la naissance des enfants a perdu son sens, et, au lieu d’être le but et la justification des relations conjugales, est devenue un empêchement pour la continuation agréable des relations amoureuses et qu’à cause de cela, en mariage et en dehors du mariage, grâce à l’immixtion immorale de la soi-disant science médicale, commence à se répandre l’emploi des moyens qui privent la femme de produire les enfants, ou bien c’est devenu une coutume (ce qui ne se voyait pas auparavant et ce qui ne se voit pas encore dans les familles patriarcales de paysans) de continuer des relations pendant la grossesse et l’allaitement.
Et ceci est très mauvais : c’est mauvais parce que ça détruit les forces physiques et surtout les forces morales de la femme, et il ne faut pas le faire, et pour ne pas le faire, il faut comprendre que l’abstinence, qui est la condition nécessaire de la dignité humaine dans le célibat, est encore plus obligatoire dans le mariage, et que la raison est donnée à l’homme non pas pour s’abaisser au-dessous du niveau de l’animal, mais pour se mettre au-dessus de lui. Quant à la destruction du fruit par la jouissance et la continuation des relations pendant la grossesse et l’allaitement, c’est dépasser l’animal dans l’animalité.
Ceci pour le tertio, et, quarto, je pense que dans notre société, où les enfants deviennent un empêchement à la jouissance, un accident malheureux ou une jouissance d’un autre genre quand on arrive à en avoir la quantité définie d’avance, ces enfants sont élevés, non pas en vue du but de la vie qu’ils ont à accomplir, mais en vue des plaisirs qu’ils peuvent offrir aux parents, et à cause de cela on les élève comme les enfants des animaux divers ; les soucis principaux des parents consistent non pas à les préparer à une activité digne d’un être humain, mais (et en ceci les parents sont soutenus par la fameuse science nommée médecine) à les gaver le mieux possible, augmenter la quantité de leur viande, augmenter leur taille, les faire propres, blancs, beaux. On les choie de toute façon ; on les lave, on les gave et on ne les fait pas travailler. Si cela ne se fait pas dans les classes inférieures, c’est par pure nécessité. Quant aux vues, elles y sont les mêmes ; et chez ces enfants trop nourris comme chez les animaux trop nourris, d’une façon extraordinairement hâtive apparaît une sensualité insurmontable torturante. Les vêtements, les lectures, les spectacles, les musiques, les danses, la nourriture sucrée, tout l’entourage de la vie depuis les vignettes jusqu’aux romans et poèmes, rallument plus encore cette sensualité, et grâce à cela les vices sensuels et la maladie deviennent des conditions ordinaires de l’âge adolescent chez les enfants des deux sexes et souvent persistent même à l’âge mûr – et ceci n’est pas bien. Il faut cesser d’élever des êtres humains comme des enfants d’animaux, et pour élever les enfants humains, il faut avoir d’autres buts qu’un corps joli et bien nourri !
Ceci pour le quarto. Cinquièmement, je pense que dans notre société, grâce à l’importance fausse qu’on attribue à l’amour sensuel, et cet état qui l’accompagne, les meilleures forces sont absorbées pendant la meilleure époque de la vie des hommes par le guet, la recherche et la possession de l’objet de l’amour, et pour l’obtenir on croit excusable même le mensonge. Pour les femmes et les jeunes filles, c’est la séduction et l’entraînement des hommes aux relations ou au mariage, et pour ce les femmes ne dédaignent pas les moyens les plus bas en imitant les modes des prostituées et en exposant des parties du corps qui provoquent la sensualité.
Et je crois que ce n’est pas bon. Ce n’est pas bon parce que arriver au but de jouir de l’amour physique, quelque poétisé soit-il, est un but animal, indigne d’un être humain, et a sa source dans cette conception de la vie brutale et animale que cette autre qu’on rencontre souvent au degré inférieur du développement, d’après laquelle une nourriture abondante et sucrée est représentée comme le plus grand bien-être et comme un but de l’activité humaine. Ce n’est pas bon et il ne faut pas le faire, et pour ne pas le faire, on doit comprendre que le but digne de l’homme, que ce soit le culte de l’humanité, de la patrie, de la science, de l’art, pour ne parler du culte de Dieu, quoi qu’il soit, si nous le croyons seulement digne d’un être humain, se trouve toujours en dehors des jouissances personnelles, et grâce à cela l’entrée, non seulement en relation amoureuse, mais même le mariage au point de vue chrétien, n’est pas rehaussement, mais chute, parce que l’état amoureux, et l’amour physique qui l’accompagne, malgré toutes les preuves du contraire en vers et en prose, ne correspond jamais à un but digne d’un homme, mais l’empêche toujours. Ceci pour le quinto.
