et se livrent à une joute visuelle silencieuse. La serveuse porte un t-shirt Northeastern et un short vraiment court qui dévoile des kilomètres de jambes bronzées. Aux pieds, elle a des chaussures de sport, et autour de la taille, un petit tablier. Juste au-dessus de son sein droit, qui à l’air tout aussi pulpeux que le gauche, un badge est accroché, qui dit Danny.
Miracle suprême, Angeline a été réduite au silence. Rien ne sort de sa bouche, mais ses yeux lancent des éclairs.
Glissant discrètement son crayon derrière l’oreille, Danny met une main sur sa hanche.
— Vous savez quoi ? Quand vous serez prêts à commander, pourquoi pas…
Elle s’arrête pour faire le tour de la table des yeux et montre Carter du doigt.
— Toi… Lève juste la main quand vous êtes prêts à commander et je reviendrai vous aider. OK ?
Sans attendre de réponse, elle balance un clin d’œil à Carter et nous tourne le dos. Je ne peux pas m’en empêcher, j’éclate de rire, et Angeline braque les yeux sur moi avec colère. Je l’ignore, toujours secoué de rire.
— Attends, Danny, je l’appelle.
Elle se retourne et me regarde avec surprise. Elle ne s’attendait pas à ce que je l’appelle par son prénom, j’en suis sûr.
— On est prêts à commander. Je trouve que tu as un excellent raisonnement philosophique.
Revenant d’un pas nonchalant à notre table, Danny soutient mon regard et je la vois m’évaluer. Je ne bronche pas ni ne détourne les yeux, et je lui rends son regard avec une intensité égale.
Elle marche droit vers moi, assez près pour que je respire son odeur… Et elle sent comme une pluie de printemps.
— Alors, qu’est-ce que tu prends ?
Elle est encore plus belle de près et j’espère que je n’ai pas la langue qui sort de la bouche. J’ai envie de lui dire que je vais la prendre elle, avec elle en accompagnement, et comme dessert… elle. À la place, je commande le Husky Special.
Elle me fait un clin d’œil.
— Bien sûr, beau brun.
J’entends Mike pouffer de rire, mais je m’en fiche.
Danny fait le tour de la table et prend les commandes de tout le monde. Après la façon dont elle a remis Angeline à sa place, tout le monde est convenablement radouci et poli. Je ne crois pas que qui que ce soit veuille une confrontation avec cette fille.
Je l’observe plus attentivement. Même si elle vient tout juste de se faire pratiquement traiter d’inculte quelques minutes auparavant, elle semble confiante et sûre d’elle. Elle sourit à chacun d’entre nous en prenant notre commande, même à Angeline, qui est sensiblement plus conciliante quand elle demande une coupe de fruits et un verre d’eau glacée. Je suis impressionné par cette fille, et très curieux.
Pourquoi quelqu’un d’aussi intelligent travaille-t-il dans un café-resto ? Et qu’est-ce qui pousse quelqu’un à teindre ses cheveux en mauve ou à se percer le nez ? Je ne pige pas, mais je me découvre l’envie de le savoir.
Après que Danny ait apporté nos commandes, la conversation reprend, bien qu’on discute hockey, maintenant, au lieu de philo. Je crois qu’on commence à dessoûler. Mike, Carter et moi discutons du premier match de la saison contre l’université de Boston. Pendant qu’on parle, j’observe Danny bouger, parler aux clients. Elle rit beaucoup et a un sourire magnifique, avec une fossette à chaque joue. Je remarque qu’elle a aussi un magnifique petit cul, mais bon, je suis un mec.
Apparemment je ne suis pas aussi discret que je pense l’être parce que Carter se penche par-dessus la table et me chuchote :
— Elle est plutôt sexy, hein ? Tu vas la pécho ?
Je lui ris au nez.
— Nan, mec. C’est pas mon genre de fille.
— Ben, avec un corps pareil, elle est plus que mon genre. Je me demande si elle a des piercings qu’on ne peut pas voir.
Je ne peux pas nier avoir pensé à la même chose. Cela dit, il n’est vraiment pas question que le découvre. Je devine, rien qu’en la regardant, que ce n’est pas le genre de fille à aimer les coups d’un soir. Oh, elle peut jouer les dures avec ses cheveux teints et ses piercings, mais en la regardant, on peut voir qu’elle est plus ange que démon. Dommage pour moi. Et pour elle, aussi.
Et un coup d’un soir serait la seule façon pour moi de trouver les réponses à mes questions. Elle n’est définitivement pas le genre de fille avec qui sortir, parce que mes parents auraient une attaque si j’apparaissais dans les médias avec elle à mon bras. Cette idée est plutôt décevante. Il y a très longtemps que quelqu’un ne m’a pas intéressé comme ça et à présent, je suis furieux de devoir vivre ma vie selon les critères de mes parents.
Je soupire silencieusement et donne un coup de poing amical sur le bras de Carter.
— Fonce, mon pote. Ta sale tronche pourrait lui plaire.
1 Chapitre 2
Danny
Je sors de la douche en tremblant de façon incontrôlable. C’est le deuxième jour d’affilée que le chauffe-eau est cassé et je suis prête à engueuler le concierge. Si ma coloc, Paula, et moi n’étions pas aussi pauvres, nous déménagerions dans un meilleur appartement. Mais les choses étant ce qu’elles sont, nous vivotons toutes les deux au jour le jour, sans pouvoir joindre les deux bouts, et nous ne pouvons pas nous payer plus que ce misérable taudis.
— Il y avait de l’eau chaude, Danny ?
J’ouvre la porte de la salle de bain et j’entends Paula remuer des casseroles dans la cuisine. Je crois qu’elle fait des ramens pour dîner.
— Nan. Toujours glacé, je lui réponds.
— Putain. Ce connard de bon à rien. Merde.
— Surveille ton langage ! Mes oreilles saignent à cause de tes grossièretés. Et tu me dois trois cigarettes.
J’entends Paula parcourir le couloir d’un pas lourd. Elle passe la tête par la porte et me tend les cigarettes en me jetant un regard noir. Je les jette rapidement dans les toilettes.
— T’es vraiment une garce, Danny.
Je réponds en lui envoyant un baiser.
— Je t’aime aussi.
Et j’aime vraiment Paula. Elle est comme une meilleure amie et une mère, tout en un. Nous vivons ensemble depuis presque deux ans et elle a quinze ans de plus que moi. Nous nous sommes rencontrées en travaillant toutes les deux au Sally’s, mais depuis lors, elle est passée à quelque chose de mieux… Elle travaille dans un magasin de disques vintage.
Paula est une pro des jurons. Depuis notre première rencontre, j’essaie sans succès de l’amener à diminuer un peu. Ce n’est pas que je ne jure jamais, c’est juste que Paula ne débite que des gros mots. Alors j’ai parié avec elle qu’elle ne pourrait pas arrêter les jurons, ce à quoi elle a répondu Fastoche. Nous avons convenu que si elle disait un juron, elle me donnerait une de ses précieuses cigarettes… que je détruis avec plaisir juste devant elle. J’imagine que je l’aurai sevrée de la nicotine dans peu de temps.
Sortant de la salle de bain, elle me suit dans ma chambre. Je laisse tomber ma serviette sur le sol et commence à m’habiller.
— Donc, tu as le service de nuit au Sally’s ? demande-t-elle.
— Oui. Je finis à sept heures du mat’.
Je m’habille pendant qu’elle s’appuie contre le chambranle de la porte.
— Meuf, t’as des horaires de dingue. Pourquoi tu n’abandonnes