir extrêmement compliquée.
En janvier 1917, les commandants militaires allemands décident d'autoriser leurs sous-marins