Voilà à peu près l’essentiel de ce que j’ai pensé en concevant le sujet de ma nouvelle.
Mais, dira-t-on, si l’on admet que le célibat est préférable au mariage et que le but de l’Humanité est de tendre vers la chasteté, le genre humain périra, et si la conclusion de ces prémisses est que le genre humain s’éteindra, alors tout ce raisonnement n’est pas juste :
Mais ce raisonnement n’est pas à moi, ce n’est pas moi qui l’ai inventé. L’idée que l’homme doit tendre à la chasteté, et que le célibat est préférable au mariage, est une vérité découverte par le Christ, il y a dix-neuf cents ans, qui est écrite dans nos catéchismes et que nous confessons tous. Dans les Évangiles, il est dit clairement et sans moyen d’interprétation contradictoire que l’époux, celui qui connaîtra la vérité quand il est déjà marié, doit rester avec sa compagne, c’est-à-dire ne pas changer de femme et vivre plus chastement qu’il n’a vécu (Mathieu, Ve chapitre, 18e verset, XIXe chapitre, 8e verset) et que par conséquent le célibataire doit ne pas se marier du tout (Mathieu, XIXe chapitre, 10e et 11e versets) et que l’un, aussi bien que l’autre, en tendant vers la plus parfaite chasteté, commet un péché en regardant la femme comme un objet de jouissance (Mathieu, Ve chapitre, 28e et 29e versets). Voilà ce qu’a dit le Christ et de ceci même témoigne l’histoire de l’humanité et la conscience et la raison de chaque être humain individuellement. L’histoire nous montre un mouvement incessant et sans recul, depuis les temps les plus anciens, de l’incontinence vers la chasteté, de la confusion complète des sexes vers la polygamie et la polyandrie, et puis, de la polygamie vers la monogamie, de la monogamie incontinente vers la chasteté dans le mariage. Notre conscience confirme la même chose condamnant toujours l’incontinence en soi-même et dans les autres, et toujours approuvant la chasteté et mettant toujours plus haut l’appréciation morale d’un homme en raison de sa chasteté. La raison confirme la même chose en démontrant que la seule résolution non contraire au sentiment humain, la résolution de cette question que la terre ne soit pas trop peuplée, s’obtient seulement par la tension vers la chasteté qui est naturelle à l’homme, quoique contraire à l’animal. Et chose étonnante, le fait que les théories de Malthus existaient et existent, que la prostitution augmente de plus en plus (toute relation sexuelle sans enfantement, je ne puis la nommer que prostitution), que des millions d’enfants sont tués dans le sein de leurs mères, que d’autres millions meurent de faim, de misère, que des millions et des millions sont tués à la guerre, et que l’activité principale des États est dirigée à augmenter le plus possible la capacité de tuer les hommes, tout cela n’est pas dangereux pour le genre humain, mais dites seulement qu’il faut modérer ses passions et se contenir, et tout de suite le genre humain est en danger.
Il y a deux moyens d’indiquer le chemin à celui qui le cherche. Le premier consiste à dire : « Va vers cet arbre, de cet arbre vers un village, du village le long de la rivière, vers le tumulus, etc. »
L’autre consiste à indiquer la direction à celui qui cherche son chemin : « Va vers l’Est : le Soleil inatteignable ou une étoile t’indiqueront toujours une direction. »
Le premier moyen c’est le moyen des définitions religieuses, superficielles et temporaires.
L’autre est le moyen de la conscience intérieure d’une vérité éternelle et immuable.
Dans le premier cas on donne à l’homme certains signes d’actes qu’il doit ou qu’il ne doit pas faire, dans l’autre, on indique à l’homme un but éternel et inatteignable, mais dont il a conscience, et ce but donne une direction à toute son activité dans cette vie.
«