Sawyer Bennett

Hors Jeu


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se contente de sourire d’un air évasif et dit :

      — Tu verras.

      Je dois reconnaître que maintenant, je suis encore plus curieux à son sujet qu’avant. Je m’attendais vraiment à ce qu’elle veuille que je l’emmène dans un restaurant haut de gamme. Je veux dire, c’est ce que les filles veulent, d’habitude. Et qu’elle nous fasse prendre les transports en commun plutôt que ma voiture fabuleusement belle et ridiculement couteuse me met presque sur des charbons ardents quant à savoir à quoi m’attendre.

      On n’a pas l’occasion de parler beaucoup durant le trajet en bus parce qu’il est rempli de navetteurs. Mon premier trajet en bus n’a rien de déplaisant, cela dit. Le manque de sièges nous oblige à rester debout, et très proches l’un de l’autre, et Danny est collée contre mon flanc. Elle se tient à une barre de métal en face d’elle et je suis assez grand pour me tenir à une poignée au plafond sans avoir le bras tendu. Quand le bus fait une embardée ou secoue ses passagers, les douces courbes de Danny se balancent contre moi. Plusieurs fois, je lui place une main dans le dos pour l’aider à se stabiliser et elle me lance un sourire narquois, que je lui renvoie.

      Finalement, Danny me fait signe qu’on a atteint notre destination et on descend avec quelques autres passagers. Il commence à faire sombre et je suis assez consterné qu’on se retrouve dans une partie de la ville plutôt sordide. Les rues sont jonchées de déchets et j’aperçois plus d’une fenêtre brisée à certains immeubles. Je veux poser la question à Danny, mais elle se dépêche de traverser la rue, et je la suis. On marche le long d’un pâté de maison et en tournant à l’angle, on tombe sur une file de gens s’étirant devant une entrée. Il doit bien y avoir une vingtaine de personnes dans la file et je suis un peu confus. Est-ce qu’on est devant une boîte de nuit ?

      Danny remarque la tête que je fais et m’attrape la main. Elle me guide vers l’avant de la file, devant la porte d’entrée, tout en saluant quelques personnes. Et puis je vois la pancarte au-dessus de la porte… Helping Hands - Refuge. Je regarde à nouveau les gens formant la file et à présent, je vois clairement ce qu’ils sont… Des sans-abris.

      Ils ont des profils variés… noirs, blancs, asiatiques, jeunes, vieux, hommes et femmes. La seule chose qu’ils aient en commun, c’est qu’ils sont tous pauvres… très, très pauvres, apparemment. Certains sont vêtus de haillons tandis que d’autres sont couverts de crasse de la tête aux pieds. J’ai conscience rester bouche bée devant ces gens démoralisés, mais je ne peux pas m’en empêcher. Finalement, je tourne lentement la tête vers Danny, qui m’observe comme si elle s’attendait à me voir détaler.

      — Je fais du bénévolat ici, plusieurs fois par semaine. C’est ma soirée, ce soir, et j’ai pensé que tu pourrais donner un coup de main.

      Je fronce les sourcils.

      — Et c’est là que tu veux que je t’emmène dîner ? Pas très romantique.

      Elle ne dit rien, mais continue à m’observer avec attention.

      Je soupire et lui prends la main, me dirigeant vers la porte d’entrée.

      — Eh bien, au travail, alors.

      Je suis ravi quand Danny me récompense avec son éblouissant sourire à fossettes tandis que je l’emmène à l’intérieur.

      Elle me guide à travers la réception, puis au bas d’un escalier qui descend vers la cave. Elle m’indique une porte qui mène à une aile du bâtiment dont elle m’explique qu’elle accueille des résidents permanents. Quand je lui pose la question à propos des personnes qui font la file dehors, elle me répond qu’ils viennent uniquement pour manger, mais qu’ils vivent dans les rues.

      Danny ouvre une double porte et on se retrouve dans un grand réfectoire. Il y a des tables pliantes pour huit personnes et des chaises en métal autour de chaque table. Je trouve bizarre que chaque table ait un petit vase posé dessus avec un petit bouquet de fleurs en plastique dedans. La plupart des sièges sont occupés et je vois que lorsqu’une personne a fini son repas et s’en va, des bénévoles laissent entrer d’autres personnes.

      Je suis Danny autour du périmètre de la pièce jusqu’à l’arrière où se trouve un comptoir de service qui révèle une grande cuisine cachée derrière. Une porte battante sur le côté permet aux gens de rentrer et de sortir entre la cuisine et le réfectoire.

      — C’est à cette heure-ci que tu arrives, Danny ? J’en ai plein le cul de préparer la nourriture pour demain.

      — Pas de panique, Maverick. Je suis là, maintenant, et j’ai amené de l’aide. Mais nous nous attendons à un bon repas quand nous aurons terminé.

      Danny me regarde et je dis silencieusement Maverick ?

      Elle se penche et me chuchote :

      — Top Gun est son film préféré.

      Je regarde en direction de Maverick. Il est asiatique et extrêmement petit. Il porte un tablier par-dessus ses vêtements qui est couvert d’éclaboussures de nourriture, et il mélange quelque chose dans une grande casserole sur la cuisinière. Sur la tête, il porte un chapeau avec l’inscription Honey Badger Don’t Care.

      Danny ouvre un tiroir et en retire deux tabliers, en lançant un vers moi.

      — Mav, voici Ryan. C’est mon co-pilote, ce soir.

      Je déteste avoir à l’admettre, mais je n’aime pas la référence à Top Gun. Le co-pilote est supposé aider l’autre personne à s’envoyer en l’air, mais plutôt crever que d’aider Danny à faire ça.

      Maverick me regarde, remarquant mes vêtements.

      — Il est habillé assez chic. Tu es sûre qu’il peut se salir les mains ?

      Avant que Danny puisse répondre, je dis :

      — Je suis sûr que je peux me salir les mains. Dites-moi quoi faire.

      Mav se contente de grogner après moi, mais m’indique une pile de pommes de terre sur le plan de travail. J’enlève ma veste et la pends sur le dossier d’une chaise, retroussant les manches de ma chemise. Après avoir passé un tablier, je prends une patate et commence à l’éplucher. Danny vient se placer à côté de moi pour m’aider. On travaille dans un silence confortable, principalement parce que Maverick est là et parce que je suis sûr qu’il me découperait en rondelles si on n’est pas assez rapide à la tâche.

      Quand il quitte la cuisine en emportant la grande casserole qui était sur la cuisinière derrière lui, Danny s’incline vers moi et me donne un petit coup d’épaule.

      — Alors, comment tu t’en sors ?

      — Fantastique. J’adore éplucher les patates. C’est une des activités que je préfère au monde.

      — Première fois, hein ?

      Je ris.

      — Oui. Mais j’aime toujours essayer de nouvelles choses, comme ça je peux les rayer de ma liste de choses à faire avant de mourir.

      On se tait pendant une minute, puis je dis :

      — Tu sais, Danny… m’amener ici ne prouvera rien.

      Elle me regarde et son visage montre combien elle est surprise que j’aie deviné ses intentions. Elle commence à bégayer quelque chose à propos de ne pas essayer de prouver quoi que ce soit, mais j’essuie mes mains sur un torchon et pose un doigt sur ses lèvres. Je me penche un peu et lui murmure doucement :

      — Ne nie pas. Ça n’est pas digne de toi.

      Elle a les yeux ronds et confus, pendant environ trois secondes, puis elle éclate de rire.

      — Je suppose que je ne vais pas pouvoir te rouler souvent.

      — Je vois clair dans ton jeu, je la rassure.

      On échange des banalités